Portrait d’artisan : Baykul Baris Yilmaz, marbreur de papier

Découvrez en vidéo le métier de marbreur de papier. Baris Baykul Yilmaz répond à nos questions et nous en dit plus sur ce savoir-faire ancestral et le métier d’artisan.

Envie d’en savoir plus sur tous ces beaux métiers d’art qui existent en France ? Découvrez en vidéo chaque semaine l’interview d’un artisan qui nous présente son savoir-faire et son quotidien. 
Cette semaine, nous sommes partis à la rencontre de Baykul Baris Yilmaz, marbreur de papier. 

Marbreur de papier : un métier d’art rare 

La marbrure de papier n’est pas un art répandu. En effet, ils sont seulement 3 marbreurs de papier en France. Un savoir-faire originaire de Turquie qui consiste à créer ou reproduire des papiers marbrés anciens servant à la restauration de reliures. Le marbreur de papier projette des gouttes de peinture dans une cuve d’eau épaissie par une gomme hydrosoluble pour fixer/faire flotter les couleurs. Il peut ainsi travailler les couleurs à l’aide de pinceaux, peignes et pointes pour créer des motifs uniques. Des motifs qui sont ensuite immortalisés sur une feuille de papier déposée dans la cuve.  

Interview de Baykul Baris Yilmaz, marbreur de papier

Nous nous sommes rendus dans l’atelier de Baykul Baris Yilmas situé dans le 20ème arrondissement de Paris pour lui poser quelques questions afin de mieux comprendre cet art. 

Né à Istanbul, Baris est tombé amoureux de cet art qu’il a découvert il y a 20 ans. Pendant longtemps, il a du partager son temps entre la marbrure de papier et son métier de cuisinier avant de pouvoir se lancer à 100% en tant que marbreur de papier. Baris vit maintenant de sa passion même si ce n’est pas toujours facile. Des activités annexes comme les cours d’initiation lui permettent d’avoir un revenu complémentaire qui lui donnent une plus grande flexibilité et du temps pour ses expérimentations. 

Compte Instagram : https://www.instagram.com/baykul/

Parlez-nous de vous et de votre métier.
Je m’appelle Baykul Baris Yilmaz, je viens d’Istanbul et je fais du papier marbré. C’est un métier d’art du 15ème siècle qui vient de Turquie.

Les papiers marbrés, qu’est-ce que c’est ?
Ce sont des papiers qui servent à sublimer la connaissance. Souvent, on les trouve en garde page ou à l’extérieur du livre.Vu qu’il s’agit de multiples dessins et qu’à chaque fois le rendu est unique on peut l’utiliser en déco, dans la mode en imprimant les motifs sur le tissu. On peut aussi les encadrer tout simplement.

D’ou vient ta passion pour la marbrure de papier ?
Tout a commencé quand je me suis inscrit à un atelier pour découvrir ce métier d’art. J’ai ensuite appris avec mon Maitre à Istanbul. Cela fait maintenant 20 ans que je fais de la marbrure de papier et j’adore ça.  

Avez-vous toujours été une personne artistique ? 
Je fais de la peinture depuis que je suis tout petit. On me disait souvent depuis mon enfance que « j’ai de l’or dans les mains. » C’est vrai que j’ai toujours aimé faire des choses manuellement. J’ai été pendant 18 ans chef cuisinier à Paris. C’est le métier de mon père à Istanbul. J’ai appris là-bas. J’ai toujours baigné dedans finalement et j’ai toujours exercé les 2 métiers en même temps. 

Comment arrivais-tu à combiner les 2 métiers?
De temps en temps, je travaillais au restaurant jusque minuit et quand je rentrais chez moi vers 1h et que je n’avais pas envie de dormir je me mettais devant la cuve pour faire des créations. C’est la meilleure façon de se détendre. Le calme de la nuit est propice pour les créations. 

Tu sembles être accro au travail ?
Je n’ai jamais vraiment considéré le papier marbré comme un travail. C’est vraiment pour moi une passion et c’est quelque chose pour lequel je prends beaucoup de plaisir. Il y en a qui font du golf après le travail, moi je fais du papier marbré. 

Je n’ai jamais vraiment considéré le papier marbré comme un travail.

Tu as réussi à transformer ta passion en métier ?
J’ai attendu d’être assez connu, que ça marche vraiment et il y a 2 ans, un article a été publié sur moi dans Art et Métiers du livre. Ca a permis de booster d’avantage mon métier. J’étais déjà assez connu dans le métier d’art car je travaillais déjà avec Reliures de France et en Belgique. En ce moment, j’ai envie de me développer d’avantage et surtout dans la mode.

Est-ce qu’il y a beaucoup de marbreurs de papier en France ?
On est très peu de marbreurs en France, on est 3. Et puis, je suis pratiquement le seul dans la technique ancienne. 

