- Tous les vendredis, « 20 Minutes » propose à une personnalité de se livrer sur son actualité dans son rendez-vous 20 Minutes avec…
- Lou de Laâge est à l’affiche du « Tourbillon de la vie » où elle incarne un personnage qui vit plusieurs existences au gré de ses choix.
- La comédienne a été récompensée par un Emmy pour « La Bal des folles », disponible sur Amazon Prime juste après avoir fini de tourner dans le nouveau film de Woody Allen.
Lou de Laâge termine bien l’année 2022. La comédienne trentenaire est à l’affiche du Tourbillon de la vie d’Olivier Treiner qui sort le 21 décembre. Elle incarne Julia, une pianiste qu’on suit entre ses 18 et 80 printemps et dont on découvre quatre vies différentes au gré de ses choix et de ses rencontres. Non contente de figurer à l’affiche de ce premier long métrage ambitieux, elle vient de terminer le tournage du nouveau film de Woody Allen à Paris et de recevoir un Emmy Awards pour Le Bal des folles de Mélanie Laurent disponible sur Amazon. 20 Minutes l’a rencontrée.
Est-ce important pour une comédienne française de recevoir un Emmy Awards ?
C’est important, réjouissant et aussi surprenant ! J’ai appris que j’étais nommée et j’ai découvert que j’avais gagné sans avoir à faire campagne. Que du bonheur encore multiplié par le fait que ce soit pour Le Bal des folles. Je dois beaucoup à Mélanie Laurent qui m’avait aussi dirigée dans Respire. Me dire qu’un film réalisé par une femme sur des femmes soit de nouveau mis en lumière par ce trophée me semble une très bonne chose. Ce rôle d’une jeune fille internée de force à la Salpêtrière au XIXe siècle qui découvre une vraie sororité auprès des autres patientes est vraiment un grand moment dans ma carrière mais pas seulement. Il envoie un message positif aux spectatrices et aux spectateurs. Ce prix devrait lui donner l’occasion d’être encore plus vu.
Ne regrettez-vous pas que « Le Bal des folles » ne soit pas sorti en salle ?
Le fait qu’il soit sur une plateforme comme Amazon permet qu’il soit immédiatement vu dans le monde entier et ce prix est un signal fort pour encourager les plateformes à produire de beaux projets comme celui-ci. J’estime que c’est vraiment gagnant-gagnant ce qui ne m’empêche pas d’adorer aller au cinéma pour vivre des films sur grand écran. Pour moi, les deux peuvent coexister car ce sont des expériences très différentes et complémentaires : on ne vit pas un film de la même façon en salle et sur son canapé.
Ne craignez-vous pas que les plateformes finissent par tuer le cinéma en salle ?
On entend ce genre de prophéties dès qu’il y a une nouveauté et pourtant, les salles sont toujours là et bien là. Le monde est en perpétuel changement. On ne peut pas l’empêcher d’avancer. Se révolter contre cette évolution me semble inutile. Il faut juste trouver le moyen d’utiliser le changement pour faire quelque chose d’intéressant. C’est l’une des raisons pour lesquelles je suis fière d’avoir participé au Bal des folles. Ce film montre que les plateformes aussi peuvent sortir des œuvres ambitieuses avec une vraie proposition artistique. L’essentiel n’est-il pas que les films existent et qu’ils puissent être vus que ce soit en salle ou sur plateforme ?
La fréquentation est pourtant en chute libre, pour quelle raison à votre avis ?
Les plateformes ont leur part de responsabilité mais le Covid aussi, qui a habitué les spectateurs à rester chez eux. On s’habitue vite aux choses surtout quand elles sont confortables. Il faut parvenir à ramener les gens au cinéma. Comment ? Je vois des exemples convaincant pendant la tournée en province que j’effectue pour présenter Le Tourbillon de la vie. Certains exploitants fidélisent les spectateurs en créant de véritables liens avec eux. Ils connaissent les goûts de leur public et échange avec lui ce qui les attire de nouveau dans leurs salles parce qu’ils leur proposent un cinéma qui leur parle. Le contact humain avec des exploitants qui choisissent des films en pensant au spectateur est quelque chose qu’une plateforme n’apporte pas. Les gens se sentent apprécié et inclus grâce au travail de ces directeurs de salle. Recréer ce lien est indispensable.
Comment voyez-vous l’avenir ?
