Le Musée Carnavalet retrace plus de 200 ans de luttes féministes

  • L’exposition « Parisiennes, citoyennes ! » présente les engagements pour l’émancipation des femmes de la révolution française à nos jours.
  • Photos, vidéos, objets d’époque, affiches… L’exposition du musée Carnavalet retrace plus de 200 ans de luttes féministes dans la capitale.
  • Trois ans de recherches ont été nécessaires pour présenter des pièces inédites et concevoir une exposition riche de sens

C’est une histoire qui a été souvent invisibilisée, reniée, déformée, moquée : celles des femmes, et plus particulièrement des féministes qui ont lutté pour les droits des femmes, du droit de vote à celui pour l’IVG. Au musée Carnavalet, consacré à l’histoire de Paris de la Préhistoire à nos jours, il a fallu trois années pour construire l’une des premières expositions à retracer cette histoire des femmes et des mouvements féministes dans la capitale. « Depuis les années 1980, le musée a consacré plusieurs centaines d’expositions temporaires aux époques et aux thématiques les plus variées. Mais moins de 10 ont rendu visibles les créations de femmes. La rénovation du musée, entre 2016 et 2021, a donné l’occasion d’un tournant radical, nécessaire. Dans la nouvelle présentation des collections permanentes comme dans la programmation des expositions temporaires, l’objectif désormais fixé est de rompre avec la sous-représentation des femmes » explique Valérie Guillaume, directrice du musée depuis 2013.

En 2019, la directrice se tourne vers Christine Bard, historienne spécialiste de l’histoire des femmes et du féminisme, présidente des Archives du féminisme et professeure d’histoire contemporaine à l’université d’Angers, pour créer une exposition consacrée à l’histoire des mouvements féministes à Paris. Avec Juliette Tanré-Szewczyk, conservatrice du patrimoine, responsable du département des sculptures et du patrimoine architectural et urbain, et Catherine Tambrun, attachée de conservation au département Photographies et images numériques, toutes deux au musée Carnavalet, elles s’attellent alors à dénicher des pièces représentatives de plus de 200 ans de luttes féministes. Problème : elles ne sont pas si faciles à trouver.

Visibiliser les luttes des femmes, à travers des pièces inédites

Catherine Tambrun nous l’avoue, alors que nous pénétrons dans l’exposition par une arche tapissée des rues et lieux à Paris ayant des noms de femmes, « il est difficile d’expliquer un concept qui est celui de l’émancipation ». Au fil des pièces, de la révolution française aux années 2000, Parisiennes, citoyennes ! multiplie peintures, documents d’époque, photographies, sculptures, objets divers qui permettent de retracer une histoire des mouvements féministes à Paris. « Sans Christine Bard, on n’aurait pas réussi à faire cette exposition : elle est capable de voir les pièges, comme les pièces qu’on pense féministes au premier regard, et qui ne le sont pas » ajoute Catherine Tambrun. Pour les commissaires de l’exposition, il a fallu aller fouiller les archives, les fonds publics et privés, pour illustrer au mieux l’émancipation des femmes. « Par exemple, il y a beaucoup de photographies qui ont été tirées exprès pour l’exposition. Il y a plein d’œuvres qui n’étaient pas inventoriées qu’on a numérisé et exposées. Donc maintenant elles vont rentrer dans le domaine public, mais elles sont complètement nouvelles et on les présente pour la première fois » détaille Catherine Tambrun.

C’est aujourd’hui l’ouverture de #ParisiennesCitoyennes au @museecarnavalet ! Cette exposition présente une synthèse inédite sur l’histoire des luttes pour l’émancipation des femmes en se concentrant sur l’histoire des féminismes à Paris ✊

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Sur les murs, de grandes affiches en faveur du vote des femmes, de l’avortement ou de l’égalité salariale. Des vidéos sur les manifestations du Mouvement de Libération des Femmes (MLF), des travailleuses sans-papiers, sur les artistes engagées. L’exposition est ponctuée de bornes interactives, permettant de constater l’évolution dans le temps du nombre de femmes politiques à l’Assemblée Nationale ou des rues de Paris portant un nom de femmes. Au-delà des figures féministes connues, Parisiennes, citoyennes ! fait la part belle aux luttes des femmes racisées, des travailleuses immigrées ou domestiques, des militantes lesbiennes des Gouines Rouges. Paris, ville lumière, attire des femmes artistes de partout dans le monde, dont les œuvres sont remises en lumière. « C’était aussi cette idée de l’iceberg : on montre pleins de choses, mais on encourage les visiteurs à aller chercher par eux-mêmes, à creuser » note Catherine Tambrun. Sur certaines thématiques, des petits QR code permettent aux visiteurs d’aller plus loin dans leur curiosité.

