- Ce vendredi, Arnaud Desplechin présente « Frère et sœur » en compétition à Cannes.
- Le film, qui oppose Marion Cotillard à Melvil Poupaud, la sœur et le frère du titre, sort en même temps dans les salles.
- L’intensité de ce mélodrame familial fait déjà de ce film un des favoris pour une place au palmarès.
« Familles, je vous hais ! », on connaît la phrase d’André Gide. Dans Frère et sœur, qu’il présente ce vendredi à Cannes et qui sort dans la foulée, Arnaud Desplechin la transforme en un simple : « Je crois que je te hais ». Des mots qui, dans la bouche de Marion Cotillard à l’adresse de Melvil Poupaud, font l’effet d’une détonation. Pourquoi tant de haine entre la sœur, célèbre comédienne, et son frère, prof et poète ? Nul ne le sait et « ce ne serait même pas très moral d’en parler », concède Melvil Poupaud dans le film.
Son meilleur ami psy (étonnant Timsit à contre-emploi) ne peut que constater les dégâts, impuissant même à soulager Marion Cotillard venue le consulter pour ce ressentiment apparu le jour où la sœur a vu son frère si fier de remporter un prix littéraire. Elle lui propose de lire ses textes sur scène. Il refuse, prétexte la pudeur sans se rendre compte à quel point il l’a vexée. « Plus sa notoriété grandissait, plus j’étais déchirée », dira-t-elle.
Au-delà de la haine qui grandit comme une mauvaise herbe, thème fétiche de Desplechin depuis Comment je me suis disputé (ma vie sexuelle), c’est bien la famille qui est au cœur de ce Frère et sœur. La famille et la crainte essentielle qu’elle provoque, celle de la disparition. La mort qui rôde dans ce film, rappelle La Vie des morts, quand ce sont les fantômes qui orchestrent les passions des vivants. Un suicide dans Rois et reine, une maladie incurable dans Conte de Noël, un accident dans Frère et sœur… La fragilité de la vie accentue la peur et l’ampleur des ressentiments.
Une jalousie du bonheur
Quand, dans Les nourritures terrestres, Gide écrivait « Familles, je vous hais », il poursuivait sa phrase en citant les « Foyers clos, portes refermées, possessions jalouses du bonheur ». C’est exactement ce qu’on trouve dans Frère et sœur. Cette jalousie du bonheur. Et ces murs étouffants qui ont conduit Melvil Poupaud à quitter les foyers clos pour retaper une ferme perdue dans l’arrière-pays occitan pendant que sa sœur continuait de cultiver sa haine à Roubaix.
On ne dira rien des péripéties qui émaillent cette histoire, sinon qu’elles sont particulièrement cruelles. Et que se pose à un moment la question du pardon, « la fin de la haine » comme l’appelle Desplechin soulignant, comme peut le faire toute famille qui en souffre, « la haine est toujours est une perte de temps ».
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