Pauline Déroulède, joueuse de tennis-fauteuil : "Paris 2024, c’est mon objectif n°1"

Elle a le regard franc et l’énergie communicative. À 31 ans, Pauline Déroulède a un objectif : participer aux Jeux Paralympiques de Paris en 2024. L’actuelle championne de France de tennis-fauteuil semble inarrêtable, emmenée par une soif de briller sur les courts et une force qui émane de sa personnalité solaire.

Celle qui a vu sa vie basculer le 27 octobre 2018 – quand un chauffard la fauche alors qu’elle attend à l’arrêt sur son scooter, à Paris, et qu’elle perd sa jambe gauche – nous confie ses espoirs, ses inspirations et son engagement pour la suite de sa carrière. 

Marie Claire : Vous êtes aujourd’hui championne de France de tennis en fauteuil. Comment êtes-vous venue à ce sport ?

Pauline Déroulède : Le tennis-fauteuil, c’était quelque part une évidence, parce que j’ai toujours fait du tennis. Quand j’ai eu mon accident le 27 octobre 2018, j’ai très rapidement dit à mon entourage – dès la salle de réveil à vrai dire – que je voulais faire les Jeux Paralympiques en 2024. C’était vraiment l’objectif numéro 1 pour moi. 

Dans un second temps, bien sûr, j’ai dû me faire à l’idée d’une nouvelle performance. Parce que je savais que le tennis, en handisport, se pratiquait en fauteuil roulant. Et c’est vrai que ce n’était pas évident de me dire que le sport que j’ai toujours pratiqué debout, je devais désormais le pratiquer en fauteuil. 

Il a fallu que je parle avec des gens, que je fasse les bonnes rencontres, notamment celle de Stéphane Houdet qui a le même handicap que moi et qui a été un modèle auquel je me suis très vite identifiée. Et à la suite d’un programme de détection, appelé La Relève, quelques mois après l’accident, j’ai été repérée par la Fédération Française de Tennis. Puis tout s’est enchaîné assez vite : j’ai rencontré celle qui est devenue ma coach, et huit mois plus tard, je démarrais dans une structure dans les Yvelines, un programme de haut-niveau. Et cela va faire trois ans en septembre que je m’entraîne là-bas. 

Vous le dîtes ouvertement : votre objectif n°1, ce sont les Jeux de Paris, en 2024…

Oui bien sûr, mon objectif c’est les Jeux. Mais en vérité, il y a d’autres mini-objectifs d’ici là. Par exemple, je ne pouvais pas cette année, car c’était un peu tôt en terme timing, mais pour l’année prochaine, Roland-Garros c’est un objectif. Il faut savoir que pour nous en tennis-fauteuil, c’est plus difficile de se qualifier pour les Grand-Chelem que pour les JO, car c’est un tableau de 8 joueurs seulement. Seul le top 10 mondial participe aux Grand-Chelem, à moins d’avoir une invitation de la Fédération. Puis les Championnats de France, pouvoir garder mon titre, c’est également un objectif. 

Qu’est-ce que les Jeux Olympiques et Paralympiques représentent pour vous, en tant qu’athlète, bien sûr, mais aussi en tant que spectatrice ?

Les Jeux, ça a toujours été une compétition hors-norme pour moi, en tant que spectatrice. Parce que c’est un rendez-vous à ne pas manquer, tous les quatre ans. Il y a vraiment un côté exceptionnel à l’événement, avec des rebondissements. 

Et puis, c’est le rendez-vous de tous les sports, peu importe si on est valide ou non, on est tous en compétition. Le jour où on a appris que l’édition 2024 se tiendrait à Paris, j’étais comme une folle à l’idée de pouvoir vivre ça, en tant que parisienne, en tant que Française…

Et là, imaginer le vivre en tant qu’athlète, c’est quelque chose d’encore plus fou…

Quels sont les critères à réunir pour que vous participiez aux Jeux ?

Pour participer aux Jeux en 2024, en tennis-fauteuil, il faudra être dans le top 28 mondial, possiblement le top 30, parce qu’il y aura des invitations. Il n’y a pas de compétitions à proprement parler, comme ça peut être le cas pour d’autres sports. 

