Témoignages : l'art les aide à affronter la maladie

Si elles n’ont pas le don de tout guérir, les activités créatives sont un puissant vecteur de résilience qui peuvent soigner corps et âme. Nos témoins évoquent leurs bienfaits.

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Sommaire :

  1. Philippe, 65 ans « Sans la peinture, je serais peut-être devenu fou »
  2. Brigitte, 70 ans « La danse me déconnecte de la maladie »
  3. Claire, 57 ans « Les ateliers d’écriture ont fait sortir beaucoup d’émotions »
  4. Carole, 49 ans « L’état créatif m’a permis de surmonter ce qui m’est arrivé »

Si l’art peut être un moyen auquel on recourt spontanément pour s’accomplir ou panser les plaies de son passé, il est aussi un support de médiation utilisé par certains professionnels de santé pour accompagner leurs patients vers le mieux-être. Des patients témoignent…

Philippe, 65 ans « Sans la peinture, je serais peut-être devenu fou »

Je suis courtier en vin. Je fais « le tampon » entre les vignerons et les négociants. Ce qui induit énormément de pression. Et c’est un milieu très fermé où l’on se retrouve avec des responsabilités qu’on n’aurait jamais imaginé devoir gérer. Dans ce job, le plus frustrant est de se dire perpétuellement « je n’ai pas le temps ». Pour évacuer ce qui me pesait, j’ai d’abord essayé le sport mais je ne réussissais pas à me concentrer. Alors je suis d’abord revenu vers la poterie que j’avais pratiquée jeune. Puis, lorsque j’ai arrêté de fumer, ce qui a fait encore grimper mon niveau de nervosité, je me suis tourné vers la peinture. J’ai eu la chance ensuite de trouver rapidement des lieux pour exposer en tant qu’artiste, à Paris, Saint-Tropez, etc. Plus je travaillais par ailleurs, plus je peignais et moins je dormais mais c’était extrêmement libérateur. Sans l’art comme thérapie, je pense que je serai peut-être devenu fou… À partir de quarante ans, c’est carrément devenu un exutoire constructif indispensable, et j’y ai passé mes nuits pour mieux supporter mes journées. La reconnaissance que j’ai acquise est venue renforcer ma motivation. Finalement, afin de ne pas craquer, j’ai choisi l’an dernier de travailler à mi-temps. À l’âge que j’ai, je pourrais m’arrêter complètement mais je me rends compte que le stress est propice à la création car il génère de l’adrénaline.

Brigitte, 70 ans « La danse me déconnecte de la maladie »

Ma maman était parkinsonienne. Après son décès en 2016, je n’étais vraiment pas bien. À l’époque, j’étais pharmacienne et il se trouve que mon associée a eu des problèmes de santé. Je suis donc restée seule à gérer l’officine pendant trois ans et j’ai eu droit en prime à un contrôle fiscal. Lorsque j’ai été prise de tremblements, j’ai vu un premier neurologue qui m’a parlé de burn-out et de dépression. Mais moi, j’étais certaine d’avoir Parkinson comme ma mère et je suis allée consulter un deuxième spécialiste à la Pitié Salpêtrière et c’est là où l’on a enfin posé le bon diagnostic. Ma pathologie a évolué doucement jusqu’à aboutir aujourd’hui à des raideurs dans les jambes, des gênes pour marcher et des douleurs dans les épaules et bras. En 2018, j’ai commencé à fréquenter les cours de danse-thérapie que propose cet hôpital. Notre professeure, Svetlana, est une ancienne danseuse classique qui nous fait réaliser des mouvements au rythme de la musique. C’est très salutaire pour moi, d’abord parce que cela me déconnecte de la maladie. Je garde d’ailleurs ce réflexe de mettre de la musique chez moi quand j’ai une grosse baisse de forme… Et physiquement, ça me dérouille. L’ambiance y est aussi pour beaucoup. Quand on est là-bas, entre nous, il n’y a pas cette appréhension du regard de l’autre. Avant d’être concernée par Parkinson, je n’aurais jamais pensé que ce type de discipline puisse me convenir. Mais une fois qu’on est touchée, on s’ouvre davantage, surtout quand on sait, comme moi, qu’il n’y a pas grand-chose d’autre à faire pour le combattre.

Claire, 57 ans « Les ateliers d’écriture ont fait sortir beaucoup d’émotions »

C’était un drôle de cadeau : on m’a découvert un cancer au sein gauche alors que je venais de fêter mes quarante ans. À cette période, je croquais la vie pour oublier une adolescence traumatisante et le décès de mon petit frère. Ça m’a amenée à rester longtemps dans le déni. Quand la maladie a fini par se manifester assez violemment, je me suis donc retrouvée dans l’urgence. Pendant cinq ans, j’ai suivi un protocole classique à la clinique Saint-Jean de Dieu, avant qu’on trouve des nodules dans mes poumons et qu’on me prescrive des chimiothérapies. Puis le cancer a commencé à atteindre mes os. Un jour, j’ai regardé une émission où intervenait le Dr Alain Toledano, qui y évoquait le Cyberknife, une radiothérapie destinée aux tumeurs inopérables. J’ai donc demandé à être suivie à l’institut Rafaël où il intervient. Ce médecin m’a parlé du parcours de soins complémentaire dont je pouvais bénéficier et m’a orientée vers l’art-thérapie, dont il pensait qu’elle pouvait me correspondre. J’ai d’abord démarré par la danse-thérapie que j’ai énormément appréciée. Ça m’a permis de redevenir active et ça a atténué mes douleurs physiques, même si ça soulage moins que le paracétamol et le CBD ! J’ai également participé à des ateliers d’écriture qui ont fait sortir chez moi beaucoup d’émotions et fait de la musicothérapie, qui s’est révélé très bénéfique pour mon souffle. Je ne sais pas où j’en serais si je n’avais pas eu droit à toutes ces activités… Et elles ont aussi le mérite de ponctuer mes semaines car quand vous êtes malade, tous les jours se ressemblent.

Carole, 49 ans « L’état créatif m’a permis de surmonter ce qui m’est arrivé »

J’ai une trajectoire atypique. Jeune, j’ai passé un CAP en bâtiments et décors. Mais ce milieu ultra-masculinisé ne me correspondait pas et j’ai arrêté. Puis j’ai rejoint ensuite le secteur commercial, après avoir fait de l’animation. J’ai toujours eu très peu confiance en moi car petite, on me comparait sans arrêt à l’une de mes tantes, dont le parcours était chaotique et j’étais hantée par la peur de lui ressembler. Pour ne rien arranger, je suis restée pendant vingt et un ans sous l’emprise d’un patron pervers narcissique. J’étais donc ultra-angoissée, au point de sombrer dans l’anorexie. J’ai fait ensuite un long travail pour aller mieux qui est passé par le reiki et j’ai aussi recommencé la peinture. Les gens que je côtoyais m’encourageaient à aller plus loin. Alors, je me suis mise à concevoir des objets de toutes sortes. Au début, je les offrais mais aujourd’hui, j’en ai fait une activité à part entière, même si je ne réussis pas encore à en vivre. Chaque matériau m’inspire, je travaille aussi bien avec des perles de bois, du bois flotté, de vieilles boîtes… Je ne suis jamais rassasiée car l’état créatif m’apaise et m’a permis de surmonter tout ce qui m’est arrivé.


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