Enquête sur les travailleurs immigrés dans les pays du Golfe, deux journalistes témoignent.

Sebastian Castelier et Quentin Müller ont enquêté sur les conditions de travailleurs immigrés dans la péninsule Arabique, notamment les domestiques de maisons, venues d’Asie et d’Afrique. Ils racontent.

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« Une chose qui m’avait extrêmement choqué quand on avait rencontré ce diplomate français au Qatar : il avait fait tout un tas de visites d’appartements, et il y avait toujours un petit placard sous l’escalier. Et l’agent immobilier lui avait dit : Mais enfin, c’est pour mettre votre domestique. Quand on entend cette histoire-là, on pense tout de suite au mot esclave. »

Dans Les Esclaves de l’homme pétrole, Coupe du monde 2022 au Qatar : les coulisse d’un esclavage contemporain, les deux auteurs laissent toute la place aux témoignages qu’ils ont recueillis. Le livre se compose des paroles des travailleurs et de leur famille, mais aussi celle de diplomates, d’hommes d’affaires, de politiciens, de médecinsUne enquête édifiante qui met en exergue une réalité inhumaine.

De l’esclavagisme moderne

Selon Quentin et Sebastian, les drames survenus pendant la préparation de la Coupe du Monde de football au Qatar n’est que la surface émergée de l’iceberg. Toute l’économie du pays repose sur le travail de cette masse silencieuse et anonyme. Les journalistes dénoncent un vaste système d’esclavage contemporain. Une réalité que les autorités du pays tentent de dissimuler en présentant ce genre de cas comme des exceptions.

Au cours de leur enquête, les deux hommes dévoilent les conditions de travail proches de l’esclavage : « On parle de 12h, 15h, 18h de travail par jour pour un salaire qui tourne aux alentours de 200 euros par mois. », explique Sebastian Castelier. S’ajoute à cela des « violences physiques, du racisme, des humiliations, la torture psychologique, la torture physique…« , précise Quentin Müller.

Les hommes sont employés dans des camps de travail, sans intimité et séparés de leur famille. Il arrive que les employeurs ne les payent pas pendant des mois. Sebastian Castelier révèle qu’il a rencontré un agent de sécurité ayant travaillé durant 9 mois d’affilée, sans un seul jour de congé : « Sous la contrainte d’être expulsé. »

La violence envers les femmes

Les deux auteurs ont découvert que les domestiques sont les plus exposés aux brimades violentes et particulièrement les femmes : les hommes les abusent et leurs femmes, pour les punir, rendent leurs conditions de travail encore plus dures.

Plusieurs enquêtes ont déjà démontré que les passeports de ces immigrés étaient détenus par les employeurs qui maintiennent ainsi en otage ceux qu’ils considèrent comme leurs employés. Mais ce n’est pas le seul mécanisme de domination : « Le deuxième, c’est cette disposition juridique qui existe dans tous les pays du Golfe et qui permet à un employeur de déclarer son employé en fuite.« , expose Sebastian Castelier. Une législation qui empêche les employés de porter plainte car ils sont tout de suite arrêtés et ramenés chez l’employeur. Quand les domestiques réussissent à s’enfuir, sans argent, ni papiers, elles sont récupérées par des réseaux de prostitution et, à leur retour au pays, peuvent être rejetées par la société à cause de cela.

« Un système qui broie.« 

Les deux journalistes nuancent : même si toutes les familles ne sont pas violentes envers leurs domestiques, le phénomène est très répandu dans l’intégralité des pays du Golfe. « Ce ne sont pas des faits divers, ce ne sont pas des histoires malheureuses qui arrivent, des contingences. C’est un système qui broie « , accuse Quentin Müller.

Environ 10 000 personnes disparaîtraient chaque année dans les pays du Golfe. Pour les deux enquêteurs, ces vies sont sacrifiées pour servir le rayonnement international de cette région. Ces travailleurs partent, bien que connaissant les risques, pour pouvoir faire vivre la famille restée au pays.

« La question des stades qui a été tant médiatisée, n’est que l’arbre qui cache la forêt.« , conclue Sebastian Castelier.

Pendant ce temps, la Coupe du Monde de Football doit démarrer ce dimanche 20 novembre et les supporteurs ne semblent pas déferler pas sur le Qatar. Peut-être une conséquence des polémiques concernant les droits humains…

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