9 juillet 2021. Après un conflit de 20 ans avec sa maison de disques, le premier des albums mythiques de MC Solaar, est enfin réédité. Qui sème le vent récolte le tempo ressort 30 ans après. Suivront Prose combat et Paradisiaque. Depuis le début des années 2000, ses fans ne pouvaient plus acheter ces albums devenus des classiques du rap français, ni les écouter sur internet. Et pour l’artiste lui même, mettre la main sur ses propres tubes était impossible : « Ils sont restés indisponibles parce qu’il y a eu une sorte de décision. Ils appartenaient à deux personnes, une partie à moi et une partie au label. Ça n’a pas été exprimé dans un jugement de séparation », commente l’artiste.
Qui sème le vent récolte le tempo est un raz de marée à sa sortie. Cinq millions d’albums vendus, cinq Victoires de la musique. Huit albums studio plus tard, MC Solaar, à 52 ans, reste l’un des pionniers de la musique rap en France. Ce fan d’Orelsan, Nekfeu, Damso, pour ne citer qu’eux, constate, humble et fier à la fois, que ses chroniques intemporelles ont conquis la jeune génération. « Pour les fans un peu plus âgés, j’ai reçu plein de SMS cool et pour les plus jeunes, c’est-à-dire la génération actuelle de faiseurs de rap et même de leurs auditeurs, comme on n’a jamais été sur les plateformes digitales et qu’il n’y avait pas de publicité, ils connaissent pas du tout pour beaucoup. Donc moi, ce qui me fait plaisir, c’est que s’ils le souhaitent, ils pourront écouter les débuts du rap français. Une école un peu un peu différente, alternative pour l’époque, parce que souvent, quand je les croise, ils pensent que j’ai commencé en 2005 ou en 2001. Et ils savent pas qu’il y avait aussi d’autres choses qui étaient différentes, mais pas mal aussi », déclare MC Solaar.
« On a le sentiment d’avoir fait quelques graines qui ont éclos un peu plus tard »
C’était une école qui était « un peu rap jazz » dans cette période-là, explique MC Solaar pour qualifier cette école alternative, « c’est-à-dire qu’on cherchait un cheminement différent. Donc on a beaucoup de gens, génération après génération, qui font du rap jazz ou du rap des années 90. Je crois que 1995 a commencé comme ça. Oxmo Puccino a commencé à continuer dans les choses un peu jazz. Bigflo et Oli pour cette période là, qui sont un peu musiciens entre guillemets et souvent ceux qui me parlent positivement sont ceux qui sont sur des chemins de traverse, qui ne font pas le mainstream. C’est bien. On a le sentiment d’avoir fait quelques graines qui ont éclos un peu plus tard », sourit-il.
« Quand je chante les morceaux que j’ai écrits quand j’avais 20 ans, je les trouve extrêmement actuels. Je ne regrette aucun mot, et quelquefois je suis même surpris de me rendre compte qu’on est en plein dans l’actu. »
à franceinfo
Trente ans après la sortie de ses premiers albums, l’artiste se dit lui-même se dit surpris de constater à quel point, les paroles demeurent pertinentes et font écho à l’actualité : « Je ne voulais pas être éditorialiste, mais je voulais prendre du recul sur les choses avant d’écrire et c’est extrêmement valable aujourd’hui. ‘Quand le soleil devient froid, la concubine de l’hémoglobine’ ou même des morceaux qui avaient l’air un peu rigolos, j’ai pas fait trop de morceaux aspirines, un pschitt et c’est fini. Non, je peux les chanter avec une extrême fierté. C’est moi qui suis étonné de me rendre compte que si on est en 2022 et j’aurais écrit pareil aujourd’hui », note MC Solaar.
MC Solaar, l’observateur
C’est toujours avec la même acuité qu’il regarde la société française. Plusieurs sujets l’interpellent. « Actuellement, c’est la tentative de fragmentation, de discordes au lieu de concordes, le régionalisme ou le communautarisme. » Il précise sa pensée : « C’est gérer les gens, parler des gens par communauté ou par religion ou par couleur. Il est possible qu’à terme, des gens grandissent avec cette image fausse et qu’on crée un pays avec de la tension, voilà ce qui me heurte aujourd’hui, parce que ce n’est pas là la construction laïque française, ce n’est même pas la construction de la France. Il y a des pays qui ont été faits avec des communautés différentes. Mais la France, ça n’a jamais été ça. Et c’est ce qui me fait peur », dit MC Solaar
Le rappeur prépare un un nouvel album. Aujourd’hui ce sont « les réseaux sociaux », les « vendeurs de formation » et « la publicité sur internet » qui l’inspirent. En pleine tournée avec l’orchestre national d’île-de-France dans une configuration big band inédite, il dit vivre « quelque chose de joyeux avec le public » donc il y mettra aussi « une dose de feu, de joie, de feux d’artifice ». Il espère sortir ce nouvel opus avant l’année prochaine.
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