Julien Bayou "machiavélique" et "manipulateur" : des ex du député dénoncent des violences psychologiques

Le média écologiste Reporterre a publié le témoignage de plusieurs femmes qui accusent Julien Bayou de violences psychologiques. Toutes ont été en relation amoureuse avec l’ancien secrétaire national du parti Europe Écologie-Les Verts.

Le député avait été mis en cause à la suite du passage sa consoeur Sandrine Rousseau dans l’émission C à Vous du 19 septembre 2022. Interrogée sur la prise en charge des violences sexistes et sexuelles au sein d’EELV elle avait dévoilé que la cellule du parti sur le harcèlement et les violences sexuelles et sexistes s’était autosaisi et qu’une enquête interne était menée à l’encontre de Julien Bayou. Il faisait l’objet d’accusations de violences psychologiques de la part de son ex-compagne. Une phrase qui lui a valu la colère de ce dernier, qui a dénoncé « l’irresponsabilité » de la députée féministe, après avoir démissionné de son poste de secrétaire national d’EELV.

« Il n’y a pas d’affaire Bayou. Il n’y a pas d’accusation », avait-il assuré dans Le Monde début octobre. Quelques semaines plus tard, pourtant, plusieurs anciennes compagnes du politique dénoncent l’emprise qu’il aurait exercé sur elles, mais aussi ses mensonges et ses humiliations, au-delà d’un comportement de séducteur et de mélange des genres entre travail et sentiments disent-elles. Une image qui va à l’encontre du profil d’allié féministe qu’il brandit.

Trois d’entre elles ont quitté le parti EELV à la suite de leur relation avec le député. Julien Bayou, lui, n’a pas donné suite à la rédaction de Reporterre.

La compagne citée par Sandrine Rousseau témoigne

L’une parle de violences psychologiques qui l’ont menée à deux tentatives de suicide. Elle est la première femme rencontrée par Reporterre et l’ex-compagne de Julien Bayou citée par Sandrine Rousseau à l’antenne de France 2. Renommée Agathe par le média écolo, elle raconte sa rencontre avec Julien Bayou, alors qu’il était déjà en couple à l’époque, avec une femme renommée Jeanne. Il est alors de 17 ans son aîné et aurait entamé une relation cachée, en dents de scie, avec elle : « Il me disait que je l’obnubilais, puis disparaissait, revenait, me faisait grimper sur les toits de Paris pour une soirée ô combien romantique sous les étoiles (…) puis il disparaissait de nouveau. »

Lorsque leur relation devient officielle, raconte-t-elle, Julien Bayou lui aurait fait subir du gaslighting, mécanisme psychologique toxique par lequel un abuseur fait douter sa victime sur ce qu’il a fait, dit, au point de la faire culpabiliser ou perdre la raison : « Il jouait avec ma mémoire, sur ce qu’il me disait, sur ce que j’avais entendu. »

Agathe se confie sur une scène « sidérante » qu’elle aurait vécue avec Julien Bayou, se demandant même s’il ne lui faisait pas volontairement revivre un traumatisme. En 2021, le député lui aurait demandé son avis concernant son site internet de campagne pour les régionales. Sur la page des soutiens apparaissait le nom d’un homme qui aurait violée Agathe quelques années auparavant. Quand elle lui fait remarquer, il aurait dit avoir oublié de l’enlever, quand elle lui demande de rejeter son soutien dans un mail il aurait refusé. « Comment pouvait-il avoir oublié une chose pareille ? Pourquoi n’avait-il pas vérifié plutôt que de prendre le risque de me violenter ? », s’étonne-t-elle dans l’enquête. Pour sa psychologue, citée par Reporterre, ces « faux oublis » que multiplie Julien Bayou à l’encontre de sa patiente sont très clairement des « violences psychologiques ». Selon elle, Agathe souffre désormais d’un « stress post-traumatique » issu de sa relation avec l’homme politique.

Un jour, pour la Saint-Valentin, elle tombe sur une culotte appartenant à une autre chez Julien Bayou. Agathe, qui se croyait alors en relation exclusive, fond en larmes et apprend ce soir-là que son compagnon fréquenterait « cinq à dix autres » femmes et aurait régulièrement des relations sexuelles non protégées. Pour se défendre, l’écologiste aurait invoqué la peur de l’abandon à la suite du décès de sa mère et aurait fait promettre à Agathe de ne pas l’abandonner elle-aussi.

