Cinéma : "J'ai toujours peur d'en faire trop, peur d'une forme de ridicule", confie Bernard Campan

Bernard Campan est acteur, humoriste, réalisateur, scénariste. Il est indissociable du trio comique Les Inconnus, avec Didier Bourdon et Pascal Légitimus dont un retour à la télé est prévu d’ici peu. Il est aussi réalisateur, il a d’ailleurs cosigné la réalisation du film Presque avec son ami, le philosophe Alexandre Jollien, en janvier 2022.

Après avoir joué la pièce de théâtre d’Ivan Calbérac : La Dégustation, Bernard Campan en sort une adaptation au cinéma, ce mercredi 31 août. Une histoire qui raconte une rencontre entre deux êtres qui semblaient se diriger vers une solitude et une nostalgie dévastatrices, mais qui vont se trouver, voire se retrouver eux-mêmes. Isabelle Carré en est le visage féminin, comme dans la pièce, celle qui va faire chavirer son cœur.

franceinfo : Jacques est divorcé, gérant d’une cave à vins, et Hortense est engagée dans l’associatif et souhaite s’inscrire dans un atelier de dégustation. En fait, c’est une vraie comédie romantique comme vous les aimez ?

Bernard Campan : Oui, j’aime bien quand l’humour se mélange sinon au drame, en tout cas, à une profondeur et le travail d’Ivan Calbérac nous amène vers ça. Que ce soit dans la pièce ou dans le film, où on est plus vers le romantique que vers la comédie pure.

Après Se souvenir des belles choses, vous retrouvez Isabelle Carré. C’est vrai que cela fonctionne parfaitement entre vous, il y a une sorte d’évidence qui ressort quand on vous regarde tous les deux. Ça l’est aussi pour vous ?

Toujours. Mais un bon casting, ce n’est pas trouver un comédien pour un personnage, c’est trouver les comédiens ensemble, c’est les relations entre les personnages.

« Isabelle Carré et moi, on est un très bon casting pour une histoire d’amour. On s’apprécie et je pense qu’il y a une affection et admiration mutuelles. Avec elle, c’est simple et agréable. »

à franceinfo

Parents profs, donc c’est étonnant de choisir cette voie-là. Vous auriez pu faire comme eux. Quel est le déclic alors ? D’où vient cette envie de faire les cours Simon ?

Faire les cours Simon, pas spécialement. Je ne connaissais même pas leurs existences. C’est ma mère qui m’a obligé à les faire. Elle m’a dit : « Non, non. Tu as eu ton bac, d’accord, mais tu ne vas pas faire le tour du monde comme tu en a l’intention. Tu vas aller au cours Simon. Tu aimes faire du théâtre, tu vas faire du théâtre« . Donc, elle m’a un peu forcé la main. Et ma mère aussi, jeune, aurait aimé faire du théâtre. Quand elle préparait ses cours pour l’École normale à Paris, elle avait demandé à René Simon : « Vous pensez que je peux faire du théâtre ? » Apprenez un texte et venez auditionner et je vous dirai. Elle a eu tellement peur d’une réponse négative qu’elle ne l’a jamais fait. Donc, je pense que j’ai rattrapé, une petit peu, des choses transgénérationnelles.

Vous allez galérer au début, jusqu’au « petit théâtre de Bouvard » où il va effectivement se passer quelque chose. Et puis surtout cette rencontre incroyable entre vous, Didier Bourdon et Pascal Légitimus.

On s’était connu, un peu avant, au café-théâtre. J’avais joué avec Didier au café-théâtre. Mais c’est vrai que chez Bouvard, c’est là où on a senti cette affinité, cette envie de rester ensemble. Puis on s’était retrouvés, donc finalement, c’était notre destin, n’est-ce pas ? Puis, ça se passait mal chez Bouvard, c’était compliqué et il valait mieux partir. En fait, ça a été notre chance.

Cette aventure, là où elle est surtout très, très belle, c’est qu’elle est portée depuis le début par l’amour des Français. Ça touche ça d’avoir ce public-là qui évolue en plus avec des générations supplémentaires.

Moi, je suis plus touché aujourd’hui que je ne l’étais à l’époque. C’est normal, le temps a passé. Alors tout ça est teinté de nostalgie de la part des gens, c’est souvent : « Vous avez bercé mon enfance« , alors maintenant, c’est plus : « Vous avez bercé l’enfance de ma mère« , bientôt ça va être l’enfance de ma grand-mère ! On commence à prendre en âge, ça se sent ! Mais ça reste très touchant.

Ce qui est important aussi, c’est qu’à un moment donné, chacun a eu besoin de tracer votre route. Vous avez compris très vite aussi que vous aviez besoin de ça pour grandir, pour évoluer différemment ?

C’est vrai que quand Didier commençait, lui, à tourner les premiers rôles, je regardais ça avec beaucoup d’envie. Quand est-ce qu’on proposera des rôles ? J’avais peur que ça n’arrive jamais finalement, et c’est venu grâce à Zabou Breitman.

Zabou Breitman vous a fait totalement confiance. C’est incroyable ce qu’elle va faire avec vous et Se souvenir des belles choses. Après, elle va vous rappeler justement pour plusieurs autres films. J’ai l’impression qu’elle a fait partie des personnes qui vous ont donné confiance en vous.

Oui, qui m’ont appris à faire, malgré le manque de confiance. Quand j’avais lu le scénario du film, j’avais Zabou au téléphone et je lui disais : c’est formidable, c’est beau, et elle répondait : « D’accord, d’accord, mais est-ce que tu veux le faire ? » J’aimerais bien le faire, mais je ne sais pas si j’en suis capable. « Mais ça, ce n’est pas ton problème, c’est le mien. Je sais que tu en es capable, donc tu vas le faire« . Moi, j’ai toujours eu besoin, et Didier a eu ce rôle-là aussi à un moment, de quelqu’un qui me soutienne, qui me porte un peu. C’est d’une valeur inestimable.

Qu’est-ce qui vous fait peur ?

J’ai peur de ne pas être drôle. J’ai peur d’être ridicule.

J’ai toujours peur d’en faire trop, donc je suis toujours dans la retenue. J’ai refusé beaucoup de rôles que je trouvais trop extrêmes parce que j’avais peur de me planter. J’ai peur d’une forme de ridicule.

à franceinfo

On a sentiment dans ce film que vous êtes allée toucher du doigt la sérénité. Finalement, ce parcours est un peu une quête…

Si on est des artistes, c’est que notre art doit nourrir notre existence et notre existence doit nourrir notre art. On ne peut pas vraiment cloisonner. Donc oui, je me nourris de mon travail, j’essaie de progresser, d’évoluer. Sur le tournage de La Dégustation, j’avais 62 ans, je me suis dit : c’est incroyable, j’ai passé la soixantaine, j’ai un joli rôle avec Isabelle. Avec Ivan, on est une équipe, on s’apprécie tellement, mais quelle chance! Profite, savoure ça. Et voilà, je pense que c’est peut-être l’âge qui permet ou pas, mais dans mon cas j’ai l’impression que ça me permet de profiter un peu mieux des choses.

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