Alain Chamfort raconte l'histoire du tube "Manureva" : "Ça prend du temps de se trouver soi-même, de faire ses choix et de pouvoir les assumer"

Alain Chamfort, auteur, compositeur et chanteur passe cette semaine, avec nous, dans Le monde d’Elodie pour revenir sur les moments marquants de sa carrière à travers cinq de ses chansons incontournables. Depuis ses débuts dans les années 60 avec Jacques Dutronc, Alain Chamfort fait partie du paysage musical français. Il traverse les modes avec constance et est considéré comme une icône pop avec des touches mélancoliques. Plus de cinq décennies que ses mots, sa voix, son écriture, ses compositions nous accompagnent.

Depuis peu, 17 de ses plus grands titres ont été réarrangés par Nobuyuki Nakajima, avec 51 musiciens de l’Orchestre national de Montpellier-Occitanie et réunis dans un album Symphonique dandy.

Pour ce deuxième épisode, la chanson Manureva, fruit de son amitié avec Serge Gainsbourg.

franceinfo : Vous allez commencer avec un gros succès au côté de Claude François, mais vous allez décider de tout arrêter, ce qui est quand même un gros pari sur l’avenir. Croyant en vous, en vos projets, vous allez en 1976, rebondir, en signant, en solo avec une maison de disques, un contrat qui vous offre une liberté totale dans vos choix artistiques. C’est une vraie reconnaissance pour vous ?

Alain Chamfort : C’était fou parce que je n’étais pas du tout dans la position de pouvoir espérer, de pouvoir imposer une chose pareille. J’ai des convictions en moi. Je suis quelqu’un qui peut être influençable, à l’écoute et qui peut, ne pas prendre les choses d’une manière très grave et très sérieuse et en même temps, quand ça touche quelque chose de profond dans mon expression artistique, je peux être intransigeant. C’est-à-dire que j’étais face à un président de maison de disques important, un monsieur qui avaient déjà une grosse expérience, qui était proche de la retraite et je me disais, au fond de moi, je ne peux pas me laisser faire.

Quand il m’a proposé un premier contrat, j’ai vraiment été très intransigeant sur le fait que je ne voulais absolument pas qu’il m’impose le moindre directeur artistique, le moindre employé de sa major. Il a senti, certainement, que j’avais une grande détermination, il m’a dit : « D’accord, je vous accorde ce droit-là« . Et pour moi, c’était un droit incroyable, très rare.

« Moi, je voulais avoir la liberté d’aller là où je voulais aller. »

à franceinfo

Et ça va donner l’album : Mariage à l’essai. C’est un changement radical de style. C’était évident, pour vous, qu’il fallait taper très fort pour montrer que vous étiez totalement différent, que vous aspiriez aussi à autre chose ?

A ce moment-là, je savais ce que je ne voulais plus faire. Pour être honnête, je ne savais pas exactement où aller donc c’était un album de transition. Celui qui a été plus déterminant, c’est le deuxième album : Rock’n’rose. C’était un beau virage car on était déjà moins dans une chanson formatée. Évidemment, je m’étais un peu éloigné des procédés de Claude François et puis de son contrôle parce qu’il fallait qu’il accepte que je passe en studio avec les chansons que je lui montrais. Mais vous savez, ça prend un peu de temps quand même de se trouver soi-même, de maturer un petit peu, de faire ses choix et de pouvoir les assumer.

Vous aviez craqué sur la qualité des musiciens en faisant les chœurs avec Véronique Sanson pour l’album : Hollywood et du coup, vous avez eu cette idée de partir à Los Angeles pour retrouver des musiciens de qualité. Il s’agit des musiciens qui ont formé plus tard le groupe Toto, qui vous ont accompagné sur Rock’n Rose. Et surtout, vous avez décidé de faire appel à Serge Gainsbourg, qui a tout de suite accepté.

Et il a accepté pour plusieurs raisons. La première, c’est que j’étais revenu avec les play-backs. Les bases instrumentales étaient enregistrées avec les musiciens et quand il a entendu les rythmique, ce n’était plus du tout un son de variété française, mais avec une musicalité plus intense. D’autre part, il y avait Jane Birkin qui m’aimait bien. On s’était croisés à plusieurs reprises, on avait eu le temps d’échanger et je pense qu’elle avait quelques éléments sur moi, qu’elle a su transmettre à Serge pour qu’il se décide vraiment à accepter qu’on collabore ensemble. C’était un ensemble de choses.

Vous avez effectivement sorti Rock’n rose (1977) et puis Poses (1979) qui vont vous permettre de connaître un succès incroyable. Je pense à la chanson Manureva, numéro 2 en France en 1980. A la base, cette chanson devait s’appeler : Adieu California, mais vous n’étiez pas d’accord avec la première version de Serge Gainsbourg.

Je pense que le succès de ‘Manureva’ repose autant sur la musique que sur le texte.

à franceinfo

Je l’ai faite un peu à reculons parce que ça intéresse qui de parler de Marilyn Monroe, de Coca-Cola ou de l’imagerie américaine ? Et un jour, il a eu la chance de croiser des skippeurs de bateaux qui ont évoqué le nom : « Manureva », le bateau d’Alain Colas. Comme Serge était sensible aux mots et qu’il n’était pas très sûr de lui, car il ne faut pas croire, mais il avait conscience de la qualité de ce qu’il avait écrit sur Adieu California, il a écrit ce petit hommage. Il m’a appelé le lendemain pour susurrer au téléphone, les quelques premiers vers.

Que représente cette chanson pour vous ?

C’est devenu un peu une « référence ». Je sortais vraiment de l’école Claude, véritablement, et je proposais quelque chose de musical, d’actuel et c’était un renouvellement. C’était un petit peu le début de la pop française et je fais partie de ces gens qui ont participé à la naissance de cette nouvelle culture. C’était évidemment inspiré par ce qu’on entendait via le monde anglo-saxon et américain, mais malgré tout, avec la French touch, avec notre façon à nous de faire les choses.

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