Incarner les luttes, des célèbres aux anonymes

Pour Valérie Guillaume, l’exposition montre, au-delà des trajectoires individuelles, la force des engagements collectifs, « formidables leviers de l’émancipation des femmes ». Des figures connues (Simone de Beauvoir, George Sand, Simone Veil…) aux militantes anonymes, l’essentiel était de les « incarner » selon Christine Tambrun. Des petits portraits de femmes illustrent les cartels tout au long de l’exposition, présentant celles qui ont donné d’elles-mêmes pour rendre la vie des femmes plus justes. Syndicalistes des usines, résistantes, artistes, avocates, institutrices… Leurs visages sur les clichés en noir et blanc ou en sépia rappellent le temps qui passe et les droits acquis au fil des années. Folles, hystériques, castratrices : force est de constater qu’au 18e ou au XXIe siècle, les arguments antiféministes ne changent pas. Et quant aux méthodes, on apprend que les suffragettes françaises avaient organisé un grand feu de journaux et de chaînes (symboliques) pour revendiquer le droit de vote, place de la Bastille, non sans effrayer tous les hommes autour.

EXPO PARISIENNES CITOYENNES!✊
Séverine, Joséphine, Simone… Découvrez l’histoire des #ParisiennesCitoyennes qui ont mené les luttes pour leur émancipation de 1789 à 2000.

En savoir + : https://t.co/ZKQZoXyIuX
Réservation conseillée : https://t.co/rTE1gFZNCd
Jusqu’au 29.01.23 pic.twitter.com/Ts4MlguXCT

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Un sujet très politique, alors même que les mouvements féministes restent très présents dans notre société, et que les droits des femmes sont régulièrement bafoués ou remis en cause, y compris en Europe. « L’exposition traite de l’histoire de l’émancipation des femmes à travers des dates clés, de grandes actions, menées par des anonymes ou des femmes célèbres. La démarche est de présenter ces luttes historiques à partir de faits historiques » explique Valérie Guillaume. Une histoire visuelle qui se repose sur les faits, pour « ne pas être dans un discours » selon Catherine Tambrun : « on sait que ces expositions sont très attaquées, mais je ne vois pas comment ici, parce qu’on est très factuels. On est très riches en documents et en supports différents ». Une exposition qui met également au centre la joie du collectif, les chansons en manifestation, les pieds de nez des militantes au pouvoir en place. De quoi en sortir avec l’envie de continuer le combat.

Chérir une mémoire et la transmettre

Ouverte depuis le 28 septembre dernier, l’exposition Parisiennes, citoyennes ! ne désemplit pas. Et pour cause, elle est assez inédite dans le paysage culturel parisien. « Une exposition c’est beaucoup d’obstacles, de discussions, il faut arriver à convaincre. Ce n’était pas évident, je crois qu’au départ, plein de gens n’y croyaient pas. Et au final, ils y croient. Je ne crois pas qu’une exposition comme ça a déjà existé. Je pense qu’elle fera date, parce que c’est un début » note Catherine Tambrun. Dans les grands musées, la part des œuvres faites par des femmes est presque risible : elles représentent moins de 10 % des collections permanentes.

Ces mains dessinent une vulve. Alternative au poing levé, ce geste en forme de losange est repris dans les manifestations féministes dès les années 1970.
👁️Retrouvez cette œuvre d’E. Ferrer dans l’expo #ParisiennesCitoyennes jusqu’au 29.01.23
👉En savoir + https://t.co/2749njosHz pic.twitter.com/gpB4KZF4WE

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Si l’exposition va jusqu’aux luttes féministes des années 2000, toutes celles qui la visiteront penseront aux luttes menées par leurs aînées, et aux nouvelles générations après elles. En 2022, moins de 50 ans après la loi autorisant l’avortement, à peine cinq ans après #MeToo, tout reste encore à construire, et rien ne semble acquis en matière de droits des femmes. « Chérir cette mémoire des combats des femmes est important, mais je dirai même qu’il est vital pour mieux comprendre l’histoire et les luttes qui doivent encore être menées contre les inégalités » conclut la directrice Valérie Guillaume. L’exposition Parisiennes, citoyennes ! a pris place au Musée Carnavalet jusqu’au 29 janvier 2023. De quoi s’inspirer pour continuer à se battre pour l’égalité.

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