Louis Chedid vient de publier un nouvel album En noires et blanches, un tête à tête avec Yvan Cassar. Quand un piano répond à une voix et met en exergue les mots savamment choisis. À l’écoute, on se rend compte à quel point chaque mot a toujours été pesé dans ses textes. Quinze voyages, quinze chansons dont cinq ont été sélectionnées pour marquer cette semaine que Louis Chedid passe avec nous. Chaque titre représente un passage de sa vie et quand on regarde de plus près entre chacun de ses albums, il y a toujours eu des rencontres et des collaborations.
franceinfo : En 1981, Alain Lévy rentre dans votre vie. En 1983, vous retrouvez votre ami Alain Souchon pour une belle collaboration. Les familles Souchon, Voulzy, Dutronc, Gainsbourg, Berger, Gall, Chedid se ressemblent beaucoup, finalement, dans ce travail de textes, dans cette culture des mots.
Louis Chedid : On est de cette génération de ce qu’on appelle les premiers auteurs-compositeurs. Quand on a commencé, la génération d’avant était plutôt composée d’interprètes, il y avait très peu d’auteurs-compositeurs. Il y avait Gainsbourg, il y avait Brel, Brassens etc. Mais sinon, il y avait beaucoup d’interprètes, surtout dans les années 1960. Moi, j’ai eu la chance de travailler avec Souchon sur quelques chansons comme ça, on a fait des choses ensemble.
« Les petits carnets d’Alain Souchon, c’est quelque chose ! C’est impressionnant comment il va chercher le truc et tant que ce n’est pas bien… il persévère. Il a raison. C’est comme ça que ça fonctionne. »
à franceinfo
Comment vous fonctionnez d’ailleurs ? Parce que je sais que Matthieu, par exemple, avait offert à Joseph un petit dictaphone. Il y a des façons d’enregistrer. Vous êtes plutôt dictaphone ou plutôt écriture cursive ?
J’ai été papier, après je suis devenu ordinateur parce que c’est quand même vachement facile de prendre un mot, de le mettre-là etc. Il y a un côté ludique. Et maintenant, je suis juste sur iPhone. Je me balade dans la forêt, je chante une mélodie et puis je dis des textes dans le dictaphone. Et puis après, je remets tout ça. Si je peux donner un conseil, il ne faut pas rester assis à son bureau quand on écrit des textes parce que le moment vraiment facilite la création, c’est-à-dire qu’il il faut marcher, bouger et toutes les choses viennent. Parfois, quand vous restez à votre bureau, coincé sur une phrase ou un truc, eh bien vous ne trouvez pas.
En 1985, il y a une chanson qui va marquer les esprits à tout jamais. Elle est, depuis 37 ans, ancrée dans la mémoire collective : Anne, ma sœur Anne. Un titre qui dénonce la montée en puissance de l’extrême-droite en France avec ce prénom si fort puisqu’il fait référence à Anne Frank. Est-ce que ce n’est pas finalement votre plus beau texte ?
C’est la chanson la plus connue dans ce registre-là, dans le registre, disons « dénonciation de quelque chose ».
« J’ai mis beaucoup de temps à faire ‘Anne, ma sœur Anne’. Je voulais absolument pas qu’elle soit à côté parce que ça aurait servi aux gens que je dénonçais en disant : ‘C’est vraiment de la merde cette chanson’. »
à franceinfo
Je crois que c’est la chanson qui m’a demandé le plus de temps à faire. D’ailleurs, pour vous dire la vérité, c’est que là aussi, j’ai changé de maison de disques à cause de ça, parce que je voulais absolument que ce soit cette chanson qui sorte en premier. Dans l’album, il y avait une chanson qui s’appelle God Save the Swing, qui est beaucoup plus ludique et purement ludique. Evidemment, ils voulaient sortir cette dernière et je leur ai dit : si vous ne sortez pas celle que je veux, je m’en vais. Et normalement je n’avais aucune possibilité de m’en aller. Ils ne m’ont pas cru du tout et je suis parti et j’ai été autre part pour la sortir. Et bizarrement, c’est devenu un tube. C’est ça qui est drôle.
Quel est le point de départ de cette chanson ?
Quand j’étais petit, on nous a montré à l’école un film d’Alain Resnais qui s’appelait Nuit et brouillard (1955), qui parle justement des camps de concentration. Et mes parents comme les gens ne parlaient pas trop de toute cette période de la Seconde guerre mondiale, des camps de concentration, de la shoa et tout ça. Nous, on n’est pas juifs, on est chrétiens maronites et il y a beaucoup de gens qui pensent, grâce ou à cause, je ne sais pas, de cette chanson qu’on est juifs, mais ce n’est pas le cas. Il ne faut pas être noir pour détester l’esclavage. On est des êtres humains et les uns et les autres, on a le droit de dénoncer des choses. on n’est pas obligé d’être de certaines confessions pour dénoncer. Et donc, quand j’étais petit, il y avait l’extrême-droite et c’était 0,2 % de la population qui votait aux élections pour elle. Les fachos rasaient les murs. Ils se cachaient. Et puis tout d’un coup tac, on voit le truc revivre. Et je n’en revenais pas. Je me disais ce n’est pas possible. Et puis malheureusement, cette chanson est encore plus d’actualité aujourd’hui, d’où sa longévité. Je dis souvent que j’aurais préféré qu’elle soit obsolète, de me dire : je ne la chante plus, il n’y en a plus besoin…
Louis Chedid sera en concert : le 27 janvier 2023 à Roche-la-Molière, le 28 à la Seyne-sur-Mer, le 3 février à Noyon, le 16 à Alfortville, le 17 à Vernouillet, le 18 à Tinchebray ou encore le 2 mars à Pace.
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