Honnêtement, je ne sais pas ! L’important c’est que de beaux projets continuent d’exister et que les créateurs puissent travailler en toute liberté. Il serait terrible de n’avoir plus à disposition que des produits formatés. Cela implique, bien sûr, de prendre des risques, de financer des films qui peuvent se planter, de donner vie à des propositions qui peuvent sembler trop conceptuelles ou du cinéma de genre… C’est la diversité qu’il faut préserver. On ne peut pas prévoir le succès à l’avance. S’il existait une recette miracle, ça se saurait et ce serait épouvantable. Ce qui plaît aujourd’hui peut ne plus fonctionner demain, surtout si on tire sur la corde ad nauseam. Cette incertitude fait aussi la beauté de nos métiers. C’est pour cela que je me sens très chanceuse d’y échapper parce qu’on me propose des choses passionnantes.
Comme le film de Woody Allen que vous avez tourné cet automne ?
C’était une vraie surprise quand j’ai reçu un mot me disant que Woody Allen allait m’envoyer un scénario. Il ne fait pas passer d’audition. Il regarde beaucoup de films et choisit ses acteurs comme ça. Il estime savoir s’ils correspondent au personnage qu’il veut les confier après les avoir vus à l’œuvre chez d’autres.
N’avez-vous pas hésité à accepter de travailler avec lui ?
Je ne vois pas pourquoi j’aurais refusé. La vie privée de Woody Allen ne concerne pas mon travail d’actrice. S’il existe un souci de ce côté-là, il doit être réglé par la justice. J’ai dit oui tout de suite. Le scénario était brillant. Un vrai régal. Valérie Lemercier, Mevil Poupaud et Niels Schneider faisaient partie de la distribution ce qui était fort tentant. Je ne regrette pas d’avoir accepté car je suis ravie de cette expérience. J’ai vécu six semaines merveilleuse car Woody est vraiment très doué pour écrire de beaux rôles de femmes. Sur le plateau, il est très doux et bienveillant. Comme il avait fait appel au chef-opérateur mythique Vittorio Storaro pour la lumière, j’avais la merveilleuse impression de travailler avec deux légendes comme si je feuilletais un livre d’histoire du cinéma. C’est une sensation merveilleuse très différente de celle que j’ai ressentie en tournant Le Tourbillon de la vie, par exemple.
Peut-être parce que « Le Tourbillon de la vie » est un premier long métrage ?
Oui, c’est génial dans une carrière de pouvoir alterner entre débutants et talents confirmés. Cela vous nourrit professionnellement et humainement. Dans un cas comme Le Tourbillon de la vie, c’était un peu quitte ou double car le scénario est très complexe. J’avais peur que les gens s’y perdent et, en fait, cela fonctionne parfaitement. Olivier Steiner jongle magistralement entre les différentes existences que mène l’héroïne. C’était excitant de participer à cette expérience. En fait, l’essentiel est d’être convaincu par les projets dans lesquels on se lance.
Qu’est-ce qui vous a plu dans le scénario du « Tourbillon de la vie » ?
J’aime cette idée que chaque décision et chaque rencontre peuvent faire évoluer votre existence dans un sens ou un autre. Mais je ne suis pas nostalgique de ce que j’aurais pu vivre, ni des choix que j’ai faits. On a assez d’une vie à gérer pour ne pas imaginer qu’on pourrait en avoir plusieurs à disposition. Mais dans une fiction, l’idée de considérer l’évolution de la même femme au gré de ses décisions est ludique. Cela permet de composer plusieurs personnages à partir d’un seul, un rêve pour une actrice. Je trouve que les rôles qui sont proposés aux comédiennes sont de plus en plus variés.
A quoi est-ce dû à votre avis ? Au mouvement #MeToo ?
Le fait de pouvoir mettre des mots sur les actes a changé beaucoup de choses. La parole est magique : elle a des répercussions et elle laisse des traces indélébiles. Pouvoir s’exprimer sans avoir peur est fondamental. Après, il faut choisir ses mots et ses moments. A titre personnel, je n’ai jamais été confrontée à des violences sexistes mais je suis solidaire de celles qui l’ont été même si je n’ai pas d’expérience à confier. Je ne sais pas si tout cela est corrélé. Il est certain qu’il y a de plus en plus de réalisatrices et de personnages de femmes fortes sur les écrans. Je suis heureuse d’exercer mon métier à notre époque. C’est une chance incroyable d’être comédienne en 2022.
Source: Lire L’Article Complet