Avez-vous déjà cédé à la tendance rave ?

En août, le collectif libertaire POSSESSION fera danser pendant deux jours les fans de rave et de techno dans le parc des expositions du Bourget.

Partout en France, les festivals et les soirées clandestines s’apprêtent à célébrer l’été comme jamais. Depuis la levée des restrictions sanitaires, en février dernier, le monde de la fête revient donc à la vie.

Une vie comme une rave party ? « Depuis la réouverture des soirées techno, la musique est beaucoup plus rapide et presque pop, mélodique », explique Jean-Yves Leloup, journaliste et commissaire de l’exposition Electro. De Kraftwerk à Daft Punk » qui s’est tenue à la Philharmonie de Paris en 2019.

Il ajoute : « On sent une candeur et une intensité très forte avec des rythmes pouvant aller jusqu’à 150 ou 200 bpm, comme s’il fallait brûler ses dernières parcelles de calories. Ça me rappelle l’énergie des raves des années 90 ».

Et la mode n’est pas la dernière à s’étourdir dans la musique et la danse. Conçues pendant la pandémie, les collections du printemps-été 2022 ont troqué les podiums contre les dance floors en plein air pour faire souffler sur nos garde-robes un vent d’hédonisme, de liberté.

À Londres, Riccardo Tisci faisait ainsi défiler et danser les mannequins de Burberry homme au son de la trance music dans un décor de dunes et de sound system au bord de la Tamise.

À Paris, Nicolas Di Felice choisissait pour Courrèges le bois de Vincennes, haut lieu des free parties, pour sa collection dédiée à une cyber-raveuse.

La saison dernière, c’est Miuccia Prada et Raf Simons qui avaient invité la star de la musique électronique Richie Hawtin, alias Plastikman, à composer la bande-son de leur show digital où des créatures en combinaison à motifs psychédéliques, boots compensées et regards hagards se trémoussaient dans le noir.

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Les symboles de la culture rave sur les podiums de mode

À l’heure où le smiley fétiche béat de l’acid-house, fête son demi-siècle, la mode n’en finit pas de raver. Mais pourquoi tant d’amour ?

« En termes de style, j’aime ce que le mot “rave” signifie depuis trente ans : un sentiment de frénésie et le désir que cela ne s’arrête jamais », explique Marianna Rosati, la créatrice de DROMe, qui s’est inspirée cette saison des silhouettes du clubbing des années 90. »Ce qui prévaut en cette période post-pandémie, c’est le besoin de trouver une nouvelle forme de liberté, une manière rebelle de nous exprimer. Et c’est la raison pour laquelle la culture rave s’est imposée comme l’une des sous-cultures les plus fortes, liée à ce désir de faire la fête malgré tout ».

Cet esprit de résistance hédoniste est d’ailleurs inscrit dans son ADN. Car, quand l’acid-house des DJ de Detroit et de Chicago débarque en Angleterre – via Ibiza – à la fin des années 80, le pays, alors dirigé par Margaret Thatcher, est en pleine crise sur fond de désindustrialisation et de chômage.

Dansante, entêtante, joyeuse, cette musique séduit la jeunesse désenchantée et devient un acte de contestation politique, déportant sa frénésie, décuplée par l’ecstasy, dans des lieux alternatifs – usines désaffectées, champs en rase campagne – où chacun·e peut s’exprimer librement. Les rave parties sont nées.

« Dans les années 90, le mouvement va d’un côté se professionnaliser dans des clubs et, de l’autre, donner naissance aux free parties qui vont essaimer en France et en Espagne, poursuit Jean-Yves Leloup. Aujourd’hui, cette idée de fête clandestine résiste mais elle s’est beaucoup disséminée dans la culture populaire ».

Notamment pendant les confinements où toute fête devenait, à l’image des free parties, interdite. Les Anglais ne se sont pas privés de railler la party illégale organisée le soir de Noël 2021 par Boris Johnson en la surnommant 10 Downing Street rave.

En France, des rassemblements festifs de Lieuron pour le réveillon à celui de Redon en Bretagne, le mouvement aura fait les gros titres de la presse.

Symbole de l’égoïsme de la jeunesse pour les uns, acte de résistance hédoniste et anarchiste pour les autres, il n’aura cessé de diviser, et de fasciner.

