- Il y a un quart de siècle, la reine d’Angleterre passait après la mort de Lady Diana pour une femme insensible.
- Alors qu’Elisabeth célèbre son jubilé, elle n’a jamais été aussi populaire.
- La série Netflix The Crown a-t-elle participé à ce regain de popularité ?
Du faste, des scandales, du glamour et des larmes ! Depuis 2016, The Crown met somptueusement en scène sur Netflix les aléas de la vie et de l’Histoire du règne d’Elisabeth II. Lors de son « annus horribilis », il y a un quart de siècle, la reine d’Angleterre passait après la mort de Lady Diana pour une femme insensible. Après sept décennies à la tête du Royaume-Uni, la monarque de 96 ans, devenue l’héroïne d’une série culte suivie par 73 millions de foyers dans le monde, n’a jamais été aussi populaire, avec 81 % d’opinion positive au Royaume-Uni, selon YouGov. Et ce, malgré deux crises récentes : l’interview du Prince Harry et de Meghan Markle, les accusations d’agressions sexuell à l’encontre du prince Andrew.
Alors qu’elle célèbre son jubilé de platine ce jeudi, Elisabeth II est la 3e femme la plus admirée au monde, selon YouGov. Si les opinions favorables des Britanniques sont au beau fixe depuis le lancement de la saga royale, quatre saisons (six à l’horizon), une flopée d’Emmys et deux scandales royaux plus tard, la série Netflix a consolidé sa position de figure de proue et l’a rendue plus sympathique. Voici comment The Crown a ravivé notre amour pour la reine d’Angleterre.
Elisabeth II, star incontestée de la télévision
Qu’est-ce qui a poussé le scénariste Peter Morgan à faire de Sa Majesté une héroïne de télévision, après avoir signé le scénario du film de Stephen Frears en 2006, The Queen ? Les noces entre Elisabeth II et la télévision ne datent pas d’hier, rappelle Stéphane Bern lors de la conférence « La royauté en séries : fantasme ou réalité ? » qu’il a tenu lors de la dernière édition de Séries Mania. « N’oubliez jamais une chose, c’est que les gens ont acheté la télévision pour regarder le couronnement de la reine Elisabeth II en 1953. Ce fut le début de la télévision ».
L’expert royal estime qu’« on a besoin de s’évader, de rêver au travers des figures emblématiques, des personnes de chair et de sang, qui à la fois nous ressemble et nous entraîne dans un ailleurs un peu onirique ». Si The Crown est une série captivante c’est parce que « les familles royales, ce sont des hommes et des femmes comme nous, placées par l’histoire sur un piédestal. Ils vivent la même vie que nous, mais eux, en pleine lumière, avec toute la problématique de la notoriété. »
Elisabeth II, une vie fantasmée dans « The Crown »
Depuis la première saison, The Crown brouille les frontières entre réalité et fiction. « Près de soixante-dix années de règne sont racontées dans The Crown, la série la plus chère jamais produite par Netflix. Racontées, mais aussi fantasmées », écrivent Corentin Lamy, Joffrey Ricome et Pierre Trouvé, les auteurs de The Crown, le vrai du faux : La série culte décryptée (Grund). La série prend des libertés avec les chronologies, embellit les incidents et imagine les conversations privées.
Pour Peter Morgan, le créateur du show, l’objectif a toujours été l’authenticité émotionnelle. « Les Anglais ont pris la série comme la vérité historique. La psychologie est superbement bien analysée, les personnages sont là. En revanche, les faits sont faux », résume Stéphane Bern.
« Certains ont ergoté sur l’exactitude des événements, mais l’important, c’est d’être fidèle à l’esprit du peuple et de l’institution », expliquait Robert Lacey, consultant historique de The Crown, dans les colonnes de Vogue en 2020.
Elisabeth II, la figure sacrificielle de « The Crown »
The Crown présente Elisabeth Windsor comme une jeune épouse et mère de 25 ans, qui se dévoue corps et âme à la couronne à la suite du décès de son père, George VI le 6 février 1952. « Ce qui plaît dans la monarchie britannique, c’est que ce sont des figures sacrificielles », estime Stéphane Bern.
Elisabeth II sacrifie son sens de soi pour mieux servir l’unité et la pérennité de son royaume. Dans la série, la reine apparaît comme celle qui assume les responsabilités qui incombent à la fonction, même si cela signifie prendre des décisions difficiles et s’aliéner les personnes qui comptent le plus pour elle.
« Pendant une génération environ, il était de bon ton de se moquer de la monarchie, mais Peter a montré qu’elle devait être prise au sérieux, souligne Robert Lacey. Le respect accru que les gens éprouvent à leur égard vient d’une nouvelle compréhension de la difficulté de ce travail. »
En saison 1, une scène « totalement imaginaire » montre le duc de Windsor en train de regarder le couronnement d’Elisabeth II à son domicile. « Un invité américain se moque, le duc lui fait la leçon. Je n’ai jamais rien vu qui explique autant à quoi sert une monarchie que ce discours », abonde Stéphane Bern.
Elisabeth II, une reine humanisée dans « The Crown »
« Vous ne pensez pas que j’aurais préféré grandir loin des projecteurs, loin de la cour, loin des regards ? Une vie plus simple, une vie plus heureuse d’épouse, de mère, de paysanne anglaise ordinaire », lance la reine (Claire Foy) à Edward VIII (Alex Jennings) dans l’épisode 3.
Sa douleur clairement exprimée dans la série rend son sens du devoir impressionnant. Au cours des saisons suivantes, elle sera montrée en train de traverser crises politiques, catastrophes naturelles et scandales familiaux avec une constance inégalée, sans signe de lassitude.
The Crown humanise la reine Élisabeth en articulant le spectacle de la monarchie et des questions intimes universelles. « Le talent de Peter a été de rapprocher les gens de la famille royale sur le plan émotionnel, sans pour autant diminuer ce qu’elle représente », salue Robert Lacey.
En saison 3, Olivia Colman succède à Claire Foy pour jouer la monarque britannique, l’occasion d’aborder le thème du vieillissement. La reine contemple deux timbres à son effigie, l’un la représente jeune, l’autre, plus âgée. « L’âge est rarement gentil avec quiconque », commente la reine. « Ils nous tendent un miroir », remarque Stéphane Bern.
Elisabeth II, un roc dans « The Crown »
Au travers l’histoire de la reine d’Angleterre, The Crown raconte l’histoire du monde après la Seconde Guerre mondiale. De Winston Churchill à Boris Johnson, Elisabeth II a connu 15 premiers ministres et semble insensible au changement. « Elle accompagne les mouvements et les changements de la société, sans les précéder », nuance Stéphane Bern.
The Crown permet aux Britanniques de reconsidérer leur passé et ce qu’ils ressentent pour la nation. L’existence même de la reine offre aux 87 % de la population de son pays qu’elle a vu naître un sentiment de stabilité. Tant qu’elle est en vie, rien de vraiment terrible ne peut arriver.
Dans l’épisode sur la catastrophe minière d’Aberfan, The Crown dresse le portrait d’une femme qui place le devoir en premier, déterminée à ce que personne ne sache jamais ce qu’elle ressent réellement. « The Crown n’a pas d’impact, ni en bien, ni en mal, mais la série renforce le mythe », analyse Stéphane Bern. Une image teintée de rose qui pourrait bien être la clé de l’avenir d’une couronne menacé.
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