Un visage pâle, une frange brune, de grands yeux d’un bleu profond: l’actrice, réalisatrice et chanteuse Anna Karina, figure du cinéma de Jean-Luc Godard, était une icône de la Nouvelle Vague.
Dans la mémoire des cinéphiles, l’actrice, décédée samedi d’un cancer à 79 ans, restera cette ingénue libertaire qui déclamait nonchalamment « Qu’est-ce que j’peux faire? J’sais pas quoi faire… », réplique-culte de « Pierrot le fou » (1965, avec Jean-Paul Belmondo).
« C’est arrivé complètement par hasard: on est sur la plage et Jean-Luc me dit de marcher et de m’ennuyer. Je dis +d’accord, je peux jeter des pierres dans la mer, et à part ça qu’est-ce que je peux faire, je ne sais pas quoi faire?+ Il me dit +tu vas dire ça tout le temps+ », avait-elle raconté à l’AFP en 2018.
Anna Karina avait tourné sept films avec Godard, alors son compagnon, dans les années 60, parmi lesquels « Une femme est une femme » (prix de la meilleure interprétation au festival de Berlin en 1962) ou « Vivre sa vie ».
« Nous nous sommes beaucoup aimés. Mais c’était compliqué de vivre avec lui », avait confié à l’AFP la comédienne en mars 2018, à l’occasion de la reprise de son premier film comme réalisatrice, « Vivre ensemble (1973).
« C’était quelqu’un qui pouvait dire +Je vais chercher des cigarettes+ puis revenait trois semaines plus tard. C’était une époque où il n’y avait ni smartphone, ni répondeur », avait-elle ajouté.
Leur relation a été marquée par un drame, la perte de l’enfant qu’elle portait. La dernière fois que le couple mythique s’est retrouvé, c’était il y a plus de 20 ans. Depuis, aucun contact.
« Il est en Suisse et n’ouvre pas la porte », avait-elle assuré à l’AFP. « Non, ça ne me rend pas triste. C’est sa vie après tout. »
D’une enfance au Danemark ballottée entre une mère distante, une grand-mère décédée trop tôt et un grand-père adoré, elle avait gardé une fragilité à fleur de peau.
Encore mineure, elle débarque en stop à Paris avec l’intention de devenir actrice. Elle est repérée à la terrasse des Deux Magots, café mythique du quartier Saint-Germain-des-Prés, et devient mannequin.
– Coco Chanel et Gainsbourg –
Lors d’une séance, « il y avait cette dame extraordinaire qui m’a demandé +Comment tu t’appelles mon petit?+. « ‘Hanne Karin Bayer’. « Ah non, me dit-elle sur un ton militaire, tu t’appelleras Anna Karina ». « Quand elle est partie j’ai demandé qui c’était. C’était Coco Chanel », s’était-elle souvenue l’an dernier pour l’AFP.
Godard la repère dans une publicité et lui propose un petit rôle dans « A bout de souffle » (1960) avec Jean Seberg et Jean-Paul Belmondo, qu’elle décline à cause d’une scène dénudée.
Il la rappellera quelques mois plus tard pour le rôle principal du « Petit soldat », un film sur la guerre d’Algérie qui sera interdit. Sur le tournage, une idylle naît entre eux.
Pendant dix ans, Anna Karina n’arrête pas de tourner mais elle reste l’actrice fétiche de Godard. Elle travaille avec Jacques Rivette (« La religieuse », 1966) mais ni Chabrol ni Truffaut, les autres réalisateurs de la Nouvelle vague, ne la font tourner. « J’étais la femme de Jean-Luc. Ca leur faisait sans doute un peu peur », racontera-t-elle plus tard.
En 1973, elle réalise son premier film, « Vivre ensemble », histoire d’amour sur fond de drogue et d’alcool.
« C’est un portrait de l’époque de ma jeunesse. J’ai vu des gens autour de moi sombrer et mourir », avait-elle dit à l’AFP.
Elle est alors la première comédienne à réaliser un long-métrage: « Tout le monde disait +Comment ose-t-elle+. Il y avait un petit côté macho. »
Après Godard, elle s’est successivement mariée avec les cinéastes Pierre Fabre et Daniel Duval puis, en 1982, avec le réalisateur américain Dennis Berry, à ses côtés quand elle est morte.
Comme chanteuse, elle avait rencontré un grand succès en 1967 avec « Sous le soleil exactement » de Serge Gainsbourg, chanson tirée du téléfilm de comédie musicale « Anna » de Pierre Koralnik.
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