“Avant j’étais une machine de guerre. Aujourd’hui je suis prisonnier de mon corps”. Pour certain.e.s, la contamination au SARS-Cov-2 remonte à des mois, voire des années. Pourtant, un Covid long continue de leur gâcher la vie. Jusqu’à devenir invalidant, comme c’est le cas pour Matthieu Lestage, ancien sergent instructeur de l’armée de Terre, qui nous raconte son errance.
« Je ne peux plus courir, ni sauter. Je dois me balader en fauteuil roulant », partage-t-il. Lorsqu’il conte son récit, sa voix est chancelante. “Depuis mon infection au Covid-19 en octobre 2020, je tremble 24h sur 24”. L’ancien militaire dit aussi souffrir de soucis d’élocution, de concentration, et d’une fatigue chronique extrême. “Il m’est arrivé de dormir 18 à 20 heures par jour”, avoue-t-il.
Aujourd’hui porte-parole du collectif “ApresJ20”, qui soutient les victimes de Covid long face à l’errance médicale, Matthieu Lestage milite pour une reconnaissance de la maladie et un recensement des malades. Mais en parallèle, il mène un autre combat : communiquer, afin que les patient.es puissent être accompagné.es, faute de traitement curatif. Le tout, sans se laisser tomber aux mains de pseudos spécialistes “malveillants”.
Car si aucun médicament n’existe encore pour soigner cette forme chronique et persistante du Covid-19, les entreprises et spécialistes non-conventionnels, eux, y voient un marché fructifiant. Et leurs promesses de guérison sont alléchantes.
Le Dr Jérôme Larché, médecin interniste et référent pour le réseau de prise en charge du Covid long en Occitanie, prévient, il est absolument nécessaire pour les patient.e.s de garder leur lucidité face aux médecines douces, qui peuvent s’avérer “bien plus délétères que bénéfiques sur le long terme”.
La médecine douce pour soulager les symptômes du Covid long
Reconnu par la Haute Autorité de Santé (HAS) depuis février 2021, en les termes de “symptômes prolongés suite à une Covid-19”, le Covid long est désormais connu du plus grand nombre.
Mais on n’en sait encore peu sur cette pathologie, tant sa symptomatologie est variable. Parmi les plus documentés figurent la fatigue chronique, la toux sèche persistante, l’essoufflement au moindre effort ou encore les problèmes cutanés, oculaires, digestifs et menstruels. Des troubles d’ordre neurologiques ont aussi été notés chez certains malades qui décrivent un “brouillard cérébral”, des troubles du sommeil, et une perte prolongée du goût et de l’odorat.
Des symptômes qui sont handicapants au quotidien et qui poussent certain.es malades à trouver des alternatives, en l’attente du développement d’un traitement curatif. Beaucoup se dirigent alors vers les médecines douces, pour soulager les maux de leur Covid long. On parle bien ici d’atténuer les symptômes et non pas de les guérir, car la médecine douce n’est pas curative, bien que certain.es aiment à faire croire qu’ils peuvent vous offrir une rémission complète.
Voilà pourquoi il est important de tirer le vrai du faux, afin de différencier l’utilisation des plantes, de l’ostéopathie ou de l’acupuncture – dont les effets sont reconnues – d’autres propositions moins fondées, comme celles des magnétiseurs ou des coupeurs de feu.
L’aromathérapie pour retrouver l’odorat
Les bienfaits de l’aromathérapie sont reconnus par le plus grand nombre. Face aux symptômes persistants d’une infection au Covid, certaines peuvent également aider.
Dans une fiche rapport publiée dès février 2021, la Haute Autorité de Santé (HAS), inclut l’utilisation des huiles essentielles dans le processus de rééducation olfactif. L’institution recommande notamment celle de citron, de lavande et de rose pour contrer l’anosmie.
Cependant, elles ne sont pas exclusives à cet exercice.
Selon le blog du pharmacien.fr, la Société française d’otorhinolaryngologie (ORL) et de la chirurgie de la face et du cou s’était penchée dès mars 2020 sur l’utilisation « d’odeurs fortes pour retrouver l’odorat ». « Les chercheurs avaient ainsi proposé aux patients touchés, de pratiquer des exercices de rééducation en utilisant la vanille, le café, l’aneth, le thym, la cannelle, le clou de girofle, la lavande, la coriandre, la menthe et le cumin, ainsi que du vinaigre léger (de moindre acidité). Ce protocole a pu aider précocement des patients, à un moment où la conduite à tenir n’était pas bien connue », explique l’écrit.
