- La musique peut soigner, mais pas guérir
- Une guerre des fréquences nourrie par des théories du complot
- Les miraculeuses fréquences Solfeggio
- Les dangers d’une écoute qui promet monts et merveilles
“Régénérer les tissus”, “soigner le foie et le pancréas” ou “guérir la grippe, le rhume et les maladies”… Sur YouTube pullulent aujourd’hui des centaines de vidéos dont les musiques sont censées nous “guérir”. À l’instar des vidéos à messages subliminaux, il y en a pour tous les goûts – ou plutôt tous les problèmes de santé.
Tel un catalogue de soins, la plateforme abrite désormais un contenu “bien-être”, qui flirte dangereusement avec la charlatanisme. Car bien que les bénéfices de la musicothérapie ne soient plus à prouver, il convient ici de nuancer. Si les auteurs de ces vidéos se vantent de bienfaits tous plus impressionnants les uns que les autres, il ne semble qu’aucune littérature scientifique vienne en attester.
Et si cette tendance fait sourire, elle peut rapidement devenir dangereuse quand elle se substitue à des traitements médicamenteux. Alors, écouter un son particulier peut-il vraiment soulager notre santé, voire même guérir certains troubles ? David Christoffel, compositeur, créateur du podcast Métaclassique et conférencier nous éclaire.
La musique peut soigner, mais pas guérir
Le spécialiste est formel, si la musique peut avoir des vertus curatives, c’est seulement en accompagnement d’une intervention médicale.
“Il y a une efficacité réelle de la musicothérapie à partir du moment où, en plus de la musique, il y a un thérapeute. Les effets les plus attestés que l’on puisse avoir ont été observés dans le cadre d’anesthésie avec un complément sophrologique via le son. Mais encore une fois, il s’agit d’un accompagnement thérapeutique”, souligne-t-il.
D’ailleurs, il précise que la musique n’a pas un “effet automatique”. C’est-à-dire que même en complément d’une intervention médicale, nous ne sommes pas tous sensibles à la musique.
“On dispose d’une littérature très sérieuse qui prouve ses effets émotionnels, mais qui montre aussi que ces derniers sont très variables d’un individu à l’autre”, explicite David Christoffel.
Ainsi, utilisée seule, “la musique ne guérit de rien”, appuie-t-il en ajoutant que cette idée fait consensus depuis bien longtemps. « C’est vraiment du charlatanisme que de laisser penser autrement », commente le spécialiste.
Une guerre des fréquences nourrie par des théories du complot
Pourtant, nombreux.ses sont ceux.celles qui justifient le pouvoir de ces musiques par leurs fréquences, qui détiendraient le pouvoir de guérison.
Selon les explications d’Amaury Cambuzat, leader du groupe Ulan Bator, à Slate une fréquence dépend “du nombre de cycles complets de vibrations en une seconde”.
Depuis une norme ISO établie en 1975, le « La » de référence – une note de musique utilisée comme hauteur de référence – est à 440Hz. Mais beaucoup arguent que cette dernière est mauvaise pour nous, figurant parmi « ces fréquences destructrices entraînant des pensées vers la perturbation et la désunion et qui stimulent l’organe de contrôle du corps – le cerveau – dans une résonance de dysharmonie, qui finit par créer la maladie et la guerre », relate un article de Global News Canada, exposant les arguments de ses détracteurs.
“Selon une théorie du complot, le diapason à 440hz serait un diapason nazi”, appuie de son côté David Christoffel, car sa « généralisation » pose question. En 1939, lors d’une conférence internationale à Londres organisée par le British Standards Institute, un groupe de nations européennes a d’abord émis une recommandation commune pour établir la norme pour la hauteur à 440 Hz.
“Dans son essai, Alfred Rosenberg – un homme politique et essayiste allemand, ndlr – fait remonter l’origine du lien présumé entre les nazis et la standardisation du la = 440 Hz à un article publié en 1988 qui prétendait que Joseph Goebbels, ministre de la Propagande en Allemagne nazie avait joué un rôle déterminant dans la réunion de 1939. L’article, cependant, ne fait aucune mention de l’utilisation de cette fréquence pour faire en sorte que leurs ennemis ‘sentent et pensent d’une certaine manière’”, précise la cellule fact checking de Reuters.
Les miraculeuses fréquences Solfeggio
Ainsi, certains opposent la fréquence décriée à la fréquence 432Hz, qui serait “meilleure pour notre cerveau”. « 432Hz résonne avec 8Hz (la résonance de Schumann), le ‘battement’ électromagnétique fondamental documenté de la Terre« , explicite Global News Canada.
Cependant, aucun consensus scientifique n’existe autour de la question, bien que certaines équipes de chercheurs se soient penchées sur le sujet.
“Les données suggèrent que la musique réglée à 432 Hz peut diminuer la fréquence cardiaque plus que la musique réglée à 440 Hz. Mais les résultats de l’étude suggèrent qu’il faut répéter l’expérience avec un échantillon plus important, couvrant davantage de paramètres cliniques”, ont ainsi conclu des chercheurs italiens en 2019.
Encore plus bénéfique que cette résonance « proche de la Terre », il existerait même une fréquence dite « miraculeuse ».
“On pense que cette fameuse fréquence 528Hz apporte la transformation, une augmentation de l’énergie, de la conscience, de la créativité et de la paix intérieure. Il a également été suggéré que 528Hz est profondément enraciné dans la nature et peut être trouvé dans l’oxygène, les arcs-en-ciel, l’herbe et le bourdonnement des abeilles, ce qui en fait un outil puissant pour se connecter avec le monde qui nous entoure”, cite Emmanuel Comte, chercheur, auteur et formateur sur son site.
En effet, 432Hz et 528Hz font partie des fréquences Solfeggio (ou fréquences sacrées de guérison), « des tonalités sonores spécifiques qui [aideraient] et [favoriseraient] divers aspects de la santé du corps et de l’esprit », résume Bettersleep.com en précisant que selon certains spécialistes – comme le chercheur Glen Rein – ces fréquences auraient même « des effets positif sur l’ADN humain ».
« Les fréquences miracles, ça ne fonctionne pas. C’est comme le coup du violon pour faire pousser ses plants de tomates. Après, quand on y met beaucoup d’espoir, ça peut avoir un effet placebo réel, dans la limite du raisonnable. Mais ça ne fera pas repousser des membres amputés », illustre David Christoffel.
Les dangers d’une écoute qui promet monts et merveilles
Car si ces vertus presque magiques peuvent faire sourire et qu’écouter sa musique préférée à une fréquence particulière ne « peut pas faire de mal », selon notre expert, cette tendance devient dangereuse quand ces écoutes se soustraient à un vrai traitement médicamenteux.
« On ne peut pas se constituer une playlist de vidéos YouTube et en faire notre seul traitement », répète David Christoffel. En effet, sur la plateforme, certain.es internautes se vantent même de pouvoir « contrôler le diabète », ou encore de diffuser un « son capable de tuer les cellules cancéreuses ».
« Le discours feel good va très loin. D’autant que même si ces musiques avaient des vertus curatives certifiées, leurs bienfaits seraient diminués par le son compressé de ces vidéos », discrédite un peu plus le compositeur.
« Entre l’accompagnement dans le cadre d’un soin et la guérison, il y a un monde. Et même s’il n’y paraît pas, jouer sur les mots et les croyances peut se révéler dangereux », termine-t-il.
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