Traumatisme financier : comment soigner une relation à l’argent abîmée ?

  • Stress financier : les symptômes du syndrome post-traumatique
  • Une difficulté à faire de "bons choix"
  • Les femmes et l’argent, une relation biaisée
  • Faire face à ses peurs financières pour s’en libérer
  • Le poids du transgénérationnel dans notre rapport à l’argent
  • Des traumatismes inscrits dans l’inconscient et dans nos gênes
  • Trauma financier : une guérison à effet domino
  • Démystifier l’argent pour en guérir

En manquer, le perdre, le dilapider… l’argent, ou son absence, sont omniprésents dans nos vies et nos inconscients. Il s’agirait de l’un des derniers tabous en France.

L’évoquer, « c’est parler de son rapport à la jouissance, à la propriété, à notre intimité la plus stricte et la plus profonde : celle qui convoque nos goûts, nos choix, nos refus, nos échecs, nos espoirs et nos peurs », expose Joseph Agostini, psychologue clinicien et psychanalyste auteur de Je dépense comme je suis (Ed. Leduc). « Il est ce qu’on laisse, ce qui reste, ce qu’il faut, ce qui manque ».

Aussi, on évite généralement d’en parler. Et d’autant plus quand il fait (très) mal.

Stress financier : les symptômes du syndrome post-traumatique

Pourtant, c’est en libérant la parole qu’on s’affranchit des désordres qu’un traumatisme peut engendrer. Car, pour certains.es, c’est bien de trauma dont il s’agit : quand le stress financier aigu devient chronique, il déclenche une réaction dysfonctionnelle dont les indicateurs sont alors comparables à ceux que connaissent les personnes atteintes du syndrome de stress post-traumatique (SSPT).

Déferlantes de dopamine, adrénaline, cortisol ; apparition de contractures musculaires, douleurs, maux de tête de ventre… les réactions en cascade qu’un compte en banque dans le rouge peut déclencher dans le corps sont de plus en plus documentées.

Côté psy, on les explique par la réponse métabolique archaïque (le fameux ressort « combat-fuite ») mise en œuvre en cas de menace imminente… le déboire financier incarnant ici l’un des dangers des temps modernes.

Ce stress violent dérègle par ailleurs notre système immunitaire, mais aussi notre santé mentale. Les travaux de grands spécialistes du stress post-traumatique, comme la neuro-scientifique Rachel Yehuda de l’École de médecine Icahn du Mont Sinaï (ISMMS) et le psychiatre Bessel van der Kolk, auteur du livre Le corps n’oublie rien (Ed. Albin Michel), montrent clairement ces incidences sur le corps physique, émotionnel, mental.

Incapacité à se sentir performant, en sécurité… Un sondage mené par The Ascent en 2019 auprès d’Américains endettés à hauteur d’au moins 1 000 dollars a éclairé les liens entre bonheur, épanouissement, estime de soi et détresse financière. Les personnes interrogées ont déclaré que leurs dettes nuisaient à leur sommeil (38%), qu’elles écornaient leur optimisme (48%) ou qu’elles avaient une incidence négative sur leur estime de soi (47%).

Une réalité d’autant plus lancinante quand les individus ont souffert de pauvreté, de violence et de malnutrition dans leur plus jeune âge.

Une difficulté à faire de « bons choix »

Contrôle défaillant des pulsions, capacités de pensée et de prise de décision altérées, troubles de l’attention… À en croire l’Américaine Chantel Chapman, chercheuse en traumatismes financiers, éducatrice et cofondatrice de la méthode Trauma Of Money, l’aptitude à faire les bons choix est mise en péril par le stress financier, même chez une personne intelligente et rationnelle.

Imane Bounouh, dont la page Instagram @Grimpe.fr aide les étudiants et jeunes actifs en situation de vulnérabilité, évoque principalement deux cas de figure : les personnes qui économisent à outrance de peur de manquer ou celles qui dépensent beaucoup, pour “rattraper” le manque.

« Le trauma financier peut conduire à des conduites d’évitement, de déni, à des dépenses excessives. Certaines personnes ne facturent pas assez leurs services, d’autres perdent régulièrement un beau contrat à la dernière minute ou se ruinent en cadeaux pour acheter l’amour qu’ils n’ont pas eu », décrit la coach et thérapeute Muriel Maître.

Ces comportements répétitifs néfastes et inconscients sont nourris par de véritables biais cognitifs.

Les femmes et l’argent, une relation biaisée

La problématique financière prend une couleur particulière quand on est une femme. « Elles associent argent et autonomie, une projection qui ne concerne pas les hommes. Elles ont un déficit d’expérience dans le monde du travail rémunéré, qui heureusement se rattrape très vite », note Christian Junod, expert de la relation à l’argent en francophonie.