Des alternatives qui sont importantes à noter, quand on sait que les huiles essentielles sont contre-indiquées selon certains profils. Beaucoup sont ainsi interdites aux enfants et aux femmes enceintes et allaitantes, mais certaines sont aussi déconseillées face à certaines pathologies. Dans tous les cas, avant toute utilisation, il reste primordial de consulter l’avis d’un professionnel de santé et d’un expert en aromathérapie. Les posologies et les modes d’administration différend selon les maux à traiter.
Tremblements, digestion, douleurs musculaires : l’acupuncture et l’ostéopathie comme aide ponctuelle
Pour contrer certains maux du corps handicapants au quotidien, des thérapies douces peuvent également venir soulager ceux qui en souffrent.
Matthieu Lestage, dit avoir pu réduire ses tremblements grâce à l’acupuncture et l’homéopathie. “La prise de magnésium a permis de les diminuer, et l’acupuncture m’apaise réellement”, indique le porte-parole d’AprèsJ20. S’il n’existe pas encore de consensus concernant ces bienfaits, plusieurs praticiens évoquent l’effet salvateur de cette médecine chinoise – notamment conseillée dans le soulagement des céphalés – également sur répercussions du Covid sur le système digestif.
« L’acupuncture, qui a massivement été utilisée par les hôpitaux en Chine pour accompagner le traitement du coronavirus, est aussi recommandée pour aider à soulager les symptômes du Covid long (on rééquilibre estomac, rein, rate, foie et vésicule biliaire) », explicite Dr. Nguyen Phuong Vinh sur son site. “Il ne s’agit pas de mettre toutes les médecines alternatives dans le même sac. L’acupuncture, par exemple, est étudiée en faculté de médecine”, confirme, de son côté, Dr Jérôme Larché.
Le porte-parole d’AprèsJ20 indique également consulter un ostéopathe tous les mois pour se “décoincer les omoplates” et soulager ses douleurs musculaires. Concernant cette pratique non conventionnelle, qui met à profit des techniques de manipulation de l’ensemble du corps visant à rétablir l’équilibre corporel, le médecin ne met pas non plus son veto. “Il faut rester prudent, car l’ostéopathe ne peut pas prescrire d’imagerie médicale, contrairement au kinésithérapeute”.
« L’ostéopathie a parfaitement sa place dans la prise en charge de douleur thoracique, et de gêne respiratoire (une fois toute pathologie médicale éliminée). L’ostéopathe permet d’agir sur les différentes tensions de la cage thoracique, au niveau musculaire, articulaire notamment », rapporte Nicolas Guitton, naturopathe, sur son site.
Certains personnes évoquent aussi les bienfaits de séances d’hypnose, de méditation et de yoga, contre les maux musculaires et digestifs.
Naturothérapie et phytothérapie, renforcer son système immunitaire par les plantes
Au travers des échanges entre les malades, on voit aussi apparaître plusieurs fois les noms de praticien.nes en naturopathie. Cette médecine dite « holistique » est reconnue par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) comme médecine traditionnelle. Elle prétend maintenir ou rétablir la santé par des moyens naturels. C’est ce qu’on appelle le “vitalisme”, à savoir le pouvoir de guérison de la nature.
Sabine Monnoyeur est naturopathe à Paris. Elle soutient avoir été témoin “à plusieurs reprises” d’améliorations de la santé de ces patient.e.s souffrants de Covid long. “(…) tant par son approche globale, non invasive et naturelle, où il est question avant tout de renforcer le terrain, le résultat le plus probant et le plus rapide est le regain d’énergie et le retour de la vitalité”.
Et pour y arriver, les techniques semblent très simples. “Nous allons prendre le temps d’échanger avec la personne sur ses habitudes de vie, son passé, ses éventuels médications. Puis, nous allons travailler sur le terrain de façon à remonter les énergies, renforcer le système immunitaire et en fonction des besoins, rééquilibrer l’organisme”, détaille la naturopathe.
Ce qui peut notamment passer par la mise en place d’une “alimentation nutritive et revitalisante”, l’utilisation de la “phytothérapie et/ou aromathérapie pour relancer l’organisme, l’apaisement des angoisses grâce à des plantes comme le griffonia, la rhodiole ou le safran ou encore le travail du souffle à travers des exercices de respiration”, argue l’experte.
