MC Solaar évoque ses 30 ans de carrière : "'Bouge de là’ nous a fait rencontrer des gens qui étaient comme nous, mais d'ailleurs"

MC Solaar, auteur, compositeur et interprète est un rappeur incontournable et un précurseur : il a été l’un des premiers artistes à populariser le rap en France dès le début des années 90. Avec sa plume, sa voix, son flow et son sourire, le temps ne semble pas avoir de prise sur lui. Il passe cette semaine sur franceinfo et évoque ses plus de 30 ans de carrière.

Depuis son premier album sorti en 1991, Qui sème le vent récolte le tempo, vendu à plus de cinq millions d’exemplaires et récompensé par cinq Victoires de la musique, jusqu’à son huitième album Géopoétique (2017) qui marquait son retour après une dizaine d’années d’absence, MC Solaar voit son public, désormais intergénérationnel, répondre toujours présent.  MC Solaar est, enfin, à la tache puisqu’il prépare un nouvel album dont la sortie est prévue en 2022 ou 2023 et pour nous faire patienter, il se produit, cet été et cet automne, avec le The big band project dans des festivals.  

franceinfo : Au départ, il y avait Claude M’Barali, né au Sénégal, à Dakar en 1969. Vos parents étaient Tchadiens, votre père, traducteur, et votre mère infirmière. Une famille qui a beaucoup souffert de la situation au Tchad. Le but, en quittant le pays, était de pouvoir se protéger. Vous êtes arrivés en France, vous installant d’abord à Saint-Denis, puis à Maisons-Alfort et Villeneuve-Saint-Georges. C’était une enfance placée sous le signe du déménagement ?

MC Solaar : C’est ça. Ça m’a fait connaître au moins une triangulation dans la banlieue parisienne. Ça fait du bien parce que je me sens chez moi partout dans cette banlieue parisienne.

Cette histoire, on la retrouve d’ailleurs dans le titre Bouge de là, vous rappez : « Tout a commencé là-bas, dans la ville qu’on appelle Maisons-Alfort« . Vous avez dû résister, ou pas, pour ne pas céder ?

Oui, il a fallu peut-être résister. C’est le fait de sortir. A l’âge de douze ans, je suis allé faire l’école en Egypte, au Caire, et donc je suis sorti. Et je trouve que c’est une chance extraordinaire.

Au lycée français, au Caire, vous allez apprendre pas mal de choses, une rigueur. Vous allez y passer le baccalauréat. Les mots ont toujours fait partie de votre vie. Est-ce que, justement, ça n’a pas été cette bulle nécessaire à l’épanouissement ?

Ça a été vraiment très utile. La première fois que j’ai eu un rapport avec les mots, c’est en allant à la bibliothèque de Villeneuve-Saint-Georges pour faire un devoir. Tu prends la documentation et puis, tu vois qu’il y a plein d’autres livres, donc tu choisis ce qui t’intéresse.

Aller à la bibliothèque m’a, sûrement, beaucoup aidé à prendre un chemin un tout petit peu différent, à aborder les choses de façon différente.

à franceinfo

Vous allez partir à la fac de Jussieu et vous y étudiez les langues et la philosophie. Il y a une sorte de quête dans tout ce parcours.

Ouais. On a eu un prof qui nous disait : « Si vous voulez trois heures de plus, on peut le faire tel jour« . Donc j’y allais. Et c’était savoir lire un texte et puis travailler une argumentation, c’est ça qu’on aimait bien. Parfois, il nous faisait faire des combats, c’était la période où il y avait la guerre de la philosophie avec Martin Heidegger pour, contre et tout ça. Et dans notre lycée, on a fait ça comme des joutes de troubadours et c’était super.

Dès vos premiers textes, vous allez avoir envie de vous créer ce qu’on appelle aujourd’hui un blase, un surnom, ça va être MC Solaar. Il y a un côté solaire, c’est ça que vous cherchiez à travers ce nom-là ?

Je ne sais pas comment il est arrivé. C’étaient les lettres que j’arrivais à taguer : ‘SOLAAR’. Ce nom a dû me donner la liberté de faire les choses que je voulais. Si j’avais pris un nom, ‘Rohff Boy’ ou bien ‘Cash’, je n’aurais pas eu cette liberté, à cause de mon nom, d’écrire Bouge de là, Caroline, Victime de la mode parce que le nom aurait été très puissant, très rappeur, et donc je n’aurais pas eu la liberté de faire des choses totalement farfelues ou différentes. Comme il est neutre et va plutôt vers quelque chose de positif, ça m’a sauvé.

Chaque matin, pendant très longtemps, vous avez été chercher les journaux. Vous avez eu besoin de lire tout ce qui sortait, même les magazines. Est-ce que ce ne sont pas les clés qui vous ont permis d’avoir cette écriture ciselée ?

Quand j’ai commencé à travailler, j’achetais un journal, puis deux, puis trois. Puis à la Bibliothèque publique d’information, il y avait tous les journaux de France. Je lisais tout. Alors, à quoi ça a servi ? Eh bien, c’est que sans le vouloir, quand j’écrivais, il y avait de l’actualité dedans, il y avait un point de vue.

Je n’aurais jamais eu cette écriture si je n’avais pas été au courant de ce qui se passait dans le monde grâce aux journaux.

à franceinfo

En 1990, il y a Bouge de là qui va sortir. Ça va être vraiment, rapidement, un titre qui va être sur toutes les lèvres. Je parle des enfants, des ados, les adultes. Racontez-moi la naissance de ce titre devenu culte.

On sait, qu’une semaine après, on doit aller dans une radio. Alors, on se réunit au huitième étage chez quelqu’un, puis on prend des stylos et on essaye d’écrire des rap. Moi, j’écris : « Tout a commencé« . J’ai fait plusieurs couplets. Comme on était entre potes, qu’on n’avait rien à se prouver, que c’était un truc humoristique, qui est un peu sur notre chemin habituel, on part de machin, on va à Maisons-Alfort, ensuite à la gare de Lyon, à Barbès. Et là, on met une musique dessus. Quand les gens l’ont écoutée, c’était un slogan.

Cette chanson change votre vie ?

Ah oui, oui. La première fois que je l’ai entendue, on était allé acheter des boissons dans une station-service. On était allés à pied, on avait marché pendant à peu près 17 minutes, il était un peu tard. Et là, il y a quelqu’un en voiture et on entend : Bouge de là et on se regarde tous. Qu’est-ce que ça a changé ? Ça m’a fait découvrir un petit peu plus loin. On est allé à Marseille, super étonnés, incroyable : « IAM, ils ont l’accent« , on n’y croit pas. Bouge de là, nous a fait rencontrer des gens qui étaient comme nous, mais d’ailleurs.

MC Solaar est actuellement en tournée, il sera  le  29 juillet : Festival Grandes Marées à Jullouville, le 12 août au Festival Fête du Bruit dans Landerneau à Landerneau, le 11 septembre : Festival Foire en scène de Châlons-en-Champagne ou encore les 25 et 26 octobre à la Philharmonie de Paris.  

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