L’auteur suisse du best-seller Ce que l’argent dit de vous (Ed. Eyrolles) rappelle quelques dates clés : les femmes sont autorisées à travailler et à ouvrir un compte en banque sans que leur mari puisse s’y opposer en 1965. En 1983, la double signature est enfin requise sur la déclaration d’impôts en France.

« Pendant longtemps, les femmes n’ont pas été les bienvenues pour discuter finances en dehors de la cellule familiale. Et là encore, si certaines y avaient une vraie place, d’autres n’y avaient pas leur mot à dire », explique-t-il.

Pendant longtemps, les femmes n’ont pas été les bienvenues pour discuter finances en dehors de la cellule familiale.

Aujourd’hui l’implication des femmes vis-à-vis des affaires d’argent souffre des multiples expériences difficiles qui se sont accumulées depuis des générations. Selon le coach, les femmes ont souvent commencé à travailler pour pallier le décès d’un mari, en accomplissant des tâches pénibles et mal payées. « Ou alors, le revenu de Madame étant considéré comme un complément, secondaire. Cette croyance collective perdure puisque les métiers dits féminins restent moins bien rémunérés aujourd’hui et il existe encore une trop grande différence entre les revenus des hommes et les femmes à travail égal », note le spécialiste.

Les femmes ont une plus grande difficulté à se valoriser et à se mettre en avant là où les hommes oseraient affirmer la même chose avec une compétence bien moins développée, ajoute-t-il. Une étude de PWN (Professional Women’s Network) de 2013 révèle que 66% des femmes ne demandent pas d’augmentation de salaire, 49% ne se sentent pas préparées à négocier leur salaire.

Pas étonnant qu’elles représentent 80% des participantes aux ateliers de Christian Junod (prochain rendez-vous annuel français à Paris : 11 et 12 juin 2022). 

Faire face à ses peurs financières pour s’en libérer

Aller à la rencontre des peurs vis-à-vis de l’argent, les accueillir et les libérer…. Il n’y a pas d’autre voie selon lui.

« Réalisé en groupe, le travail est encore plus puissant. Je ne donne jamais de conseil, j’amène plutôt chacun à sa propre transformation intérieure, qui s’exprimera ensuite dans toutes les facettes de sa vie », indique le coach. « Quand une personne de groupe ose se confier, elle donne du courage aux autres ; les révélations se font ensuite en cascade, autorisant le travail ».

Certaines personnes viennent car elles perdent tout, d’autres, parce que leurs parents ont tout perdu. Irène, 52 ans, a fait le lien entre son mari entrepreneur qui enchaîne les projets à échecs et son père, chef d’entreprise, qui s’est battu toute sa vie pour une société dont il n’a pu empêcher la faillite. « Je suis inquiète aujourd’hui pour l’image que nos trois enfants vont garder de leur propre père », dit-elle.

Le poids du transgénérationnel dans notre rapport à l’argent

Christian Junod utilise aussi sur les constellations familiales car explorer notre histoire implique parfois d’aborder celles des générations passées.

« Nous portons souvent des choses qui ne nous appartiennent pas. En tête : la peur de manquer. Elle touche tout le monde et nous l’héritons de l’un ou des deux parents. Le comble : la personne concernée a toujours aussi peur, et moi j’ai peur en plus avec elle », décrit-il.

Si une personne vit une injustice et n’ose pas s’exprimer à ce sujet, un individu de la génération suivante pourrait être très colérique sans raison.

« J’ai juré toute ma vie que je ne serais pas une mère célibataire avec des problèmes d’argent. Pourtant, mon compagnon est parti et je n’ai pas eu d’autres choix que de faire avec. Je ne gagnais qu’une fraction de nos revenus totaux quand nous étions en couple », témoigne une mère solo sur le site mere-celibataire.fr, une communauté de femmes qui élèvent leurs enfants seules et se retrouvent en difficultés financières. Très souvent, ces profils sont issus de familles monoparentales en difficultés et l’histoire se répète.

Des traumatismes inscrits dans l’inconscient et dans nos gênes

Des recherches scientifiques récentes autour de l’épigénétique décryptent comment les traumatismes pourraient être transmis de génération en génération, encodés dans nos gènes ou nos manières d’être.

D’après Laurence Richard, sophrologue et énergéticienne qui travaille sur les chaînes transgénérationnelles, cette « transmission » s’opère de plusieurs façons. Tout d’abord via l’effet des neurones miroirs : l’enfant « copie » littéralement les émotions, pensées et blocages des parents, mêmes inconscients.

