Rencontre avec le joker le plus populaire de France qui s’est livré à nous sans filtre…
Ici Paris : Dans votre autobiographie, on vous découvre moins lisse que dans le rôle de joker du 13 heures que vous occupez depuis 25 ans. N’avez-vous pas eu peur de déplaire à TF1 ?
Jacques Legros : Avoir peur, ce n’est pas mon genre. Et je me suis toujours senti très libre. Dans ce livre, je pose un regard sur une époque et sur le métier de journaliste. On espérait tous que l’info professionnelle allait déteindre sur les réseaux sociaux, mais l’inverse s’est produit. L’absence de filtre, de garde-fou et d’honnêteté est en train de tout contaminer.
« Jean-Pierre Pernaut et moi, on n’a jamais été potes »
IP : Vous évoquez sans langue de bois vos rapports avec Jean-Pierre Pernaut. Ou plutôt, votre absence de rapports…
JL : On n’a jamais été potes. Nous avons formé un duo qui se passait le relais. En devenant son joker, je lui avais juré de ne jamais lui piquer son fauteuil. On avait un autre accord : personne ne se mêlait des journaux de l’autre. Jean-Pierre ne m’a jamais dicté ce que je devais faire…
IP : Jusqu’au premier confinement, quand TF1 a installé un studio vidéo à son domicile ?
JL : Pour le protéger du Covid, la chaîne a préféré qu’il reste chez lui et qu’il propose le journal d’un confiné. Sauf que ce rôle de journaliste titulaire qui devient chroniqueur de son joker, n’a pas été simple. Jean-Pierre rêvait de faire tout le JT depuis son salon. Ce que je peux comprendre… Un jour, il est allé un peu loin et j’ai eu un mouvement d’humeur (il a quitté son poste avant d’être rattrapé, ndlr). Le seul et unique en 24 ans. Ce qui est plutôt un exploit.
IP : Reste que cette anecdote du livre a déchaîné la colère de Nathalie Pernaut. Elle affirme, je cite, que vous faisiez « des coups de pute à Jean-Pierre ». Qu’insinue-t-elle ?
JL : Je ne sais pas. Elle est libre de penser et de dire ce qu’elle veut. Ça ne me regarde pas.
IP : Auriez-vous aimé devenir titulaire à la place de Marie-Sophie Lacarrau ?
JL : Je n’ai pas plus été candidat au moment du départ de Jean-Pierre qu’avant. Je suis trop vieux (Jacques Legros a 71 ans).
IP : On sait peu que vous avez débuté le journalisme sur le tard, à 32 ans, en faisant croire que vous déteniez une carte de presse ?
JL : Le culot, c’est l’arme du pauvre. Je rêvais de faire ce métier mais, ne trouvant pas de boulot dans la presse, j’avais accepté un CDI d’ingénieur civil à la Délégation générale à l’armement du ministère de la Défense. Ce job n’était clairement pas pour moi mais cette période est loin d’être négative. J’en suis parti lors de la création des locales de Radio France.
IP : Ensuite, vous avez été l’un des premiers journalistes-animateurs avec Plein les yeux, un divertissement à succès entre 1997-2003. En quoi cette émission a été catastrophique en termes d’image ?
Les intégristes de la carte de presse m’avaient qualifié de sous-Pascal Sevran, ce qui n’était très sympa pour lui. Ce parisianisme ne m’a jamais atteint. Je me souviens de m’être emporté quelques années plus tôt, au moment de la création de France Info. Deux filles de Télérama étaient venues me voir pour m’expliquer que j’étais forcément devenu un journaliste de droite car je travaillais avec Jérôme Bellay. J’ai fini par les foutre à la porte de mon bureau.
“Je n’ai de revanche à prendre sur rien ni personne“
IP : Votre réussite est-elle une revanche sur cette scolarité que vous avez tant détestée ?
JL : Je n’ai pas de revanche à prendre. Sur rien et sur personne. Je n’étais pas très scolaire et si je le raconte, c’est pour alerter les parents. Pour qu’ils ne se laissent pas embobiner par l’école et décèlent les qualités que peuvent avoir leurs enfants. Il faut être à leur écoute.
“Ma grand-mère, c’était ma vie”
IP : On ressent durant votre enfance, une ambiance familiale pesante…
JL : Plus absente que pesante. Je n’ai pas beaucoup vu mon père, absorbé par son travail de directeur d’école. Pas plus que ma mère, elle aussi très occupée avec ses mandats d’élue. Je ne leur dois pas grand-chose à mes parents, contrairement à Léontine, ma grand-mère. C’était une petite Espagnole magnifique qui m’a élevé avec un amour immense, des principes et de la rigueur. Son rêve était que je devienne instituteur. Elle considérait que c’était le summum de la position sociale que l’on pouvait espérer dans le village minier où j’ai grandi. Elle est morte à 97 ans sans avoir eu le temps de me voir à la télévision. Ma grand-mère, c’était ma vie (il est ému).
IP : Avez-vous été présent avec vos enfants, Tatiana (45 ans) et Gabriel (17 ans) ?
JL : J’ai raté quelques années avec Tatiana, qui avait 6 ans quand j’ai quitté Paris pour aller bosser à Avignon. Mais nous sommes proches. Avec Gabriel, on a un rapport très complice. On aime bien déconner.
IP : Ressentez-vous parfois le syndrome de l’imposteur ?
JL : Toujours ! Je ne me trouve pas à ma place, je me demande pourquoi moi… J’ai conscience que ce n’est pas sain. C’est un sac à dos lourd à porter qui fait qu’il y a certaines choses que je n’ose pas. Je serai toujours le cancre né au pied des terrils, à Lapugnoy (62). C’est peut-être pour ça que le rôle de joker me va bien.
IP : Songez-vous à la fin de votre carrière ?
JL : Forcément. Mais je ne me fixe pas de date. Là, j’ai mal au genou, je vais me faire opérer. Tant que j’aurai l’énergie et l’envie, je continuerai.
“Évelyne Dhéliat c’est un roc !“
IP : À part Évelyne Dhéliat, plus personne après vous n’aura une aussi longue carrière sur TF1 ?
JL : On est les deux vieux (il éclate de rire) ! J’ai une profonde affection pour Évelyne. Je suis admiratif de son parcours, des épreuves qu’elle a traversées. Elle est incroyable de fraîcheur, de jeunesse, d’envie… Elle me donne des leçons. Évelyne, c’est un roc !
IP : Depuis des mois, des témoignages accablants ciblent PPDA. Étiez-vous au courant ?
Je connaissais l’attirance de Patrick pour les femmes, que c’était un dragueur fini. Mais le reste, très sincèrement, je l’ignorais. Les témoignages que j’ai pu lire me sidèrent. Dans les étages au-dessus (la direction, ndlr), je ne sais pas si des gens savaient.
Propos recueillis par Loïc Torino-Gilles
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