La dégénérescence maculaire est la principale cause de malvoyance en France après 50 ans. D’où l’importance de reconnaître les premiers symptômes de cette pathologie oculaire…
Plus les pathologies et les troubles visuels sont diagnostiqués tôt, meilleurs sont les résultats de leur prise en charge. D’où l’importance d’effectuer certains contrôles à des moments clés de l’existence, notamment pour dépister une dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA) qui reste la première cause de handicap visuel des seniors.
Chiffres clés
25 % Une personne sur 4 après 75 ans souffre de la DMLA et ce chiffre passe à 1 sur 2 après 80 ans.
8 % C’est le pourcentage de la population française concernée par cette pathologie – toutes formes confondues. Toutefois sa fréquence augmente largement avec l’âge : elle touche 1 % des personnes de 50 à 55 ans, 10 % des 65-75 ans et de 25 à 30 % des plus de 75 ans.
Sensibilisation
Dégradation prématurée de la macula, partie centrale de la rétine, cette pathologie a des causes multifactorielles – génétiques, environnementales, alimentaires, obésité… Voici les conseils d’un membre de la Société française d’ophtalmologie, à l’occasion de la journée mondiale de la vue, le 13 octobre.
Parole d’expert : Dr Olivier Offret, ophtalmologue, membre de la Société française d’ophtalmologie.
France Dimanche : Quels sont les premiers symptômes qui doivent nous alarmer ?
Dr Olivier Offret : Il faut consulter rapidement lorsque survient une déformation des lignes droites – le bord d’une fenêtre ou d’un cadre qui gondole – ou une baisse de l’acuité visuelle, même dans un seul des deux yeux, ou encore lors de l’apparition d’une tache sombre, noire et fixe, au centre de la vision. En cas de DMLA, il faut traiter le plus vite possible.
FD : Qu’est-ce la macula ?
OO : Rappelons que nous avons deux maculas : il s’agit d’une zone de la rétine située au fond de chaque œil, qui n’occupe en réalité que 2 à 3 % de la surface totale de cette dernière. À elle seule, la macula transmet 90 % de l’information visuelle au cerveau. Elle contient les photorécepteurs, cellules hautement spécialisées de la vision qui captent les différents rayons lumineux. Elle permet d’avoir une bonne acuité visuelle et, notamment, de distinguer les couleurs.
FD : Il existe deux formes de DMLA, l’une dite « sèche » ou atrophique, et l’autre, « humide » ou exsudative. Expliquez-nous…
OO : Le plus souvent, il s’agit d’une forme dite « sèche », ou atrophique, avec une accumulation de dépôts blanchâtres sous la rétine. Cette forme peut rester stable tout au long de la vie. Mais dans plus de la moitié des cas, elle évolue lentement et inéluctablement vers une forme dégénérative avec l’apparition d’une atrophie, un amincissement de la rétine. Le patient perd alors la vision centrale, ce qui devient très gênant pour lire un livre, une tablette ou pour regarder la télévision, mais il conserve la vision périphérique. L’autre forme de DMLA, dite « humide » ou exsudative, concerne près de 20 % des patients. C’est un vieillissement prématuré de la rétine entraînant l’apparition de néovaisseaux sous la rétine qui vont laisser passer à travers leurs parois du liquide ou du sang, générant un œdème. Ce qui entraîne une baisse de la vision. On peut souffrir d’une affection à un seul œil sans que l’autre soit touché.
FD : Quels sont les traitements ?
OO : Actuellement, il n’existe aucun traitement contre la DMLA sèche. On recommande une autosurveillance pour dépister le passage à une forme humide qui nécessite, elle, une prise en charge rapide. On propose aussi parfois la prise de compléments alimentaires, en particulier d’antioxydants, et des séances d’orthoptie, c’est-à-dire une rééducation pour aider le patient à décaler son axe visuel afin de ne plus se concentrer sur la zone sombre du milieu. L’ensemble de ces mesures permet de mieux vivre avec l’affection et de retrouver un confort visuel.
FD : Et pour traiter la DMLA humide ?
OO : On injecte directement dans le globe oculaire un médicament réduisant les néovaisseaux présents sous la macula. Au départ, le patient reçoit une injection par mois, pendant trois mois. Puis les injections sont espacées en fonction de la vitesse à laquelle les vaisseaux réapparaissent. Car la DMLA est une pathologie chronique et il faut savoir qu’un suivi à vie est nécessaire. Mais plus le traitement est précoce, moins les dégâts sur la rétine sont importants et meilleure est la récupération visuelle.
FD : La DMLA est-elle réversible ?
OO : Non, elle n’est pas réversible. Et la maladie peut récidiver à tout moment.
FD : Peut-on totalement perdre la vue ?
OO : Dans des cas rarissimes, oui, à la suite d’une complication, par exemple. Mais dans la grande majorité des cas, non.
FD : Observe-t-on un nombre croissant de personnes qui souffrent de cette pathologie ?
OO : J’ai 45 ans et je suis installé depuis plus de dix ans. Je remarque que les patients qui viennent consulter sont de plus en plus âgés. Les gens vivant plus longtemps, les maladies liées à l’âge sont donc forcément plus nombreuses. Et la DMLA en fait partie.
FD : En tant qu’ophtalmologue, quel est le problème que vous rencontrez avec les patients atteints de DMLA ?
OO : Le problème vient surtout des patients touchés par la forme exsudative de la maladie, car ils se sentent parfois « épuisés » par la série d’injections à faire dans l’œil, ce qui est loin d’être agréable… Et au bout d’un moment, ils arrêtent ou espacent trop leurs rendez-vous. Mon rôle, comme celui de mes confrères confrontés à ce manque de suivi, est d’encourager nos patients à poursuivre cette prise en charge sur le long terme. Je le répète souvent : tout retard thérapeutique est préjudiciable pour la vision future.
Soleil et tabac : attention danger !
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Les principaux facteurs de risque sont les expositions sans protection des yeux au soleil et le tabac. Les deux sont une cause majeure de vieillissement de la rétine. Il y a aussi les antécédents familiaux. En effet, le risque augmente si vous avez un parent ou un grand-parent qui a déjà souffert de ce mal.
L’importance de la prévention
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Pour protéger ses yeux, il est impératif de porter des lunettes efficaces lors des expositions au soleil. Il est par ailleurs fortement conseillé d’arrêter de fumer. De plus, une alimentation diversifiée, riche en poissons gras, légumes et fruits permet de faire le plein d’antioxydants qui sont les grands protecteurs des cellules visuelles. À partir de 50 ans, une consultation chez un ophtalmologue est recommandée. Un examen du fond de l’œil peut mettre en évidence des dépôts sur la macula, signes précurseurs de la maladie, et ainsi conduire à un suivi régulier des personnes concernées par la DMLA.
Qu’en est-il de la recherche ?
D’après de nouvelles études, les personnes consommant beaucoup d’aliments riches en vitamine B9 (noix, amandes, légumes verts) seraient mieux protégées contre la DMLA. La recherche étudie la possibilité d’implanter une rétine artificielle dans l’œil, c’est-à-dire de poser une puce électronique qui recevrait des informations extérieures grâce à une caméra. Ces dernières seraient transférées via le nerf optique au cerveau. Les chercheurs travaillent aussi sur les greffes de cellules souches dont le but est de rendre une intégrité à la rétine. « Mais ces avancées ne sont pas encore abouties », tempère notre expert.
Alicia COMET
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