Pour Sabine Monnoyeur, la tache la plus le renforcement du système immunitaire en profondeur. “(…) il faut compter 3 mois pour bien rééquilibrer l’organisme de façon sérieuse et venir à bout des troubles”, assure-t-elle.
Mais avant de se tourner vers cette médecine holistique, réferez-vous à votre médecin traitement, qui connaît vos pathologies et qui vous indiquera ou contre-indiquera cette voie, pour éviter toutes interférences de traitement.
Faire de la pédagogie, sans stigmatiser
Mais en complément de l’utilisation des médecines douces pour soulager ces maux, Matthieu Lestage et le Dr Jérôme Larché vont de concert : il s’agit, pour les soignants, de renforcer leur écoute. “Pour faire les bons traitements, il faut faire les bons diagnostics”, rappelle le médecin.
L’ancien sergent instructeur n’en veut pas aux praticien.ne.s qui l’ont renvoyé sans lui fournir de solution. “La médecine est perdue face à cette maladie. Nous, les malades, avançons main dans la main avec les soignant.e.s”, affirme-t-il, sans rancune.
Dr Larché appelle de son côté à ne pas stigmatiser ces personnes qui, en désespoir de cause, se tournent vers des pratiques parfois douteuses. “Il faut entendre les patients qui cherchent des solutions, les mettre en garde et ne pas les diaboliser. Il ne s’agit pas d’interdire, mais d’être pédagogue”. D’autant plus que certaines pratiques énoncées plus hauts semblent être aidante (quand elles sont bien encadrées).
Selon lui, le champ de recherche est encore large concernant les traitements du Covid long, mais il invite les malades à se tourner vers ce qui existe déjà. “On peut notamment proposer aux patient.e.s de la rééducation olfactive, cardio-respiratoire ou neuro-cognitive”, explique le médecin.
Pour soulager les symptômes musculo-squelettiques, les malades peuvent aussi se voir prescrire des anti-douleurs (antalgiques ou anti-inflammatoires non stéroïdiens), mais aussi des traitement contre les troubles digestifs, les troubles anxieux ou la tachycardie. Un accompagnement psychologique peut aussi aider.
Une défiance de la médecine conventionnelle parfois pernicieuse
Parce que Dr Jérôme Larché, persiste et signe : c’est le manque d’empathie et d’écoute subi par les malades, qui les poussent à se tourner vers des médecines dites alternatives, n’ayant parfois aucun fondement scientifique.
“Il y a un contexte qui favorise cette frustration envers les médecines conventionnelles. Déjà, parce qu’il n’existe pas de traitement validé, que c’est difficile à diagnostiquer mais aussi car ces personnes se trouvent dans des situations de souffrance physique et mentale. C’est un incubateur de crédulité.”
Pour lui, à quelques exceptions près, il n’existe aucune médecine douce qui puisse véritablement soulager les symptômes du Covid long.
Le business florissant des thérapies “douces” contre le Covid long
Et c’est ce manque de traitement dédié à la guérison du Covid long qui fait les choux gras de nombreux pseudos-spécialistes, surfant sans vergogne sur l’errance de ces patient.e.s. Depuis que les premiers malades ont évoqué leur mal, on voit fleurir moultes thérapies, thalasso et autres techniques de relaxation visant à soulager les symptômes de cette pathologie, voire parfois à la guérir, pour les plus ambitieux.
Sur les réseaux sociaux, il est fréquent de constater des échanges entre les malades, se partageant mutuellement des adresses de “sauveurs” et “sauveuses”, dits “Covid long friendly”. Parmi ces messages, on voit défiler ostéopathes, homéopathes, magnétiseurs ou encore chiropracteurs. Depuis quelques mois, des séjours en cures thermales “spécialisées en Covid long” voient aussi le jour. Souvent démuni.e.s, difficile pour ces malades de faire le tri entre ce qui peut véritablement les aider, et ce qui n’a aucune valeur, sinon son prix.
Matthieu Lestage, qui se dit “très cartésien”, a parfois dû refuser certaines propositions peu orthodoxes. “Un jour, on m’a contacté pour m’expliquer que je pourrai guérir en mettant mes pieds dans le plâtre”, partage-t-il.
“Souvent, l’objectif de ces personnes est bien plus marketing que véritablement bienveillant envers les malades”, argue le Dr Jérôme Larché. “Il faut absolument rester prudent, car c’est souvent sans aucune évaluation scientifique”, alerte le spécialiste.
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