Si on apprenait à se consoler ?

Sans prétendre supprimer le malheur, la consolation lui oppose un peu de légèreté et d’espérance. De quoi ramener la souffrance à une place raisonnable et se souvenir que la vie vaut le coup.

Restez informée

Imaginez un ami désespéré, enfermé dans sa chambre, porte fermée, rideaux tirés. Vous entrez et ouvrez la fenêtre. Il la referme très vite, mais la pièce aura été aérée un instant. Cette métaphore, livrée par le psychiatre Christophe André, donne une idée assez précise de ce qu’est la consolation. « Tous les petits efforts que l’on fait en direction d’un proche quand on ne peut pas changer le malheur qui le touche, nous dit-il. Un soutien qui ne répare pas le réel, mais qui donne la force de l’accepter et de continuer à vivre. » Lui vient d’écrire un livre passionnant sur le sujet, Consolations, celles que l’on reçoit et celles que l’on donne (éd. L’Iconoclaste), auquel il ajoute une dimension personnelle en évoquant la maladie qui l’a éprouvé. « Dans ma grande fragilité, du corps et de l’esprit, le moindre sourire, le moindre chant d’oiseau, le moindre copeau de bienveillance ou de beauté me faisait un bien infini », écrit-il.

Plus fort que le réconfort

La consolation est humble et patiente. Elle n’a pas toujours un effet immédiat (en tout cas, pas en apparence). Les mots prononcés un jour ou les gestes de solidarité – dont on a l’impression qu’ils sont « tombés à côté » – révèlent parfois leur puissance avec le temps. « Ce qui différencie la consolation du réconfort est que le réconfort est ponctuel, il soulage dans l’instant présent, souligne Christophe André. Alors que la consolation est souvent un processus, un accompagnement dans la durée. » Beaucoup d’endeuillés décrivent d’ailleurs une overdose d’attentions pendant les premiers jours, suivi d’un sentiment de relative solitude ensuite, lorsque tout le monde est retourné à sa vie…

La puissance de la douceur

Quelle est la matrice de la consolation ? S’agit-il de jeter un voile sur la douleur pour la faire disparaître ? Non, répondent les thérapeutes. Cela ne veut pas dire nier l’adversité ou la minimiser. Face à la perte d’un être cher, la survenue d’une maladie ou l’annonce d’une séparation, certaines phrases convenues (et prononcées dans la précipitation) – « Ça va aller », « Tu t’en remettras » – risquent d’aggraver la peine. « La consolation est alors comme une intrusion, une tentative de manipulation, et elle peut faire mal, si elle n’arrive pas dans la douceur et au moment propice, écrit Christophe André dans son ouvrage. Elle va provoquer souffrances et raidissements, qui bloqueront toute écoute et tout changement. »

Un retour vers les autres

L’une des conséquences du malheur, notamment quand il frappe fort – la mort, la maladie, par exemple – est qu’il nous isole du monde et de nous-même. « Si je tombe malade, le lien de confiance avec mon corps est brisé, remarque le psychiatre. Le lien avec les autres, également, est brisé. Je me demande pourquoi c’est moi qui suis malade et pas eux, alors qu’ils n’ont pas forcément une vie plus saine que la mienne. » De même quand on est endeuillé : on peut ressentir une injustice vis-à-vis de ceux qui n’ont pas connu cette souffrance. Ce sentiment nous empêche alors de nous réjouir du bonheur des autres et nous éloigne de tout ce que la vie peut nous apporter de beau. « La consolation ne prétend pas arrêter les larmes ou supprimer le chagrin, précise Christophe André. Elle essaie d’apporter, à côté de ce chagrin, un peu d’espoir, d’amour, de légèreté et ainsi, de restaurer progressivement ces liens brisés avec la vie, les autres et soi. »

Des gestes simples

Inutile, pour cela, d’élaborer de grands discours, de chercher des mots savants ou même des solutions. Il suffit, en réalité, d’être présent et de témoigner son affection. Ça peut être un petit courrier ou un SMS pour dire l’essentiel : « Je suis au courant de ce qui t’arrive. Je pense beaucoup à toi. Dis-moi si je peux t’aider et à quel moment je peux venir te voir. » Parfois, la consolation passe par des élans physiques : prendre la personne dans ses bras, lui tenir la main. Le fait, aussi, de proposer son aide (pour remplir des papiers administratifs, faire des courses) ou organiser des sorties : un cinéma, une balade dans la campagne. « Sentir que l’on est aimé, apprécié et soutenu nous console toujours, même si l’on n’a pas la force de recevoir pleinement cet amour et ce soutien, écrit Christophe André. […] On en est nourri tout de même. »

Des attentions pour soi

Le noyau dur de la consolation est bel et bien le soutien que les autres nous apportent. Néanmoins, on ne peut rester éternellement « dans leurs bras ». C’est alors à nous de prolonger leurs efforts par ce que l’on appelle l’auto-consolation. À chacun, par exemple, de trouver son « coin de ciel bleu », celui qui saura alléger sa mélancolie. Les sources de consolation sont innombrables (la nature, l’art, l’action, le divertissement, etc.) et aussi variées que les voies qui mènent vers le bonheur. Dans le chapitre de son ouvrage consacré à ce sujet, Christophe André reprend les mots du philosophe Alain : « Il faut s’appliquer à se consoler, au lieu de se jeter au malheur comme au gouffre. Et ceux qui s’y appliqueront de bonne foi seront bien plus vite consolés qu’ils ne pensent. »

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