Comment moins stresser avant d'aller chez le médecin ?

La phobie de Shania ne date pas d’hier. Petite, à chaque consultation médicale scolaire, elle était pétrifiée. Et notamment par le tant redouté moment de la pesée durant lequel elle subissait des réflexions violentes. Contrainte de se rendrer égulièrement chez le médecin à l’époque, elle pleurait à toutes les consultations. “Cela m’a traumatisée”, confie-t-elle.

Victime de grossophobie médicale, elle ne supporte plus le jugement des soignants qui au lieu de l’écouter ou de considérer ses symptômes, ramènent ses problématiques à son poids. Depuis qu’elle vit seule, Shania ne consulte plus. “Je ne vais plus du tout chez le médecin parce que j’ai peur. Quand je suis malade, je me débrouille.”

La dernière fois que Yousra a vu un médecin, c’était aux urgences, il y a deux mois. Autrement, elle aussi évite soigneusement de se retrouver dans un cabinet médical. Et ce, pour une raison bien précise. « J’ai peur d’aller chez le médecin et de le déranger. Je me dis toujours que ce que j’ai n’est pas assez grave pour que je me déplace et que je prenne le temps du médecin. Et maintenant, j’ai peur d’avoir raté quelque chose de grave, alors je ne veux plus savoir”. Un véritable cercle vicieux qui la prive de suivi médical depuis maintenant près de cinq ans. 

Elles ne sont pas seules à exprimer cette peur du médecin. Selon un sondage One Poll récent publié le 9 septembre 2022,si 82 % des adultes présentent un problème de santé, 22 % ne souhaitent tout simplement pas consulter. 7 patients sur 10 affirment que leur médecin traitant ne semble pas intéressé ou pas assez à l’écoute face au récit de leurs symptômes.

Peur du médecin : ce qui peut l’expliquer

Pas nécessairement liée à une nosocomephobie – qui correspond à une peur des hôpitaux, cliniques et centres de soin – ou à la bélénophobie – peur des piqûres – la phobie du médecin découle en réalité souvent de mauvaises expériences passées. Un médecin débordé peut, par exemple, manquer de tact et devenir blessant au moment de poser les mots sur ces observations, comme l’évoque Shania. 

Une étude de 2015 menée par l’Institut national du cerveau, relayée par le Washington Post, révèle que 33,3 % des participants évitent d’aller chez le médecin en raison de problèmes de communication avec le praticien. “Les médecins vous donnent souvent l’impression que vous êtes stupide”, “ Je ne leur fais tout simplement pas confiance”, « Mon expérience est de ne pas être entendu/considéré”, ont déclaré certains participants.

“Nous sommes formés pour rendre la chose la plus humaine possible. Nous sommes là pour vous faire du bien, pas du mal”, affirme la médecin généraliste Agathe Scemama. Selon elle, confiance et consentement sont les clés de voûte d’un rendez-vous réussi. « On appelle cela la décision partagée. Si on me demande de ne pas donner le chiffre indiqué sur la balance par exemple, je ne le donnerai pas”. 

De son côté, le Dr Kierzek, médecin urgentiste, est très clair. « Notre rapport au corps est strictement médical. Il faut voir le cabinet médical comme une zone hors du temps où l’on peut tout se dire, tout montrer. Il ne devrait jamais y avoir de jugement, c’est la base du serment d’Hippocrate ». 

Outre cette peur d’être jugé, il y a aussi celle de « consulter pour rien », « de déranger » ou encore d’apprendre une mauvaise nouvelle. 26,4% des participants à l’étude de l’Institut du cerveau ont déclaré éviter les consultations par crainte de découvrir une maladie grave. 

Mais pour le Dr Kierzek, la peur n’évite pas le danger. “Faire l’autruche, c’est repousser le diagnostic et les chances de guérison. Les gens doivent se dire que la pathologie, c’est l’exception, et pas l’inverse”.

Comment déstresser avant une consultation médicale ?

Pour contrer toutes ces sources de stress avant une consultation médicale, plusieurs pistes. 

Le Dr Scemama conseille pour commencer aux patients d’exposer leurs craintes d’emblée. “C’est normal d’avoir peur, notamment lors d’un dépistage. Et c’est notre rôle d’expliquer son importance.”

La consultation pouvant aussi être vécue comme un torrent de termes compliqués, de jargon incompréhensible et terrorisant, la médecin généraliste recommande aux patients d’arriver avec des questions écrites – sans que cela s’apparente “à une liste de courses” – et de prendre des notes pendant le rendez-vous. Le tout, dans le but d’inciter le médecin à poser les mots de la façon la plus claire et bienveillante possible.

Et surtout, cela pourrait permettre au soignant de fractionner les consultations. “On ne peut pas donner trop d’informations. Si c’est trop, le patient doit pouvoir demander à ce qu’on prenne le temps de se revoir. Par exemple, on peut s’occuper du dépistage un jour, puis aborder d’autres pans comme la nutrition la prochaine fois”, détaille le Dr Scemama.

Les deux médecins voient d’un bon œil l’idée – pour un patient – de venir accompagné d’un proche qui l’aidera à dédramatiser et à noter ces informations. Depuis la loi du 4 mars 2022, il est possible de désigner une “personne de confiance” qui pourra assister aux rendez-vous médicaux avec le patient, informe Service-Public.fr.

Si vous ne vous sentez pas suffisamment écouté.e, notamment dans la prise en charge de pathologies, dans le cas d’une intervention chirurgicale ou encore pour mieux appréhender les choix de traitements, il est possible de demander un 2ème avis. Si ce second avis peut être mal pris par certains soignants, le Dr Kierzek considère qu’il devrait être légitimer. “C’est le rôle du médecin traitant de le faciliter. Il doit agir comme un confident ou un conseiller pour le patient”. 

“C’est vrai qu’il y a des collègues débordés qui ne prennent plus le temps. On tombe parfois dans une médecine de supermarché. Mais la peur de la blouse blanche ne devrait plus être. Le modèle paternaliste n’est heureusement plus d’actualité”, assure le médecin urgentiste.

Enfin, selon nos deux soignants : sauf urgence, un patient peut aussi demander à ne pas être examiné. “On ne peut pas le forcer. Si le patient est réticent, c’est probablement qu’il y a une douleur physique ou psychique”, détaille le Dr Kierzek. Et si l’on ne peut pas faire l’impasse sur l’examen, il peut aussi être utile “de demander au médecin d’expliquer ses gestes”, ajoute le Dr Scemama. “Si le médecin fait peur, ou qu’il y a un manque de confiance entre les deux parties, il faut songer à en changer”, note-t-elle.

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