Repousser l’heure du coucher pour avoir du temps pour soi : une mauvaise habitude qui détruit la santé

  • Repousser l’heure du coucher pour reprendre le contrôle
  • Le poids des réseaux sociaux dans ce FOMO digital
  • Les femmes et les jeunes, plus touchés par le phénomène
  • Des conséquences délétères sur la santé mentale et physique
  • Comment arrêter de procrastiner son heure de coucher ?

Il est 23h30, je viens de terminer l’épisode de la semaine de Top Chef. Si je vais me coucher maintenant, je peux espérer dormir 8h. Oui mais voilà, même si une nuit complète est extrêmement tentante, j’ai l’impression de ne pas avoir suffisamment profité de ma journée. Et puis, j’ai cet épisode de série à regarder. 

Avant d’éteindre la lumière pour de bon – il est 00h17 – je fais un tour sur les réseaux sociaux. C’est vrai qu’entre le travail et les obligations administratives, je n’ai pas eu le temps de scroller sur Instagram de la journée. 

C’est fou, alors que je n’ai pas encore de vie de famille, j’ai déjà l’impression de ne pas avoir assez de temps pour moi. En fait, je n’ai pas le temps de ne rien faire. Alors je repousse inlassablement mon heure de coucher, comme pour avoir l’impression de garder la main sur mon quotidien. Et vu le nombre d’ami.es qui répondent à mes sms à 2h du matin, je pense que je ne suis pas la seule dans ce cas. 

Repousser l’heure du coucher pour reprendre le contrôle

Il y a quelques semaines, un soir tard évidemment, je suis tombée sur un article de la BBC décrivant parfaitement cette mauvaise habitude, qu’on appelle revenge bedtime procrastination – traduisez littéralement “procrastination vengeresse du coucher”. 

Les personnes n’ayant pas beaucoup de contrôle sur leur vie le jour, refusent de dormir tôt, afin de retrouver un sentiment de liberté tard le soir.

Selon le média britannique, la première utilisation du terme remonte à 2020. Dans un tweet – supprimé depuis – la journaliste Daphné K Lee désignait alors par ce biais « les personnes n’ayant pas beaucoup de contrôle sur leur vie le jour, refusant de dormir tôt, afin de retrouver un sentiment de liberté tard le soir ». 

“C’est un phénomène qui puise ses origines en Chine, où les salarié.es sont régis par le schéma 996, c’est-à-dire qu’ils travaillent de 9h du matin à 9h du soir, 6 jours sur 7”, souligne même Marion Blique*, psychologue clinicienne, installée à New York. 

Le poids des réseaux sociaux dans ce FOMO digital

Ainsi, cette procrastination nocturne n’est pas une énième mode aux sonorités anglophones, mais bien un phénomène sérieux, étudié par les chercheurs, et même défini par la Sleep Foundation – une organisation américaine, engagée dans la recherche pour l’amélioration de la qualité de sommeil – comme “le choix de sacrifier son sommeil pour ses loisirs”.

“On peut dire qu’on se venge de ne pas avoir eu assez de temps personnel dans la journée, en s’amputant de quelques heures de sommeil”, indique Marion Blique.

Pour l’experte, les réseaux sociaux jouent un rôle majeur dans l’équation. Notre fear of missing out (FOMO), fait qu’on s’oblige à rester éveillé.e, pour rattraper les informations qu’on aurait pu louper dans la journée

Souvent confronté.e à l’actualité anxiogène, découle de cette procrastination, doomscrolling et l’esprit collant. Enfermé.e dans un tourbillon de stress, impossible de trouver le sommeil : c’est le serpent qui se mord la queue. 

Selon Marion Blique, qui insiste sur le côté numérique du phénomène, on passe rarement sa soirée à repousser l’extinction des feux pour lire. “Il n’y a pas cette idée de rattraper des choses, de savoir ce qu’il se passe chez les autres avec la lecture”, continue notre psychologue.

