Cyberharcèlement, sexualisation : sur Vinted, des utilisatrices vivent un calvaire

Par souci d’écologie et d’économie, l’heure est à la seconde main, mais dans une société patriarcale, l’heure est aussi à l’harcèlement. « Le maillot est à vendre avec le modèle ? Je peux rajouter un peu plus de sous s’il faut », peut-on lire sur le compte @balancetonvinted.fr, qui publie des captures d’écran de messages à caractère sexuel reçus par des utilisatrices de Vinted.

Sur la plateforme de vente de vêtements et d’objets d’occasions lancée en 2008 à Vilnius (Lituanie), nombreuses sont les femmes qui se heurtent à des réflexions et demandes déplacées, et plus globalement au harcèlement sexuel.

Une situation qui empire

Des textes de ce genre, Anna (le prénom a été modifié), interviewée par Libération dans une enquête publiée le 3 août 2022, en reçoit des dizaines par jour pour alimenter son compte @Balancetonvinted.

Lancé en avril 2021, il recense de multiples « screens », témoignant du harcèlement sexuel que subissent les femmes le plus souvent âgées entre 20 à 35 ans sur la plateforme. Selon la jeune femme, « c’est de pire en pire ».

Elle assure d’ailleurs que signaler les profils problématiques « ne sert pas à grand chose ». Anna constate ainsi : « Certains profils sont bloqués, d’autres non. »

https://www.instagram.com/p/Ce_i6uUDM2s/

D’après la créatrice du compte Instagram, ces hommes ne seraient sur Vinted que dans le but de contacter des filles, et ne suivraient que des profils de femmes.

Récemment, le site s’est ouvert à l’international. Il est donc possible d’acheter et de vendre à des utilisateurs étrangers, en sachant qu’ils représentent 78% des « Vinties » (nom donné aux utilisateurs Vinted). Lucie le ressent et trouve cela « très lourd » : « Depuis un an, je reçois des messages en italien, en espagnol… ». 

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Des photos d’utilisatrices postées sur des sites pornographiques

En juin 2022, L’Oeil du 20 h, émission France 2, a enquêté sur l’harcèlement présent sur Vinted. Plusieurs jeunes femmes racontent ainsi avoir été abordées par des inconnus intéressés pour recevoir des articles de lingerie fraîchement portés.

Certains hommes réclameraient même l’envoi de photos en sous-vêtement pour obtenir gratuitement des clichés sexy. Anaïs, une étudiante de 22 ans explique que certains hommes se partageraient même les photos de plusieurs centaines d’utilisatrices entre eux, tout en commentant leur physique.

Pire encore, des hommes partageraient des photos d’elles sur des sites pornographiques, mais aussi sur des plateformes de jeux vidéo ou le site web communautaire Reddit, détaille Libération. Les administrateurs de ce dernier ont d’ailleurs fermé, il y a deux mois, un groupe de conversation sur lequel étaient publiées des photos de « Vinties » mineures. Mais depuis, de nouveaux groupes ont été créés.

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Fausse identité et rencontres dangereuses

Les auteurs des messages privés partagés par des utilisatrices proviennent le plus souvent d’hommes sous de fausses identités, la plupart se faisant passer pour des femmes.

En 2020 déjà, une jeune femme de 20 ans racontait à Yahoo avoir été victime d’une inquiétante supercherie. Alors qu’elle devait vendre des vêtements en main propre à une femme, du même âge qu’elle, c’est un homme de 50 ans qu’elle a rencontré : « Je pensais vendre mes robes d’été à une certaine Marjorie, qui disait avoir mon âge. (…) Comme nous vivions toutes deux sur Paris, pour éviter les frais de port, on convient d’une remise en main propre. Arrivée sur place, c’est un mec d’une cinquantaine d’années, hyper libidineux, qui m’a abordée. Il m’a d’abord dit qu’il voulait faire un cadeau à sa fille, puis a insisté lourdement pour m’offrir un verre. Il a fini par m’attraper par le bras. Je me suis débattue, et je suis partie en courant. »

La plateforme de revente de vêtements et d’objets d’occasions a été contactée par plusieurs médias, notamment Libération. Un porte-parole a affirmé  au quotidien national que leur priorité « est la sécurité de nos membres sur la plateforme » l’équipe ne tolérant « aucune forme de harcèlement ou de menace ».

Il suggère aussi aux utilisatrices de ne pas envoyer de photos d’elles portant les articles à revendre « si cela leur est demandé au cours d’une conversation privée ». Vinted invite aussi celles dont les photos ont été partagées sur internet sans leur accord à procéder à des signalements auprès des sites concernés. Selon le porte-parole de la plateforme, Vinted les a contactés à plusieurs reprises afin que certains contenus soient retirés.

Interpelé également par Europe 1, Vinted, sans indiquer de chiffres, précise que le nombre de signalements a diminué ces derniers mois… Pour rappel, les auteurs de cyberharcèlement risquent jusqu’à 2 ans de prison et 30 000 euros d’amende.

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