Enquête pour proxénétisme et complicité de viol : le propriétaire du site "Jacquie et Michel" et son épouse en garde à vue

Mardi 14 juin 2022, cinq personnes ont été placées en garde à vue à Paris dans le cadre d’une affaire dénonçant les dérives du porno amateur. Le propriétaire du site pornographique Jacquie et Michel et son épouse sont en garde à vue pour « des faits supposés de proxénétisme, complicité de viol et complicité d’agressions sexuelles entre 2009 et 2015« , rapporte 20 Minutes via l’AFP.

Trois autres personnes restées anonymes ont elles aussi été arrêtées. Selon le Huffington Post, il s’agirait de trois hommes, trois « acteurs » en garde à vue pour viols aggravés ou en réunion, traite des êtres humains ou encore proxénétisme.

Ces arrestations surviennent deux ans après l’enquête lancée contre le site pornographique Jacquie et Michel.

Le 10 juillet 2020, après que deux actrices aient affirmé avoir été victimes d’actes sexuels non-consentis, et la mobilisation de trois associations féministes, le parquet de Paris avait été saisie pour ouvrir une enquête.

« Un grand jour pour toutes les femmes victimes »

La garde à vue de ces cinq personnes a été félicitée par Lorraine Questiaux, avocate des trois associations à l’origine du signalement et de quatre femmes victimes. « C’est un grand jour pour toutes les femmes victimes. La fin de l’impunité pour l’industrie criminelle pornographique« , a-t-elle confiée.

Une prise de parole diffusée sur RTL dans laquelle l’avocate souligne l’importance de cette décision : « Il reste encore beaucoup à faire, mais c’est une nouvelle étape importante qui place la dignité humaine et la lutte contre l’exploitation sexuelle au cœur des priorités en matière de politique pénale ».

L’impunité des pornocriminels se fissure et la justice écoute, enfin, les victimes.

L’association Osez le féminisme ! s’est aussi réjouie de cette nouvelle étape judiciaire dans un communiqué publié sur leur site le 14 juin : « L’impunité des pornocriminels se fissure et la justice écoute, enfin, les victimes. C’est toute l’industrie pornographique qui est dorénavant face à la justice : acteurs, rabatteurs, producteurs, réalisateurs, diffuseurs constituent un véritable système proxénète et criminel ».

L’association en a profité pour dénoncer le « mensonge » autour de l’appellation « porno amateur ». « Seul existe un système de proxénétisme organisé. Les pénétrations sexuelles obtenues sous contrainte, les violences sexuelles et les actes de torture infligés, les manipulations commises contre des femmes rabattues et piégées, les diffusions incontrôlées des vidéos sont la norme de cette industrie criminelle », dénonce Osez le féminisme !.

De son côté, l’avocat de Michel Piron, propriétaire du site Jacquie et Michel, affirme que son client « a toujours sollicité à être entendu par les enquêteurs et à répondre ouvertement à leurs questions ».

« Il s’est toujours dit du côté des victimes si des actrices ont subi des actes de violences sexuelles qu’il ignorait parfaitement », affirme Me Nicolas Cellupica, cité par Le Monde.

Nikita Bellucci dénonce « des prédateurs » 

La garde à vue de ces cinq personnes a suscité de nouvelles réactions dans l’industrie du porno. L’actrice Nikita Bellucci a dénoncé les pratiques du site ce 14 juin, sur BFMTV.

« J’ai travaillé pour Jacquie et Michel en 2012. Le caméraman est d’ailleurs en prison dans le cadre de l’affaire French Bukkake [quatre personnes ont été mises en examen dont le gérant du site French Bukkake, NDLR]. Ce fameux caméraman, en marge d’un salon, a servi de l’alcool, et une fois que tout le monde était un peu éméché, a allumé la caméra. En plein milieu de cette scène, le réalisateur a réalisé un acte sexuel sur moi. »

Sous couvert d’amateur, on se permet de faire n’importe quoi.

Sur le plateau télé, Nikita Bellucci défend un modèle de porno dit « éthique », soit « en fait un porno normal, où on prend soin des gens ». Ce qui n’est pas le cas chez Jacquie et Michel selon elle.

« Ils ont inventé un modèle de production avec des scènes achetées à bas prix. […] Avec ce genre de tarifs, forcément il va y avoir des dérives. Ils vont donner tout ça à des sous-mains, des petits réalisateurs, qui sont tout simplement des prédateurs », dénonce Nikita Bellucci. 

Un avis partagé par Liza Del Sierra, réalisatrice et ancienne actrice X. Toujours sur BFMTV, elle explique : « Bien sûr il y a un problème. Sous couvert d’amateur, on se permet de faire n’importe quoi alors qu’il y a du profit. Et s’il y a du profit, on n’est plus un amateur ».

Des témoignages accablants en 2020

Cette enquête sur les dessous du monde porno prend racine il y a deux ans.

En février 2020, deux actrices dénonçaient auprès de Konbini les dérives de la société de production avec laquelle elles travaillaient. Elles y affirmaient avoir subi des actes sexuels imposés, auxquels elles n’avaient pas consenti, par plus de partenaires que prévu.

Les deux actrices avaient aussi confié les difficultés à faire retirer ces vidéos de la plateforme.

Quelques mois plus tard, une autre actrice témoigne auprès de 20 Minutes de ces pratiques forcées : « Ils m’ont salie. Je suis passée pour une grosse salope. Chacun à leur tour… Ils m’ont imposé des… des trucs que je ne voulais pas. Ils m’ont dit : ‘Même si tu n’aimes pas ça, fais semblant de prendre du plaisir !’ C’était juste horrible ».

Face à ces témoignages, les associations Osez le féminisme !, Les effronté·es et le Mouvement du Nid avaient fait un signalement au parquet. L’enquête avait ensuite été confiée à la police judiciaire parisienne. 

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