« La pandémie a décuplé les envies de rattraper le temps perdu. Aujourd’hui, tout le monde a envie d’intensité, d’émotions très fortes, de partage, d’amour », nous expliquait en juillet 2021 DJ Roni, dont le label Nehza Records explore la rave des années 90. « C’est un peu comme si on revivait le second Summer of Love (ces étés 1988 et 1989 où sont apparus l’acid-house et le mouvement rave au Royaume-Uni, ndlr) ! »

L’été 2022 sera-t-il donc sauvage et débridé ? C’est en tout cas ce que prédit TikTok. Sur le réseau social, le hasthag #feralgirlsum-mer (littéralement « l’été de la fille sauvage ») a déjà cumulé près de quatre millions de vues.

L’idée ? Remplacer les boissons vertes healthy par du Red Bull, le minimalisme bon ton par une garde-robe maximaliste, et la retenue par un hédonisme bling. « Le vêtement est un moyen très fort de communiquer avec les autres, de transmettre cette joie de vivre, cette liberté retrouvée, poursuit DJ Roni. Dans les soirées, on voit beaucoup de peau, de couleurs vives, de make-up et une manière de s’habiller qui dit beaucoup sur l’acceptation des corps dans toute leur diversité, sur la fluidité entre les genres ».

Car si l’esprit des raves fascine, c’est aussi parce qu’il n’a jamais cessé de brouiller les normes sociales et sexuelles, dans un esprit de tolérance inégalé. À côté des vêtements oversized et fonctionnels, façon treillis en cuir ou multi-poche, les combinaisons moulantes, les tops ajourés et les hauts de bikini de l’été célèbrent un corps libéré et une allure ostensiblement sexy. 

« Le style rave est intense, il attire l’atten-tion, explique Daniel Benkendorf, pro-fesseur en sciences sociales au Fashion Institute of Technology (FIT). Notamment avec les couleurs phosphorescentes qui cassent les codes du bon goût bourgeois. Les créateurs trouvent dans cette contre-culture qui prône la transe euphorique l’opportunité de s’évader d’une réalité qui paraît aujourd’hui bien dystopique. Dans la mode, les périodes d’excès ont toujours suivi les moments de crise et d’austérité ».

Rose, vert, bleu, jaune… Les teintes acides sont partout : de David Koma à Versace en passant par Balenciaga (et sa capsule vert fluo imaginée pour le groupe de musique Acid Arab) ou encore Marshall Columbia, nouvelle coqueluche new-yorkaise de ce style qu’on croirait sorti de chez Cyberdog, le temple de la mode rave avec sa boutique-club de Camden, à Londres.

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Tendance rave, un retour à la mode des années 90

DES COULEURS, DONC, AUX MOTIFS GRAPHIQUES, en passant par les lumières et le son immersif, tout dans la fête vibre à l’unisson d’une extase sensorielle, souvent renforcée par la prise de substances.

La mode de l’été nous laisse en la matière l’embarras du choix avec des imprimés géométriques façon op art (Paco Rabanne) ou vagues ondulantes (DROMe) qui rappellent les mesh Cyber Dot et Cyber Baba de Jean Paul Gaultier dans les années 90.

Les vêtements (et les accessoires) de la saison ont des pouvoirs hallucinogènes. Roi des substances psychotropes naturelles, le champignon est à la fête chez Brandon Maxwell et surtout chez Stella McCartney, qui s’extasie sur ses vertus : il s’utilise sur ses sacs en cuir vegan, soigne aussi dépression et stress, et offre une vision transcendantale du monde.

Dans sa campagne shootée par Mert & Marcus, Natalia Vodianova semble d’ailleurs en éprouver les effets.

« Il suffit de regarder les photos colorées de la grande époque : les statements vestimentaires des ravers sont forts, et ils vont nourrir l’obsession de la mode pour la culture jeune et celle de la rue », commence Jean-Yves Leloup, « On y voit de grands sourires, des regards éblouis par le désir, des corps mus par la danse et un esprit de communion touchant qui se tisse grâce à la musique ».

Une expression du bonheur et de la jeunesse qui n’a pas changé et nous donne terriblement envie de raver cet été. 

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