Quel a été ton parcours ?
Mon parcours est assez particulier. J’ai fait un lycée technique dans le mobilier et décoration pendant 3 ans. Après j’ai fait une école de tourisme. J’étais réceptionniste à Istanbul. Quand je suis arrivé en France, je ne parlais pas un mot de français correctement. J’ai commencé à travailler dans un restaurant et ça a duré pendant 18 ans. Quand j’ai commencé à faire des papiers marbrés, je pensais que personne ne s’intéresserait à ce type de choses. A l’époque internet n’existait pas et puis il n’y avait pas vraiment de livres sur ce métier d’art. Au fur et à mesure, j’ai commencé à travailler avec un relieur dans le 5e arrondissement de Paris dans les années 2000 et avec le bouche à oreille je suis devenu connu et maintenant je ne fais que ça. J’ai arrêté mon métier de cuisinier pour me consacrer aux papiers marbrés car ça me donnait plus de plaisir et me laissait plus de temps de création. Contrairement à la cuisine, les papiers marbrés durent dans le temps. Il y a une trace de ce que je fais. 

Etais-tu stressé de te lancer à plein temps dans cette activité ?
Je pense que dans le doute il faut faire confiance. On est des humains, on a des doutes sur tout et vu que ce n’est pas un métier où on a un revenu permanent il y a des moments où on gagne bien sa vie et d’autres non. Il faut s’adapter et maintenant je commence à donner des cours avec We Can Doo. Ce sont des cours d’initiation qui me permettent de vivre correctement et à côté je fais des collections pour les reliures d’art toute l’année et une fois par an je vais les vendre.

Qu’est ce qui te plait le plus dans ce métier ?
C’est magique ! Jouer avec les couleurs sur l’eau c’est quand même assez merveilleux.

Jouer avec les couleurs sur l’eau c’est quand même assez merveilleux.

Est-ce que tu as une journée type ?
Souvent je commence de travailler vers 11h et je peux m’arrêter quand j’en ai envie. C’est le bon côté de ce métier. Je peux reprendre le travail vers 8h du soir si j’en ai envie. Si je vois que tout est propice je peux venir dans mon atelier vers minuit vu que j’habite juste à côté et y rester quelques heures.

Comment imagines tu les motifs de tes papiers ?
Je ne réfléchis pas beaucoup. Je donne raison à Picasso par rapport à ça. Je trouve que l’inspiration vient en travaillant. Je me mets en fait au travail, je fais un motif. Ca peut être de l’inspiration du 18e, 19e siècle ou bien du 18e de la Turquie. Et je m’adapte en fonction du moment et du résultat donné par la gomme. Par contre je ne me pose pas de question et je ne prend jamais de notes. Chaque motif est unique. 

Chaque motif est unique. 

Est ce que tu rencontres des difficultés dans ton travail ?
Non, je ne suis pas quelqu’un de très stressé. Il n’y a rien de stressant dans ce métier je trouve. J’ai le statut d’artisan indépendant. Au niveau de la paperasse, ce n’est pas vraiment un problème. Il n’y a rien de stressant, c’est que du bonheur !

Il n’y a rien de stressant, c’est que du bonheur !

Est-ce que tu pourrais faire ce travail autre part qu’à Paris ?
Je peux faire ce travail de n’importe où, tant qu’il y a un atelier pour moi, je peux faire mon travail. L’idéal bien sur est de vivre dans la nature. L’inspiration vient souvent de là. Ca peut être assez enrichissant de vivre au bord de la mer par exemple pour avoir du calme. C’est sur que à Paris c’est plus difficile. 

Est ce que c’était important pour toi de travailler en indépendant ?
Être son propre patron c’est important. Bien sur je travaille beaucoup mais je trouve qu’il y a rien de plus important que le temps pour soi même et pour les gens qu’on aime. Ce métier d’art me laisse largement le temps. Lorsque l’on est son propre patron il faut se motiver. Quand on travaille pour quelqu’un d’autre on a pas le choix, quand on travaille pour soi même on a pas le choix mais en même temps il faut se motiver et c’est ca le plus difficile parfois. Mais comme c’est vraiment un plaisir pour moi, ce n’est pas un problème pour moi. 

Est ce que tu arrives à vivre de ton activité ?
Oui j’arrive à en vivre convenablement. 

Quel conseil donnerais-tu à ceux qui hésitent à se lancer dans un métier d’art ?
Il faut se faire confiance même lorsque l’on doute. Si on donne le meilleur de soi même, ça marchera quoi qu’il arrive. Quand on se lance, il faut se concentrer sur ce dont on est vraiment bon. On se concentre sur une idée. Il faut faire un truc mais très bien. Moi je suis artisan d’art en papier marbré, j’essaie de faire ça le mieux possible. A partir de là, si ça marche c’est super, si ça ne marche pas c’est pas grave. Au moins je sais que j’ai fait tout ce qu’il faut. 

Dans 20 ans, tu te vois toujours faire ce métier ?
Tant que je peux marcher, que mes mains tiennent oui j’aimerai bien en faire jusqu’à la fin de ma vie. Je trouve que c’est une belle histoire.

j’aimerai bien en faire jusqu’à la fin de ma vie

Envie de vous initier à cet art ? Inscrivez-vous à un atelier Marbrure de papier sur We Can Doo pour découvrir ce savoir-faire et créer votre papier marbré. 

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