Réélu à l’Assemblée nationale le 19 juin, Nicolas Dupont-Aignan y siège depuis vingt-cinq ans. Au moment d’endosser ce nouveau mandat, le député s’est confié sur sa vie de famille, ses ambitions et son avenir en politique à Gala.fr.
Nicolas Dupont-Aignan entame son sixième mandat de député de l’Essonne. Seul membre de Debout la France à siéger, il est isolé au sein d’une Assemblée nationale divisée. Après trois échecs à la présidentielle et plus de vingt ans dans les arcanes du pouvoir, que pense sa famille de cette vie au cœur du tourbillon politique ? Quelles sont ses relations avec Marine Le Pen, cinq ans après son soutien à la présidentielle ? Assume-t-il toujours ses positions controversées ? Nicolas Dupont-Aignan s’est confié Gala.fr.
Gala.fr : Vous êtes marié à Valérie Vecchierini depuis 1990. Ce tourbillon politique était-il l’un de vos projets de mariage ?
Nicolas Dupont-Aignan : Ma femme ne pouvait pas deviner ce qui allait arriver, mais elle connaissait ma passion. Pour autant, c’est une chose de dire qu’on aime le débat de la cité ; c’en est une autre de vivre les bassesses politiques.
Votre épouse a été inscrite comme l’une de vos collaboratrices parlementaires jusqu’à ce que la loi pour la confiance dans la vie politique l’interdise en 2017.
Cette loi l’a beaucoup meurtrie. Tout le monde a été mis dans le même sac. Elle a mal pris d’être suspectée de ne pas travailler à cause de l’affaire Fillon. Ce jour-là, elle m’a dit : « Je ne veux plus entendre parler de politique. Je me consacre à ma passion qu’est l’art. » Depuis, elle refuse toutes les interviews.
Est-ce que travailler ensemble vous a aidé à faire durer votre mariage ?
Non, ça aurait même pu être l’inverse. Enfin, oui et non. Quand j’ai pris la ville de Yerres (Essonne), elle était avocate. On ne se voyait plus. Quand j’ai été élu député, je lui ai dit : « Aide-moi, parce que je ne vais pas y arriver. » Elle m’a répondu : « Je fais six mois. » Ça a duré vingt ans. C’était délicat pour elle. Si je lui parlais comme un collaborateur, elle ne l’acceptait pas. On travaillait jusqu’à minuit à la maison. Parfois, elle m’engueulait devant les collaborateurs… C’était gênant. En même temps, on a fait plein de trucs ensemble.
Quelles ont été les conséquences de ce rythme pour votre famille ? Est-ce qu’il y a des moments de l’enfance de vos filles que vous regrettez d’avoir ratés ?
Les événements, j’arrivais toujours à concilier. Un homme politique est libre de son emploi du temps. Je pense avoir été prudent en prenant des vacances, en conservant mes dimanches pour mes filles… Même si je suis convaincu que pour elles ce n’est pas assez. La politique les a privées un peu de leur papa. C’est évident. En revanche, on n’a jamais exposé notre vie de famille.
Jamais ?
Une seule fois en 1997, on a accepté un article dans Le Figaro Magazine. Je venais d’être élu député. On a posé comme des cons dans la forêt à Yerres (Essonne) avec ma fille qui faisait du vélo. Ma femme m’a dit après : « Plus jamais. »
Vous célébrez vos 32 ans de mariage cette année. Comment gère-t-on une crise conjugale quand on a un mandat en cours et une ambition présidentielle ?
En se parlant et en se disant la vérité. On s’est toujours entraidé dans les moments difficiles. En 2017, il y a eu un désaccord fort entre nous. Ma femme a été extraordinaire. À une réunion de parti très houleuse après le premier tour de la présidentielle, j’ai présenté les deux choix possibles : soutenir le Rassemblement national ou être neutre. Valérie a dit devant tout le conseil national : « À titre personnel, j’ai des réticences. Je suis plutôt pour la neutralité. Mais, si Nicolas pense qu’il faut soutenir Marine Le Pen, faites-lui confiance. » À l’époque, je n’avais pas réalisé que ce choix allait influer sur sa vie. En travaillant dans le milieu culturel, elle en a pris plein la figure.
