Pour la première fois, un opéra « 100 % zéro achat » proposé à Bordeaux

  • L’Opéra de Bordeaux a confié la réalisation du Requiem de Mozart, une oeuvre très rarement mise en scène, à Stéphane Braunschweig, également directeur du théâtre de l’Odéon à Paris.
  • Souhaitant s’inscrire dans une démarche écoresponsable, l’institution bordelaise a souhaité qu’aucun achat de matériel ne soit effectué pour la réalisation des costumes et des décors.
  • Le metteur en scène a dû puiser dans le stock du Grand-Théâtre, tandis que certains partenaires extérieurs ont été sollicités.

Le monde de l’art lyrique n’échappe ni aux restrictions budgétaires, ni aux contraintes environnementales. Dans un souci de sobriété, l’Opéra de Bordeaux a ainsi commandé au metteur en scène Stéphane Braunschweig le premier opéra « zéro achat. »

Il propose à partir de vendredi, et pour sept représentations, un Requiem de Mozart, œuvre très rarement mise en scène, conçu sans aucun achat de matériel pour la réalisation des décors, costumes et accessoires. « Le Requiem de Mozart n’a pas été choisi au hasard pour mener à bien ce projet écoresponsable : il s’agit littéralement d’une « messe des morts », mais ce chef-d’œuvre traduit aussi l’espoir d’une vie « au-delà de la mort », un propos qui entre en résonance avec le projet écoresponsable de donner une nouvelle vie aux matériaux… » explique l’institution bordelaise.

Des cercueils fabriqués avec des caisses de vin

Pour réussir à « tenir le pari de ne pas acheter de matériaux pour une œuvre à la qualité artistique et scénique inchangée pour le spectateur », l’Opéra a sollicité tous ses métiers. Il a aussi puisé dans les 5.000 m2 de ses réserves. « J’ai demandé à voir ce qu’il y avait de disponible en stock, explique Stéphane Braunschweig. J’ai vu un décor qui avait servi pour un Macbeth, avec des parois en miroir, ça m’a accroché tout de suite. Après j’avais besoin de rideaux blancs pour constituer mon fond de décor, il y en avait aussi. » Le stock de vêtements a servi à la création de la quarantaine de costumes.

La production a aussi sollicité des partenaires extérieurs, comme une friperie solidaire ou un fabricant de caisses de vin pour la fabrication des cercueils, « les seules choses que l’on a vraiment fabriquées pour ce spectacle », indique le metteur en scène. L’économie au final, se chiffre aux alentours de 40.000 euros pour la production.

Une pièce « qui nous amène vers le dénuement »

« Le recyclage dans le monde du spectacle n’est pas une chose totalement nouvelle, poursuit Stéphane Braunschweig, qui est également directeur du théâtre de l’Odéon à Paris. Mais pour ce Requiem, nous sommes dans une démarche radicale, car tout a été récupéré et recyclé. Cela n’est pas toujours possible, mais dans ce cas c’était complètement pertinent, parce que cette pièce raconte une expérience de la mort, qui nous amène vers le dénuement. On n’a pas besoin de richesse sur le plateau, ni de paillettes, il faut faire au contraire dans la simplicité. »

Le metteur en scène raconte qu’il a voulu « faire partager une expérience de la confrontation à la mort, à la fois personnelle – celle de Mozart quand il écrit cette pièce – et collective, car le Requiem est avant tout une oeuvre chorale. » Pour cela, « j’ai cherché à ce que les images produites sur le plateau aient une résonance intime pour le public. C’est pour cela qu’on voit une sorte de cimetière de cercueils en bois, qui évoquent ces caisses que l’on construit vite pendant une épidémie ou une guerre. Cela peut évidemment évoquer le Covid ou la guerre en Ukraine. Pour les costumes, nous nous sommes inspirés de photos prises après le 11 Septembre, où l’on voyait tous ces gens recouverts de poussière grise et blanche. On se sert d’images concrètes pour que cela touche les spectateurs, mais ce n’est pas un Opéra sur le 11 Septembre, ni sur la guerre en Ukraine. »

Metteur en scène minimaliste

Connu pour être un metteur en scène minimaliste, Stéphane Braunschweig reconnaît qu’il a sans doute été plus facile pour lui que pour un autre d’adhérer à ce projet de sobriété. « Je travaille en effet sur des scénographies plutôt épurées, je pense toutefois que l’enjeu est avant tout de trouver le bon équilibre entre le durable, et la créativité. Il faut pouvoir présenter un spectacle complètement satisfaisant d’un point de vue esthétique. »

Il n’empêche que, « si les metteurs en scène minimalistes comme moi n’étions pas trop à la mode ces dernières années, glisse-t-il, nous risquons de le devenir avec les contraintes budgétaires qui vont s’imposer à nous avec l’inflation et les hausses du coût de l’énergie. » 

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