Les vertus de l’ennui : quand ne rien faire est nécessaire

  • L’ennui est un moment transitoire
  • L’ennuie source de créativité
  • Se reconnecter à soi et aux autres

Arme de la paresse, perte de temps ou temps “mort” : l’ennui n’a pas bonne presse. Le mot a presque toujours une connotation négative. Pourtant, ces moments hors du temps sont bons pour notre cerveau, notre santé mentale et notre créativité.

Nathalie Rapoport-Hubschman, médecin psychothérapeuthe et auteure de Apprivoiser l’esprit, guérir le corps (éd. Odile Jacob) nous aide à dresser un petit éloge de l’ennui.

L’ennui est un moment transitoire 

Nous avons tous des souvenirs brumeux d’heures de classe interminables entre déconnexion totale et fuite dans la rêverie. Mais ces moments de flottement ne sont pas forcément à fuir.

L’ennui, c’est pour notre cerveau le moment de ralentir. Pour digérer, “métaboliser” d’après la psychothérapeute, les moments passés, apprivoiser ce qui est en train de se passer et se préparer mentalement à la suite. Un temps “mort” bien vivant, d’après Nathalie Rapoport-Hubschman.

“Nous avons besoin de ces moments transitoires. Attendre un train, un bus, sans forcément aller sur notre portable : ce sont des instants où on débranche, et on recharge nos batteries.” Ces moments sont de plus en plus rares, car les stimulations sont partout, déplore-t-elle : “Nous avons réduit à néant ces espaces de vide”.

Hélène, 26 ans, confirme : “Lorsque je ne me suis pas ennuyée depuis longtemps, je le ressens physiquement et moralement : je suis fatiguée. Quand il arrive que je sois assise sur mon canapé le soir, en me disant ‘mais qu’est-ce que je vais faire ? Je m’ennuie’, ça me fait du bien, ça me détend.”

L’ennuie source de créativité

“Il y a quelque chose de mieux que d’avoir des aventures : c’est d’en inventer”, écrivait Jean D’Ormesson dans Qu’ai-je donc fait ? (éd. Robert Laffont). Si l’oisiveté est mal vue aujourd’hui, il fut un temps où la paresse était l’apanage des princes et des artistes. Et si prendre le temps de flâner, comme les chats de Baudelaire qui se pâment sur les pianos, était tout simplement une source d’inspiration ?

“C’est dans ces instants où notre pensée s’exerce de manière éparse, sans guide, sans direction, que peuvent émerger des moments de grande créativité”, souligne la psychothérapeute. Pour Hélène, passionnée de couture, de dessin et serial autodidacte, l’ennui a été déterminant, dès l’enfance. “Si j’avais très été stimulée, avec plein d’activités extrascolaires, j’aurais sans doute été moins créative et curieuse. Je n’aurai pas eu ce tempérament qui me pousse à découvrir et apprendre par moi-même. Encore aujourd’hui, j’adore m’ennuyer !”

Constructif, l’ennui ? Si c’est pour la bonne cause, on veut bien attendre l’inspiration créatrice…

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Se reconnecter à soi et aux autres

S’ennuyer, c’est aussi prendre le temps de se retrouver face à soi-même, dans sa bulle. Pour certaines personnes, il n’y a rien de plus difficile. “Certains ont besoin de toujours faire quelque chose, et ont plus de difficultés à être dans ‘l’être’ que dans le ‘faire’ », analyse Nathalie Rapoport-Hubschman.

“Si l’on débranche le pilote automatique, on se donne la possibilité de redécouvrir, constate la psychothérapeute. On prend du recul, on se pose des questions sur ce qui est réellement important pour nous.”

Apprivoiser son ennui peut être l’occasion de faire le point, de se redécouvrir… “Si on accepte ces moments, on accepte de revoir des choses très simples de la vie : une fleur, un sourire, un visage. On recrée une connexion à soi, ou avec d’autres personnes.”

Alors, peut-être devrions-nous nous accorder plus souvent ce petit luxe qu’est l’ennui.

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