Vous dites que Valérie Vecchierini a souffert d’être Madame Dupont Aignan ?
Quand on porte le nom d’un homme politique… Les gens vous regardent bêtement comme le fils, la fille ou le conjoint de. Être une personnalité publique, c’est mon choix. Je ne vois que le bon. Ma femme est plus lucide. Elle retient ce que je ne veux pas entendre, comme les « connard ». C’est difficile de prendre les coups par procuration.
Vous avez été trois fois candidat à l’Élysée, trois fois vous avez récolté moins de 5 % des suffrages. Une campagne présidentielle est éprouvante… Est-ce que ça en valait la peine ?
La bave du crapaud n’atteint pas la blanche colombe. Il faut toujours aller au bout de ses convictions.
« Marine Le Pen ne m’avalera pas comme un boa »
Pourquoi cela vous révolte autant d’être qualifié de « politique d’extrême droite » ?
C’est une diffamation. J’ai gagné mon procès. (Une décision du Conseil d’État, rendue en 2021, établit que « le classement de la liste Debout la France dans le bloc de clivage extrême droite » ne s’appuie pas « sur des indices objectifs », NDLR.) Je suis gaulliste, souverainiste, divers droite et c’est tout le contraire de l’extrême droite. Si j’appartenais au Rassemblement national, on pourrait le dire.
Vous comprenez qu’il puisse y avoir un amalgame entre le fait que vous appelez à soutenir Marine Le Pen et cette qualification « d’extrême droite » ?
La qualification « extrême droite » est stigmatisante dans le langage politique français. Pour moi, le RN n’est plus d’extrême droite. Il est catalogué comme ça, mais il n’y a pas autant de Français d’extrême droite… Donc c’est une insulte aux Français.
En 2017, vous seriez devenu le Premier ministre de Marine Le Pen si elle avait gagné. Quelles sont vos relations aujourd’hui ?
Elles sont bonnes. Je pense que Marine Le Pen a commencé à comprendre qu’elle ne m’avalerait pas comme un boa. Je peux être un partenaire de coalition au second tour… Mais, je garderai toujours ma liberté.
En politique, considérez-vous que Marine Le Pen est une amie ?
Je ne sais pas si on a des amis en politique. Je ne le crois pas, malheureusement. En revanche, elle fait partie des personnalités d’avenir, relativement sincères par rapport à beaucoup d’autres. Elle est injustement attaquée. Je n’aime pas ça. Mais, je lui ai expliqué cent fois que je suis libre. Si un jour j’estime qu’on ne peut pas la soutenir, je ne la soutiendrai pas. Elle le sait et c’est sain. Cette relation (entre politiques, NDLR.) est très rare.
« Ma mère n’a jamais accepté que j’entre en politique »
Est-ce vraiment utile d’être un député isolé ?
Si les Français se détournent de la politique, c’est parce qu’ils ont le sentiment d’un manque de sincérité. Justement parce que tout obéit à des clans. Si la moitié des gens ne votent plus, c’est parce qu’il n’y a pas assez de Nicolas Dupont-Aignan. C’est prétentieux, mais je le pense vraiment.
On dit parfois que l’on devient ce que l’on fait. Au-delà de la politique, qui êtes-vous ?
Je suis un politique extraterrestre. Un idéaliste. Un romantique. Un artiste. Je n’ai pas changé. À onze ans, douze ans, treize ans, je passais devant l’Assemblée nationale et je rêvais d’être là. Je disais à mes parents : « Un jour, j’aimerais être là. » Pourquoi ? Je ne sais pas. C’est venu peut-être de l’histoire de mon grand-père.
Qui était votre grand-père ?
C’était un aviateur, un héros. D’ailleurs, il y a un truc qui m’a fait très plaisir. Récemment, j’ai reçu un paquet. Dedans, il y avait l’avion de mon grand-père en miniature. Il s’est écrasé dans la Meuse. Pendant la campagne présidentielle, j’avais été à l’endroit de l’accident. Un militant de Debout la France a pris de la terre du lieu. Il l’a mise dans une boîte plastique et a fixé une maquette de cet avion dessus, puis il me l’a envoyée. J’étais ému aux larmes… Ça m’a fait pleurer.
Vous parliez de politique chez vos parents ?
