- La santé des femmes négligée depuis l’Antiquité
- Les premières femmes à faire bouger les lignes de la médecine
- Première vague féministe : améliorer les conditions de grossesse des femmes
Sans Tarana Burke, la considération des violences sexuelles en tant que problème de santé publique serait sans doute bien moindre. En intégrant le droit à l’avortement dans la loi française, Simone Veil a sauvé la vie de milliers de femmes. Sans les féministes de la Maternité heureuse (désormais Planning Familial, ndlr), la contraception aurait pu ne jamais être légalisée.
Tantôt écartées des essais cliniques tantôt maltraitées par les soignants ou réduites à leur rôle de ventre, les discriminations médicales à l’égard des femmes restent malheureusement d’actualité. De fait, lorsqu’il s’agit d’améliorer leur santé, c’est comme si le temps reculait.
Prenons pour exemple l’endométriosme. “L’endométriose est reconnue comme atteinte grave depuis les années 1990. Pourtant, ce n’est qu’en 2019, que le premier plan national pour la prise en charge et l’information liée à la pathologie a été mis en place”, illustre Catherine Vidal, neurobiologiste, directrice de recherche honoraire à l’Institut Pasteur, membre du comité d’éthique de l’Inserm, co-responsable du groupe “Genre et recherches en santé”.
Et si la sensibilisation du grand public et des soignant.es à cette pathologie a autant pu évoluer, c’est en grande partie grâce à l’engagement de féministes investies.
C’est loin d’être leur seule avancée en termes de santé des femmes. « Les féministes ont compris que porter attention à la santé des femmes, c’est aussi une façon de porter assistance à la société tout entière”, note Emilie Banny-Ducelier, administratrice et membre du comité exécutif chez Harmonie Mutuelle et initiatrice du projet en cours “Prenons soin des femmes”.
La santé des femmes négligée depuis l’Antiquité
Selon Zoé Dubus, historienne de la médecine et membre du « GeFeM », groupe de recherche universitaire sur le genre, on peut d’abord expliquer ce retard accumulé concernant la santé des femmes par la genèse de la médecine. “Cette culture patriarcale a hérité de la médecine antique, où ce sont uniquement des hommes qui donnaient une direction à la médecine”.
Considérée dans l’Antiquité comme mineure, la femme est tout simplement exclue des savoirs officiels, et n’a “été ni sujet, ni même objet d’histoire”, précise Marcel Bernos dans La condition féminine dans l’ancienne France. Elle est réduite à son rôle d’épouse et de mère.
On pensait par exemple que l’orgasme féminin était une maladie, que ça pouvait rendre folles les femmes.
Paradoxe : à une époque où l’on fait moins confiance à la « nouvelle médecine » qu’au pouvoir des plantes médicinales, ce sont les guérisseuses ou les sorcières qui soignent. “Le fait qu’elles aient une connaissance des plantes abortives, par exemple, ne va alors pas plaire à la religion qui souhaite avoir le contrôle sur le corps des femmes. À la Renaissance, une chasse aux sorcières va être entamée”, illustre l’historienne.
Peu à peu, les femmes vont se voir confiquer ce savoir. Les médecins vont porter sur elles un œil paternaliste, si bien que certaines particularités féminines vont être injustement patholigisées. “On pensait par exemple que l’orgasme féminin était une maladie, que ça pouvait rendre folles les femmes. Alors on a tenté de faire en sorte que les femmes n’en aient pas”, explique Zoé Dubus.
Les premières femmes à faire bouger les lignes de la médecine
Dans le chapitre L’orgasme et les médecins tiré de l’ouvrage Le Secret des femmes de Élisa Brune et Yves Ferroul (2010), on peut notamment lire que l’utérus “a été considéré moins comme un organe que comme une créature indépendante capable de bouger dans le corps de la femme à la manière d’un ver dans une pomme”. C’est de cette pensée qu’est né le concept aujourd’hui obsolète d’hystérie, supposé désigner “divers désordres physiologiques féminins qui seraient dus à des mouvements de la matrice à l’intérieur du corps”.
“Les femmes n’avaient pas le droit de vote, au même titre que les enfants et les malades mentaux. Elles étaient naturellement considérées comme plus souffreteuses. Les médecins de l’époque ont fabriqué cette notion de ‘nature féminine’ et de sexe faible », ajoute Catherine Vidal.
Il faudra attendre la fin XIXe siècle pour que les femmes “brisent toutes les barrières de genre et récupèrent des savoirs médicaux”, poursuit l’historienne. En 1868, quatre jeunes femmes franchissent pour la première fois les portes de la Faculté de médecine en tant qu’étudiantes, et se spécialisent en santé des femmes et des enfants.
Puis en 1875, Madeleine Brès est la première femme a obtenir son doctorat en médecine. “Il serait anachronique de parler de féministes à cette époque, mais cela va faire bouger les lignes”, note l’historienne en médecine.
Première vague féministe : améliorer les conditions de grossesse des femmes
Vient la première vague féministe au début du XXe siècle, jusqu’à la fin de la Seconde guerre mondiale, marquée par l’accès au droit de vote pour les femmes dans de nombreux pays. C’est aussi à cette époque qu’émergent les préoccupations liées à leur santé reproductive. Historiquement réduites à leur rôle de mères, les premières féministes vont se battre pour améliorer les conditions de grossesse des femmes – via l’instauration du premier congé maternité en 1910 et la prise en compte de la douleur de l’enfantement.
Au début du siècle, la médecin Madeleine Pelletier est la première à se battre pour la légalisation du droit à l’avortement. Elle est “persuadée qu’un des noyaux durs de l’oppression des femmes se situe dans l’intimité, dans la sexualité, dans l’appropriation du corps des femmes par les hommes”, affirme Christine Bard, historienne du féminisme à France Culture
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