A la coque, pochés, brouillés… Comment s’en régaler les yeux fermés, en respectant le bien-être animal et en soutenant des modèles vertueux ?
En 2020, l’année du confinement, les Français ne les ont pas boudés: 224 œufs par personne ont en effet été consommés, contre 218 l’année précédente (Source : Comité national pour la promotion de l’œuf (CNPO) – https://oeuf-info.fr). Avides de traçabilité, ils les ont, en majorité, préférés de plein air ou bio. Du coup, la filière a mis les bouchées doubles et opté pour une surproduction, qui a grandement fragilisé les petits éleveurs et fait douter de la qualité des œufs. Alors, pour échapper à une production de masse, et satisfaire nos palais et idéaux, on mise sur les cheptels Label Rouge (maximum 12.000 pondeuses), la certification AB des petites fermes, les épiceries spécialisées et les circuits courts.
1) Le numéro garantit la qualité
Vrai et faux. Si le marketing impose sa loi à force de portraits d’éleveurs, de paysages bucoliques ou le recours à un vocabulaire champêtre, seul le code inscrit sur la coquille détermine le type d’élevage. Le code 3 désigne celui en cages ; le 2, celui au sol ; le 1 regroupe plein air et Label Rouge, tandis que le 0 qualifie le bio. Mais au sol (2), les cocottes sont « en liberté » les unes sur les autres, dans des espaces clos et sans lumière naturelle. Tout autant entassées, les pondeuses plein air (1) ne mettent le bec dehors qu’au travers de trappes embouteillées, pour arriver sur un terrain non arboré ou en partie qui les pousse à rester à l’intérieur.
2) La fin du massacre des poussins
Vrai. Les batailles des ONG et des associations ont abouti à l’interdiction du broyage et du gazage des poussins mâles à la naissance (50 millions chaque année). La filière Qualité Carrefour et la marque Les Fermiers de Loué utilisent depuis 2020 la spectrophotométrie, une caméra qui détermine le sexe dans l’œuf à partir des premières plumes de l’embryon, pour sélectionner les femelles. L’ovo-sexage a un coût, et donc un impact sur le prix final des œufs… mais pour une bonne cause.
3) Moins de poules en cages
Vrai et faux. Alors que l’enseigne Monoprix les a chassés de ses rayons dès 2016, la grande distribution s’est enfin engagée à bannir de ses linéaires les œufs issus d’élevages en cages d’ici 2025. « Une date butoir encore bien lointaine« , déplore Brigitte Gothière, fondatrice de l’association L214 qui dénonce la barbarie à coup de vidéos insupportables. « Malgré tout, ça avance. Il y a quatorze ans, 150 entreprises élevaient en cages 80% des gallinacées ! Les chiffres oscillent aujourd’hui, selon les sources, entre 47% (Institut de l’aviculture, pisciculture et cuniculture) et 36% (CNPO). La réalité serait plus proche d’une volaille sur deux…« , conclut-elle.
4) Le bien-être animal à la hausse
Vrai. L’ONG CIWF, qui défend un élevage durable, pousse les enseignes à installer des volières et des jardins d’hiver dans les bâtiments des entrées de gamme (catégorie 2). « Facilement stressées, les poules ont besoin d’arbres et de soleil. Nous militons pour que l’étiquette « Bien-être animal » figure sur toutes les gammes et retrace la vie de la poule, de la ponte à l’abattage« , souligne le Dr Lucille Bellegarde, chargée des affaires agroalimentaires au sein de CIWF France.
5) Tous les œufs se ressemblent
Faux. Un beau jaune à la couleur de curry, un blanc clair et léger, une coquille colorée et tachetée…. « La pigmentation des œufs n’est naturelle que pour le Label Rouge et la certification AB« , explique Jean-Christophe Rodallec, président de la commission œufs du Syndicat national des labels avicoles de France (Synalaf). « Les autres catégories emploient des colorants de synthèse glissées dans l’alimentation des poules« , poursuit-il. Et pour abaisser les coûts, la becquée des autres pondeuses est à base de farines de blé éclaté, enrichies de 15% de protéines, dont les tourteaux de soja aux OGM, importés mais moins chers.
6) Les petits éleveurs bio sont en danger
Vrai. « Les industriels ont profité de la dernière réglementation européenne ne limitant plus la taille des exploitations AB (agriculture biologique) pour se convertir et dresser des poulaillers « cathédrales », abritant de 12.000 à 40.000 pondeuses ! Voire pire. Et le résultat ne s’est pas fait attendre… Aujourd’hui, la concurrence est si inégale que les plus petits éleveurs bio sont obligés de passer à l’élevage de plein air pour survivre« , s’insurge Thomas Madec, agriculteur à Landorec, dans les Côtes-d’Armor, et membre de la Confédération Paysanne. Et de souligner : « Les dérives de cette industrialisation sont les risques sanitaires, la propagation des microbes et l’utilisation d’insecticides pour neutraliser les parasites. » Avec, on s’en doute, d’inévitables impacts sur notre santé…
Fraîcheur et conservation
Regardez toujours la date de consommation recommandée (DCR) sur la boîte, pour savoir si vos oeufs sont extra-frais (9 jours après la ponte) ou frais (jusqu’à 28 jours après). Plus la DCR approche du délai maximum, plus le temps de cuisson doit être allongé. Si la pièce où vous les conservez n’excède pas 20°C, inutile de les réfrigérer. Sinon, sortez-les et laissez-les à température ambiante avant de les cuisiner. Enfin, ne les lavez jamais ni ne les faites tremper dans l’eau, leur coquille fine et poreuse retenant les bactéries.
Parole d’éleveuses
À Gonneville-en-Auge dans le Calvados, Gaëlle Bonnieux et Claire Diquet élèvent sous, dans leur microferme GonneGirls, des poules heureuses qui donnent de bons œufs bio.
« Issues de la pub et de la finance, nous nous sommes reconverties dans le maraîchage et l’aviculture bio. Nous avons fabriqué 4 poulaillers mobiles en pâturage tournant, aux noms amusants (Ça roule ma poule, Ça tœuf dur…), que nous les déplaçons plusieurs fois par semaine. Sur les perchoirs la nuit, nos cocottes vagabondent le jour en picorant herbe fraîche, vers de terre, insectes et résidus de nos cultures maraîchères nourries de leurs fientes – le meilleur engrais ! De 250 poules rousses, nous sommes passées à 1.000, qui produisent 800 œufs par jour. Nous n’irons pas plus loin.«
La boîte de 6 œufs bio, 3,60€, en vente à la ferme et sur alancienne.co.
Les œufs en chiffres
15,7 milliards d’œufs sont produits en France. Autres chiffres clés : 99% des Français en consomment et ils sont 9 sur 10 à en manger une fois par semaine. Enfin, 22,5% des œufs achetés sont bio et 7,5% portent le Label Rouge. (Source : enquête CSA pour le Comité nationale pour la promotion de l’œuf, menée du 29 avril au 10 mai 2021.)
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