En 1987, Anna Karina et Jean-Luc Godard se retrouvent sur le plateau de « Bains de minuit » de Thierry Ardisson. Ils ne sont pas vus depuis vingt ans. Assis côte à côte, ils sont là pour parler cinéma bien sûr. L’occasion aussi d’évoquer le couple qu’ils formaient auparavant. « Vous êtes contents de vous revoir ? » les interroge l’animateur. « Personnellement oui, mais un peu surprise aussi puisque je ne m’y attendais pas », avoue l’actrice, visiblement très gênée. De son côté, le cinéaste suisse affirme avoir couper les ponts. « Quand la page est tournée, elle est tournée… Mais le bouquin est là. »
Ensemble, l’actrice et le réalisateur ont collaboré sur sept films et demi. Pourquoi « et demi » ? « Parce qu’il y a un sketch », rappelle celle que l’on surnomme la « fiancée de la Nouvelle Vague ». Tandis que Thierry Ardisson enchaîne ses questions, l’émotion gagne peu à peu Anna Karina. Au bord des larmes, elle finit par quitter le plateau. Avant de revenir quelques minutes plus tard, comme si rien ne s’était passé.
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« Peut-être qu’il m’aimait »
Anna Karina, de son vrai nom Hanne Karin Bayer, est née le 12 septembre 1940, à Solbjerg (Danemark). Elle quitte son pays d’origine pour rejoindre Paris en 1957, à l’âge de 17 ans. Avec « 10 000 francs » en poche et sans parler un mot de français, la jeune femme veut se lancer dans le mannequinat. Très vite, elle croise la route de Coco Chanel, puis tourne dans une pub Monsavon. Une aubaine, puisque Jean-Luc Godard – à l’époque journaliste aux Cahiers du cinéma – la repère. Ce dernier lui propose un minuscule rôle dans À bout de souffle, avec Jean Seberg et Jean-Paul Belmondo. Mais la Danoise décline, une scène dénudée lui pose problème. La naissance d’Anna Karina derrière la caméra a toutefois lieu quelques mois plus tard, dans Le Petit Soldat.
Sur le tournage, une idylle naît entre Anna Karina et Jean-Luc Godard. Le couple se marie en 1961. « La première fois, Jean-Luc m’a proposé le mariage parce que j’étais enceinte », révélait-elle à Libération en septembre 2018. « Et peut-être aussi parce qu’il m’aimait. » L’actrice perd l’enfant juste avant la naissance. Mal soignée, elle ne pourra plus jamais devenir mère. Un drame qui la marquera à vie : « Ça reste très bouleversant pour moi. »
Un long silence
Pendant dix ans, Anna Karina n’arrête pas de tourner et s’impose comme la muse de Godard. Elle travaille avec Jacques Rivette (La religieuse, 1966) mais ni Chabrol ni Truffaut, les autres réalisateurs de la Nouvelle vague, ne la font tourner. « J’étais la femme de Jean-Luc. Ça leur faisait sans doute un peu peur », racontera-t-elle plus tard.
À la vie, le couple se désire autant qu’il se déchire. « Nous nous sommes beaucoup aimés. Mais c’était compliqué de vivre avec lui », avait confié à l’AFP la comédienne en mars 2018, à l’occasion de la reprise de son premier film comme réalisatrice, Vivre ensemble (1973). « C’était quelqu’un qui pouvait dire « Je vais chercher des cigarettes » puis revenait trois semaines plus tard. C’était une époque où il n’y avait ni smartphone, ni répondeur », avait-elle ajouté. Finalement, le duo iconique divorce en 1967 mais continue à tourner ensemble. Anna Karina refait sa vie avec le réalisateur Pierre Fabre, dont elle se sépare en 1974. Remariée au metteur en scène Daniel Duval, elle finira ses jours avec Denis Berry, son époux depuis 1982.
Il y a un peu plus de vingt ans, le silencieux Jean-Luc Godard s’est décidé à lui envoyer une lettre de six pages. C’est la dernière fois qu’Anna Karina aura de ses nouvelles. À Libération, elle déclarait en 2018 : « Il dit que je suis une histoire ancienne, mais pour moi, il est toujours dans mon cœur, et le restera pour la vie. »
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