Pas du tout. La politique était bannie. Ma mère n’a jamais accepté que j’entre en politique. Quand j’ai eu l’ENA, elle était fière comme Artaban ; mais quand j’ai dit : « J’aime le métier d’élu… » Ça lui a fait peur. Elle appelait ma femme, qui n’en pouvait plus, pour lui dire : « Il ne faut pas qu’il fasse ça. Il va être malheureux. » Pour elle, c’était un monde trop haut, trop différent. Mes parents étaient de la petite bourgeoisie, des gens simples. Pour eux, c’était un milieu inaccessible, dangereux et un peu sale.
Est-ce que vous vous êtes déjà « sali » justement en politique ?
J’ai peut-être commis des erreurs… Je ne suis pas parfait. Mais, j’ai refusé de trahir mes convictions pour rester dans le groupe. J’ai toujours mis en accord mes valeurs profondes et mes choix politiques. Je l’ai payé cher dans la mesure où je suis un peu isolé pour être honnête. J’aurais pu chasser davantage en meute. J’aurais sûrement eu des postes ministériels et moins d’attaques.
« Je suis trop sincère parfois »
Vous vous dites parfois boycotté par les médias. Qu’entendez-vous par là ?
Pendant toute la campagne 2022, j’ai été à moins de 0,5 % de temps médiatique alors que j’ai fait 2 % et que j’avais fait 4 % avant. Je n’ai pas eu dans les médias le poids que j’ai en politique. C’est un cercle vicieux.
Vous êtes quand même invité régulièrement sur les plateaux. Vous étiez sur CNews et France 2 récemment. Il y a parfois des clashs relayés sur Twitter… Est-ce que vous vous êtes déjà dit que vous étiez allé trop loin dans vos propos ?
Oui, c’est arrivé. Je suis trop sincère parfois. Alors qu’il faudrait un peu plus ruser. Ce n’est pas toujours bon d’avoir un temps d’avance. C’est Lénine qui disait : « Un pas en avant, deux pas en avant oui ; trois pas en avant, c’est trop. »
Y a-t-il des journalistes auxquels vous refusez de répondre ?
Un ou deux, que je n’appelle pas des journalistes. Je n’ai pas besoin de les citer. Mais je ne réponds pas à des militants politiques.
« Je suis fier de ce que j’ai fait »
Vous avez 61 ans. Si vous regardez en arrière, vous êtes loin de la petite vie de famille tranquille… Elle vous plaît cette existence ?
J’aurais eu un sentiment de frustration énorme si je n’avais été que député… J’ai toujours été dans l’opposition. Si je peux me regarder serein, c’est parce que j’ai été maire vingt-deux ans. Ça, c’est mon bonheur. Si je devais faire un bilan de mon parcours, si je passe sous un autobus demain, je serais fier de ce que j’ai fait dans ma ville. Cette satisfaction, elle ne compense jamais les sacrifices. Mais, j’ai essayé de faire pour le mieux.
La retraite, c’est une question que vous vous posez ?
Pour quoi faire ? Mon pays est en train de crever. Personne n’est indispensable, mais je resterai toujours un lanceur d’alerte passionné. Il y a des jours de déprime, de dégoût, où on veut tout arrêter. C’est arrivé à tous les politiques. On ne veut plus lire la presse, on se dit : « Si les Français veulent ça… Qu’ils se démerdent. » Ça dure combien de temps ? Un jour, quinze jours, trois semaines ? Puis, on voit un journal, une émission. Quelqu’un vous appelle pour vous dire : « Nicolas, secoue-toi, fais quelque chose ! » Tous ces gens qui m’aident, je n’ai pas le droit de les laisser tomber.
Vous avez peur d’arrêter, peur du vide que susciterait en vous la fin de vos mandats ?
C’est la mort.
Vous ne rêvez donc jamais d’autre chose ?
Si, je rêve de voyager. À chaque défaite, je me dis : « Je partirai sac à dos… Je ferai le tour de l’Amérique du Sud. Sac à dos pour être complètement libre. » Avec mon épouse si elle en a envie.
Les vacances parlementaires débutent. Où irez-vous vous ressourcer ?
Joker. Pour vivre heureux, vivons caché.
Crédits photos : Stephane Lemouton / Bestimage
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