Ou par empathie, il « prend et absorbe » les charges émotionnelles d’un parent, dans l’espoir de le soulager. Un processus qui se perpétue d’une génération à l’autre, d’autant plus que le lien est fusionnel.

« Des études montrent qu’un traumatisme peut affecter l’ADN, ce qui expliquerait entre autres certains désordres mentaux transgénérationnels. Travailler sur l’arbre généalogique peut aider à restructurer les désordres », relève la sophrologue.

En travail psycho-énergétique, on recherchera par résonance vibratoire les blocages énergétiques correspondant à un problème ou un traumatisme.

Prises de conscience, acceptation de l’évènement traumatisant et des conséquences, identification et accueil des émotions bloquées en les remettant au passé, déprogrammation des fausses croyances, définition et reprogrammation de nouveaux schémas de fonctionnement… un travail complet, rigoureux est nécessaire, selon l’énergéticienne.

Trauma financier : une guérison à effet domino

« Il faut pouvoir rendre à nos aïeux ce qui ne nous appartient pas ; c’est très libérateur pour soi mais aussi pour les générations suivantes ; c’est un cadeau », affirme Christian Junod, qui défend notre droit à la déloyauté face à certains héritages.

« Mon père, qui a fait deux faillites, est resté traumatisé jusqu’à ses derniers jours. J’ai dû m’autoriser à être déloyal envers ce qui me limitait pour oser me lancer en indépendant », témoigne l’accompagnant, ancien banquier. S’ouvrir en conscience à une nouvelle voie pour soi est un pas salutaire pour ceux, celles qui nous suivent.

« Mes parents ont tout perdu quand ils ont quitté l’Algérie au moment de la guerre d’indépendance. J’ai grandi avec ce trauma », confie Muriel Maître. « J’ai fini par régler ce problème grâce, en grande partie, au travail sur ma constellation familiale. Cela a libéré beaucoup de monde dans ma famille, jusqu’à ma cousine ». Un effet domino qui finit de convaincre la coach de partager cette approche au sein de programmes, cercles de paroles et retraites dédiées.

« Il s’agit de mettre fin au système d’auto-sabotage et de non-reconnaissance de soi pour être en paix avec l’argent, le vivre sans stress, à commencer dans le couple, la famille, où l’on doit pouvoir en parler sans tabou », décrit-elle.

On retrouve souvent la peur de déranger, notamment vis-à-vis du conjoint ou de la famille. Certaines ont peur d’être moins séduisantes, aussi, ou craignent que les gens les aiment uniquement pour l’argent.

« Cela permet aussi d’être à l’aise pour négocier, et pas seulement de l’argent : le fort pouvoir d’affirmation de soi qu’accorde ce travail nous autorise à revendiquer nos droits », dit-elle. Certaines femmes ne demandent pas d’augmentations, elles attendent qu’on leur en donne une. Et en attendant, on la donne à quelqu’un d’autre.

Le parcours demande de l’introspection, il bouscule. « L’une des femmes que j’ai accompagnée a été si choquée de se rendre compte qu’elle était responsable de ses finances qu’elle est littéralement tombée de sa chaise », se remémore Muriel Maître.

La coach a accompagné des dizaines de femmes à récupérer une sorte de droit de naissance à générer de l’argent. « Cela implique une acceptation de notre puissance, avec les risques qu’elle comporte. On retrouve souvent la peur de déranger, notamment vis-à-vis du conjoint ou de la famille. Certaines ont peur d’être moins séduisantes, aussi, ou craignent que les gens les aiment uniquement pour l’argent ».

Démystifier l’argent pour en guérir

Les gens s’engagent plus volontiers dans un coaching pour gagner plus que dans une thérapie pour prendre soin d’une relation à l’argent abîmée, pointe Muriel Maître.

« Par ailleurs, très peu de spécialistes se positionnent sur l’argent. La honte d’en parler existe aussi du côté des accompagnants qui peuvent avoir des scrupules à demander une rémunération a des gens qui ont des problèmes avec l’argent, et souvent des problèmes d’argent tout court », analyse la pro.

« C’est un travail qui prend du temps ; il ne faut pas chercher de magie, à gagner des millions. Mais les changements peuvent être immenses », avance-t-elle.

Et d’évoquer cette femme qui ne s’était pas rendu compte qu’elle pouvait gagner de l’argent par elle-même. Elle est devenue la première entrepreneure femme de toute sa lignée ! Les autres, avant elle, étaient salariées ou au foyer, n’ont jamais osé franchir le pas, par peur. Le travail lui a permis de dépasser largement ce qu’elle gagnait à son poste précédent, et surtout de se sentir puissante ».

Générer de l’argent par le talent, l’audace, la confiance en soi, c’est être créateur dans notre vie.

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