Il y a d’autres critères, comme faire partie de l’Équipe de France, être dans le top 30 donc, avoir déjà fait au moins un championnat du monde, etc. Globalement c’est surtout le classement qui est important. 

Quel.les sont les athlètes qui  vous inspirent ou vous font rêver ? 

C’est encore tout frais d’hier, car j’ai suivi son match de dingue (l’interview a eu lieu lundi 30 mai 2022, ndlr)… Pour moi, l’éternel modèle en termes de mental et de personnalité, c’est Rafaël Nadal. J’ai vraiment énormément d’admiration pour lui : il met énormément d’intensité dans tous ses matchs, et c’est également ce que je recherche moi. 

En match d’ailleurs, je pense beaucoup à lui. Sans me comparer bien sûr, mais pour garder en tête qu’il faut rester solide mentalement même dans les moments les plus durs. Et je pense que je partage avec lui, le goût du combat. 

Après, dans les autres athlètes, il y a Stéphane Houdet dont j’ai un peu parlé déjà. C’est une vieille histoire maintenant. Au-delà du fait que c’est un immense champion, il a eu des victoires en Jeux Paralympiques, a été champion du monde ou encore numéro 1 mondial – c’est quelqu’un qui m’a guidée et qui m’a fait comprendre que c’était possible pour moi de faire une carrière, qui m’a rassurée quand j’en avais besoin. C’est un modèle pour moi.

Vous le citez comme une source d’inspiration : avez-vous, comme Rafaël Nadal, des rituels pendant vos matchs ? 

Je suis loin d’avoir autant de tocs ou de rituels. Je sais que j’ai besoin de beaucoup rouler. Pour mes surgrips, j’ai une façon particulière de le mettre, jusqu’à la moitié du manche. Je crois qu’il y avait Richard Gasquet qui faisait la même chose… Ce sont des petits repères, des rituels. Mais si demain je ne fais pas tout ça, ça va peut-être m’embêter, et encore. 

Je fais surtout un gros travail intérieur, une grosse préparation mentale. Je me mets dans une bulle avant de jouer. J’ai tendance à dire que “je mets ma cape”. Je me transforme en match : j’ai un regard de tueuse , un visage très fermé. C’est ma façon à moi de me concentrer pleinement. 

En quoi consiste votre préparation avant les grandes compétitions ?

Il faut savoir qu’il y a des périodes différentes. Il y a celles dites foncières, où l’on ne part pas très régulièrement en compétition, c’est généralement l’hiver et ce sont des périodes où il y a une grosse préparation physique, notamment de la musculation. 

À l’inverse, en ce moment, où je suis souvent en compétitions, on va surtout recaler des coups précis, quand on est sur le terrain. Et en musculation, on va surtout réactiver. L’idée, c’est de ne pas faire trop de volume pour ne pas épuiser le corps, mais le préparer pour qu’il ait l’énergie nécessaire en tournois. 

Sur la préparation mentale, je fais toujours des avant/après matchs, avant/après compétitions avec mon préparateur mental. Je lui confie l’état dans lequel je me sens, comment j’aborde les choses. Ça permet de casser les doutes ou les peurs s’il y en a… 

On fait aussi des exercices de visualisation, on travaille des repères mentaux qui fonctionnent…C’est indispensable d’avoir une bonne endurance mentale, pour pouvoir enchaîner les matchs en restant frais dans sa tête.

Quelles sont selon vous, les qualités fondamentales pour être une athlète de haut niveau ? Y a-t-il des spécificités concernant le tennis-fauteuil ? 

Les mots qui me viennent tout de suite : c’est déterminé, rigoureux. Savoir faire des sacrifices aussi, parce que le haut-niveau, ce n’est pas que des voyages et généralement, on n’a pas de vie à côté. 

Fort aussi, au sens propre et figuré, dans le corps mais aussi dans la tête. C’est hyper important, quel que soit le sport. 

Et pour le tennis-fauteuil, ce sont exactement les mêmes. On a les mêmes règles qu’au tennis valide. On compte les points de la même façon, on joue sur les mêmes terrains. La seule différence, c’est qu’on peut laisser rebondir la balle deux fois : ça permet d’avoir plus de temps pour jouer la balle, mais ça ouvre aussi plus d’angles, plus de possibilités de jeu. 

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