Le terme d’oversharing ne vous dit peut-être rien pourtant il désigne un sentiment pas si rare : celui qui s’empare de nous le lendemain matin d’une soirée où l’on s’est trop épanché, auprès d’un.e ami.e ou d’un.e parfait.e inconnu.e. Une sorte de gueule de bois de confidences.
Cet épanchement intime peut prendre de multiples formes, et l’alcool n’est pas indispensable à ce débordement de révélations. Alors que vous buvez un verre avec un.e ami.e que vous n’avez pas vu depuis longtemps, que vous discutez avec un nouveau collègue dans un couloir ou qu’une connaissance vous demande comment vous allez dans la rue… à un moment, vos pensées délient beaucoup trop votre langue et vous vous livrez sans parvenir à vous arrêter sur votre vie, vous ouvrez votre cœur et votre âme et vous racontez tout ce qui ne va pas.
“Emporté.e par l’enthousiasme du moment, les propos deviennent disproportionnés car, souvent, on les a trop économisés”, explique Laurie Hawkes, psychothérapeute en analyse transactionnelle.
Bien qu’aujourd’hui, par l’avènement des réseaux sociaux, confier ses problèmes ouvertement soit devenu monnaie courante, réaliser qu’on a monologué pendant des heures sur des choses intimes et personnelles peut in fine nous mettre mal à l’aise.
Une hypersensibilité d’un instant peut mener à l’oversharing
Une étude, publiée en 2015 dans le Journal of Social and Clinical Psychology avait montré que “les personnes socialement anxieuses risquent de faire preuve d’une mauvaise maîtrise de soi pendant et/ou après les interactions sociales”.
Ainsi, l’accumulation de stress et d’anxiété, l’hypersensibilité, les traumatismes, la solitude ou “l’intensité d’une émotion” liée à un décès ou à un événement particulier peuvent expliquer ce partage excessif de notre vie.
Néanmoins, nous ne réagissons pas tous.tes de la même manière : certain.es “se sentent comme s’ils s’étaient exposé.es, ils deviennent vulnérables, fragiles, précise la psychologue. Les personnes avec la ‘peau fine’ comme je les nomme, c’est-à-dire des frontières interpersonnelles peu épaisses, peuvent se sentir vraiment très mal”.
L’effet projecteur ou quand personne n’a remarqué notre débordement d’émotions
Outre la vulnérabilité offerte à l’interlocuteur de l’instant (l’ami.e de longue date, le collègue, l’inconnu.e, etc), un second sentiment de mal-être s’ajoute : la peur du jugement des autres. Et ce, notamment à cause d’un biais cognitif universel, communément appelé l’effet de projecteur, qui nous donne l’impression que les regards sont constamment braqués sur nous.
Dans des situation incommodantes comme l’oversharing, nous pensons que nos moindres faits et gestes sont décortiqués par notre entourage, tout comme nos sentiments et émotions.
Sauf que, mis à part pour certaines personnalités très exposées, la plupart du temps, personne ne se préoccupe de nos faits et gestes. C’est pourquoi l’autrice de La force des introvertis : De l’avantage d’être sage dans un monde survolté (Ed. Eyrolles, 2018), invite à relativiser : « est-ce que la Terre entière l’a vu ? Est-ce que tout le monde vous rejette après cela, est-ce qu’on vous jette carrément des pierres ? Non ».
Le soulagement d’avoir parlé
De plus, se confier ne devrait pas être une honte. Si on en ressent le besoin, c’est généralement que l’on a trop accumulé. « Le Covid-19 nous a isolé et nous a empêché de nous confier pendant un certain temps. À un moment, la coupe est pleine et on en a besoin. Et parfois on ne prend pas le temps de jauger si l’endroit ou la personne sont « surs ». La vulnérabilité ou l’enthousiasme d’un événement peuvent faire parler, et oui ça soulage, ça fait du bien », temporise notre experte.
Des confessions salutaires, notamment lorsqu’ils s’agit d’individus que l’on connaît peu, voire pas du tout. “Se confier à un.e inconnu.e n’est pas tellement risqué. Mais plus on connaît et plus on fréquente la personne, plus on a de ‘risques’ qu’elle se souvienne de nos confidences, voire les dissémine ou s’en serve », détaille Laurie Hawkes.
Elle poursuit en conseillant de désamorcer le sentiment de honte en reparlant avec la personne en question, excepté bien sûr si c’était un.e inconnu.e rencontré.e dans un train ou un bar. “C’est un mauvais moment à passer mais après, quand on en reparle, on se rend compte que cela nous a permis de discuter honnêtement de quelque chose ou d’assainir une relation”.
Parler régulièrement pour y remédier
Néanmoins, même si la situation n’est pas si rare, l’embarras du lendemain semble quant à lui universel. Pour s’éviter de nouveaux oversharing, le psychothérapeute nous donne quelques pistes.
« Se confier à bon escient est le premier choix, commence-t-elle. Il vaut mieux s’exprimer au fur et à mesure, au lieu d’accumuler. On aura moins de risques d’en dire trop, de le dire trop fort et surtout de dire parfois pas exactement tout ce qu’on pense.”
Deuxièmement, “vos proches peuvent vous accompagner dans vos ressentis négatifs même s’il s’agit de colère. Ils ne doivent pour autant pas minimiser. Il n’y a rien de mieux que quelqu’un de proche qui comprend, qui entend mais qui ne console pas systématiquement », conclut Laurie Hawkes.
- « N’ayons plus peur de dire nos fragilités ni d’appeler à l’aide »
- Que peut-on dire (ou pas) à ses collègues ?
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