Vertiges, nausées et fatigue permanents : le syndrome du mal de débarquement ou avoir le mal de mer sur Terre

À l’origine, un simple apéro sur le Rhône, lors d’une journée ensoleillée du mois de juin 2020. Cette soirée festive, Tamara Pellegrini, 31 ans, s’en souvient comme si c’était hier. “Dès que j’ai posé mon pied hors du bateau, j’ai eu l’impression de tanguer. Ce jour-là, j’ai vomi plusieurs fois, et j’étais incapable de comprendre les mots que je lisais”, se remémore-t-elle. 

Les jours passent et se ressemblent. La jeune femme se réveille avec la nausée, et le sentiment continuel de basculer vers l’avant. “Quand je suis assise, c’est l’horreur. Quand je suis couchée, c’est pire encore ». Depuis deux ans, Tamara ne connaît pas une seconde d’immobilisme. “Certains jours sont plus difficiles que d’autres, mais il n’y a pas une journée où j’ai été libérée de cette sensation », témoigne-t-elle. 

Ce mal permanent porte un nom : le syndrome du mal de débarquement, que la science abrège en MdDs. Cette maladie rare et chronique est encore peu documentée.

“Peu de cas de MdDS ont été rapportés dans le monde entier”, indique la MdDs Foundation, mais “les statistiques actuelles montrent l’incidence la plus élevée signalée chez les femmes âgées de 30 à 60 ans”.

Et son nom peut tromper : “Seules certaines personnes développent un MdDs après avoir voyagé”, affirme le Dr. Shin Beh, neurologiste et spécialiste en équilibre et migraine. Environ 20% des cas déclarés n’ont pas d’événement causal connu, corrobore la fondation. 

Le syndrome du mal de débarquement : un trouble du voyageur ?

Le MdDs, c’est comme un mal de mer, mais sur Terre. “C’est une sensation constante de mouvement, comme sur un navire ou un bateau”, précise le Dr. Shin Beh.

Il est bien différent d’un simple mal de terre, qui ne dure pas plus d’une semaine après le voyage. “Avant le 3 juin 2020, j’avais déjà vécu ce mal de terre. J’ai pu constater la différence avec ce que je vis actuellement”, ajoute l’animatrice du compte Instagram @les_invisibles_podcast.

Cette affection laisse aux patients la sensation d’être continuellement en mouvement, et survient le plus souvent un ou plusieurs jours après une croisière ou un voyage sur l’eau. Mais un tel syndrome peut aussi se déclencher après un voyage en avion, en train ou en voiture, et même en sortant d’un ascenseur, dans un lit d’eau ou après une expérience de réalité virtuelle, détaille la fondation.

“Certains enfants peuvent souffrir du mal des transports dès leur jeune âge, mais la littérature ne recense pas d’enfant souffrant du mal de débarquement”, ajoute Karine Dupuis, physiothérapeute au Québec.

Cette sensation incessante de tangage serait d’autant plus forte lorsque les patients sont immobiles. Nombre d’entre eux témoignent d’une impression de répit au moment de prendre le volant. “Dans le train, en vélo ou en voiture, je me sens bien. Pour autant, dès lors que je remets les pieds sur terre, le phénomène reprend de plus belle”, confie Tamara.

MdDs : les symptômes associés

Cette sensation de vertige permanent s’accompagne d’une pluralité d’autres symptômes, rendant ce syndrome parfois invivable. En plus des nausées, Tamara témoigne d’une fatigue chronique “harassante”, d’une hypersensibilité à la lumière, de troubles de la concentration, et de pertes d’équilibre provoquant des chutes. “Essayant constamment de me maintenir debout, je souffre maintenant d’une cervicalgie”, ajoute-t-elle.

Ces symptômes sont si évocateurs, qu’un médecin lui diagnostique la maladie en seulement deux mois. Un cas exceptionnel car, au vu de sa rareté et de l’impossibilité pour les radiologues de le détecter au scanner, de nombreux malades du MdDs font face à l’errance médicale. 

Ces manifestations peuvent durer de quelques mois à quelques années. Dans les cas les plus graves, la personne touchée peut aussi avoir besoin de soutien pour marcher, de tenir les murs pour ne pas tomber, et souffrir d’aphasie, informe la fondation. 