Les femmes et les jeunes, plus touchés par le phénomène

Pour la spécialiste, cette procrastination vengeresse est surtout remarquée chez les jeunes. “J’en vois beaucoup autour de moi, ils sont prêts à dire adieu à quelques heures de sommeil, sans trop penser aux conséquences sur leurs fonctions cognitives. Beaucoup se couchent sur les coups de 2h du matin, pour se réveiller environ 5h plus tard”, expose-t-elle. 

Une étude polonaise de 2019 a révélé que les femmes et les étudiant.es étaient les plus susceptibles de développer cette habitude nocive

C’est une réponse à des heures de travail prolongées qui ne laissent pratiquement pas de temps pour se divertir ou se détendre.

En 2017, d’autres travaux de recherches, cette fois menés par Beko, montraient déjà que les femmes jouissaient d’en moyenne trois heures de temps de loisirs hebdomadaire en moins que les hommes, ce qui corrobore les résultats des chercheurs polonais. 

Ces mêmes scientifiques précisent que les personnes ayant tendance à procrastiner de manière générale, sont aussi beaucoup plus touchées par le revenge bedtime procrastination.

Dans tous les cas, le facteur incriminant relevé est le “stress diurne important”. “C’est une réponse à des heures de travail prolongées qui, si elles sont combinées à une nuit de sommeil complète, ne laissent pratiquement pas de temps pour se divertir ou se détendre”, révèlent-ils. 

Des conséquences délétères sur la santé mentale et physique 

Bien que l’on puisse avoir l’impression d’être plus heureux.se en grappillant ces quelques heures tardives pour faire des choses qui nous font plaisir, la réalité est bien moins réjouissante. Cette procrastination nocturne a des effets délétères sur notre santé psychique et physique, allongeant par là même notre temps d’écran quotidien. 

À court terme : maux de tête, fatigue visuelle, stress, problèmes de digestion, cauchemars et insomnie. À long terme : problèmes de concentration et de mémoire, dépression et anxiété. 

“Et puis, on n’a encore que très peu de recul sur les méfaits des ondes, donc on peut être sûr.e qu’on ne protège pas son cerveau quand on repousse l’heure du coucher à grands coups d’écran”, rappelle Marion Blique.

Comment arrêter de procrastiner son heure de coucher ? 

Pour se défaire de ce schéma qui peut s’installer en l’espace de quelques soirs, il faut d’abord en prendre conscience. “Parce qu’on pense, encore une fois, que ça nous fait du bien, et qu’on a besoin de ça pour fonctionner”, souligne la psychologue. 

Obstacle majeur à la « dé-procrastination » : l’addiction que les écrans créent, tant par le contenu que le contenant. 

Exit café, thé et alcool le soir et une demi-heure avant de se mettre au lit, on se sépare de son téléphone, et on se crée un environnement relaxant.

Ainsi, si votre enfant ou adolescent développe cette habitude, Marion Blique conseille de “contrôler et de gérer l’utilisation du téléphone et de proposer des alternatives”, comme des jeux de société ou des sorties, à réintégrer dans la journée, pour repositionner le temps de loisirs. 

Si c’est vous qui êtes victime de ce fléau, il convient aussi de s’atteler à une réorganisation de votre temps, dans la mesure du possible. “Instaurez-vous une routine”, conseille la Sleep Foundation, qui suggère de “s’obliger” à structurer ses journées, en instaurant des heures fixes de coucher et de lever, même les jours de repos. 

De même, exit café, thé et alcool le soir, et une demi-heure avant de se mettre au lit, on se sépare de son téléphone, et on se crée un environnement relaxant, en faisant bon usage de la méditation et de la lecture – raisonnablement, et pas sur tablette. 

“Une bonne solution est aussi de couper les ondes pour la nuit”, propose Marion Blique – il est vrai qu’il faudrait être sacrément motivé.e pour se relever dans le seul but de rétablir la connexion. 

Dans tous les cas, on ne désespère pas : s’il peut sembler difficile de se détacher de cette habitude, il est tout à fait possible de renverser la balance. 

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