Deux tentatives de suicide en 2022

En avril et juin 2022, Agathe a fait deux tentatives de suicide. La première fois à la suite de bruits de couloirs concernant les maladies sexuelles qu’auraient transmises son ex Julien Bayou à d’autres militantes. La seconde fois, après « une crise de panique », Agathe aurait avalé une boîte d’anti-dépresseurs alors qu’elle « venait d’apprendre quelque chose » décrit la militante Caroline De Haas qui est restée au téléphone avec elle le temps que les pompiers se déplacent.

À l’initiative de l’appel aux secours, une autre militante féministe, Famita Benomar. À elles deux, elles auraient géré la situation en distanciel. Pourtant, le lendemain, Julien Bayou aurait envoyé un mail à plusieurs membres du parti en donnant des nouvelles de son ex, disant qu’il avait lui-même prévenu les pompiers et les voisins. Pour sa première femme Jeanne, c’est « machiavélique » : « Instrumentaliser la tentative de suicide de quelqu’un pour se faire passer pour un héros, ce n’est pas juste préserver son image dans une rupture. »

Avant de tenter de mettre fin à ses jours, Agathe a envoyé une lettre inquiétante à plusieurs membres d’EELV dans laquelle elle disait vouloir « l’éloigner des lieux de pouvoirs et de militance ».

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La « torture psychologique » de Julien Bayou

Jeanne, la femme avec qui Julien Bayou entretenait déjà une relation lors de ses débuts avec Agathe, aurait également subi des tromperies, dont certaines qu’elle aurait constatées des ses yeux. Elle décrit ainsi la « torture psychologique » de Julien Bayou à son égard et le fait qu’il l’aurait poussé « à des extrêmes émotionnellement parlant ». Entres autres, le député aurait été surpris en train d’embrasser une autre militante, Claire, aurait intégrée cette dernière à son équipe malgré les contestations de Jeanne qu’il jugeait par ailleurs « paranoïaque », et aurait ouvertement dragué une autre femme devant elle et des amis.

Auprès de Reporterre, Jeanne regrette d’avoir tout de même travaillé d’arrache pieds pour le député, l’épaulant sur des recours juridiques, toujours dans l’ombre de son succès à lui : « J’étais un simple pion sur son échiquier politique. » Pour les chercheurs Gwénola Sueur et Pierre-Guillaume Prigent, spécialistes des violences au sein des couples interrogés par le média écologiste, l’homme politique « exploite le travail de militantes, qui sont d’autant plus isolées que leur travail n’est pas reconnu et approprié par Bayou ».

À leur rupture en 2018, Jeanne dit avoir fait une dépression : « Je ne mangeais plus, je passais mes journées à pleurer de manière frénétique et je me disais que j’aimerais bien que ça s’arrête ». D’après le père de cette dernière, Julien Bayou lui écrivait souvent et l’empêchait ainsi de tourner la page.

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Un séducteur « connard »

L’une de ses maîtresses, ancienne partenaire de Julien Bayou avec qui il aurait trompé Jeanne, a elle aussi témoigné dans l’enquête. Claire, que le député aurait embrassé par surprise sous les yeux de sa compagne d’alors, ne fait pas état de violences à son encontre. Cependant, elle se souvient de « déceptions » et de « négligences » de sa part, toujours sous couvert de « peur de l’abandon à la suite de la mort de sa mère ».

Aujourd’hui, et après une relation ayant duré entre novembre 2017 et avril 2019, Claire confie : « Je suis tombée dans ses filets de mec professionnel de la séduction au discours féministe et progressiste bien rodé, de serial trompeur, de manipulateur qui utilise les femmes comme des objets sexuels et des doudous : on rassure son égo, on l’écoute, on le câline ».

Contactée par la rédaction de Reporterre à leur tour, d’autres anciennes compagnes de Julien Bayou nuancent les accusations de violences psychologiques, expliquant qu’elles n’en ont pas subies pour leur part. En revanche, elles se souviennent d’un comportement de « connard » ou de personne « immature » qui enchaîne les relations avec de jeunes femmes plus jeunes, mais rien qui ne soit pénalement répréhensible selon elles.

Pour autant, estime Elen Debost, écoféministe et conseillère départementale de la Sarthe avec qui il a eu une histoire, « son statut d’homme politique qui monte lui donne une aura plus grande et lui facilite l’accès à des aventures courtes avec de jeunes militantes en même temps qu’il a des relations plus longues avec des jeunes femmes qu’il abîme durablement. »

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