D’autres signes cliniques d’ordre psychologique peuvent être associés à un syndrome du mal de débarquement, à savoir l’anxiété, la dépression ou la perte de confiance en soi. “Avant, j’étais éducatrice spécialisée, je sortais et bougeais beaucoup. Aujourd’hui, je me couche très tôt, et j’ai adopté une hygiène de vie diamétralement opposée. À l’époque, j’ai eu des idées noires”, confesse la jeune femme. 

Car en deux ans, Tamara a découvert que certains facteurs comme le stress, une alimentation déséquilibrée ou trop de déplacements pouvaient aggraver ses symptômes. La fondation MdDs ajoute également le manque de sommeil ou encore la sédentarité. 

Comment expliquer le syndrome du mal de débarquement ?

Pour l’heure, la science spécule encore sur la pathogenèse du MdDs. “Il s’agit d’une affection neurologique, censée impliquer les zones concernées par le traitement de l’information vestibulaire”, explique le Dr Shin Beh. Le système vestibulaire, c’est à la fois ce qui nous permet de rester debout, mais aussi d’opérer les mouvements dans le bon sens, et de situer notre corps dans l’espace. 

D’après un document du département de neurologie de la David Geffen School of Medicine at UCLA, publié en 2009, le syndrome du mal de débarquement découlerait d’une adaptation plus difficile à un nouvel environnement et, par conséquent, à de nouvelles informations vestibulaires.

“Une fois que le sujet s’est adapté au nouvel environnement, un retour à l’environnement de base nécessite une nouvelle période de recalibrage et de réadaptation. Avant cette réadaptation, le sujet éprouverait une anomalie de la perception vestibulaire”, peut-on lire.

“Le syndrome du mal de débarquement résulte probablement d’un traitement et d’une adaptation inadéquats du système d’équilibre du corps aux multiples entrées sensorielles (visuelles, vestibulaires, proprioceptives et cognitives) de l’environnement une fois le stimulus (déclencheur) terminé”, corrobore un rapport du National Organization for Rare Disorders (NORD), en collaboration avec le département de neurologie du Mercy Hospital and Medical Center, à Chicago.

En clair, le MdDs pourrait se manifester lorsque le cerveau ne sait plus faire le tri entre les informations des muscles, des yeux et du système vestibulaire, ainsi le mouvement ressenti par le corps ne coïncide pas avec les informations reçues par l’oreille interne. 

Rééduquer le système vestibulaire pour soulager les malades

Pour soigner le MdDs persistant, il n’existe pas encore de traitement spécifique. “Les médicaments anticholinergiques qui agissent contre les formes typiques de vertiges et de mal des transports ne sont efficaces ni dans le traitement, ni dans la prévention du MdDS”, se désole la fondation éponyme. 

“Ce n’est pas parce que cette maladie est incurable qu’on ne peut pas m’aider à améliorer ma qualité de vie !”, se défend Tamara. Alors en complément de son oto-rhino-laryngologiste (ORL), elle consulte également psychothérapeute, fasciathérapeute et physiothérapeute. 

La physiothérapie est particulièrement indiquée dans l’accompagnement des personnes MdDs. Cette discipline à pour objectif d’améliorer la santé physique des patients afin de rétablir leur motricité et leur équilibre.

Lors de ses consultations, la physiothérapeute Karine Dupuis évalue d’abord l’historique du patient via un “bilan de sa mobilité cervicale et thoracique, un bilan neurologique et une évaluation complète de tous ses réflexes vestibulaires-optique-oculaires”, détaille la soignante.

Quant aux soins, elle s’appuie sur un protocole de recherche publié en 2014. “Il consiste en la rééducation du Réflexe vestibulo-oculaire (RVO), permis par la reproduction d’une stimulation visuelle (qui donne l’impression de tourner) tout en reproduisant une sensation de tangage”, explique Karine Dupuis. Cette étude de référence pour les professionnels indique que la réadaptation du RVOa entraîné une guérison ou une amélioration substantielle chez 70 % des sujets atteints de MdDS”.

D’autres pratiques telles que la fasciathérapie peuvent agir plus spécifiquement sur la perte de mobilité cervicale et thoracique et les tensions musculaires relatives au syndrome du mal de débarquement. « Cela m’aide vraiment », assure Tamara. 

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