INTERVIEW – Prisca Thevenot, porte-parole d’En Marche : « Je vis mon engagement politique en famille »

La politique, elle est tombée dedans par hasard en 2017. Depuis, elle est devenue porte-parole du mouvement d’Emmanuel Macron et s’est présentée aux législatives. Prisca Thévenot se confie à Gala.fr sur sa carrière en politique, ses ambitions et sa vie de maman.

À quelques heures du premier tour, Prisca Thevenot est sur le terrain. Elle tracte, elle échange, elle convainc les derniers réticents. Porte-parole du mouvement d’Emmanuel Macron, La République en Marche, elle défend le programme de son candidat, rappelle son bilan, et prépare la suite. Pourtant, rien ne la prédestinait à se lancer en politique. Maman avant d’être militante, militante avant d’être candidate aux législatives de 2017, c’est le président de la République lui-même qui l’a poussée à s’engager au détour d’un couloir.

Aujourd’hui, la Mauricienne de 37 ans ne regrette pas d’avoir intégré sa « famille, » politique comme elle l’appelle. À Gala.fr, elle s’est confiée sur ses débuts dans les cafés citoyens, elle est revenue sur sa rencontre avec Emmanuel Macron, mais aussi sur sa vie de maman et les discriminations qu’elle a pu vivre.

Gala.fr : Comment vous sentez-vous à quelques heures du premier tour ?

Prisca Thévenot : Engagée ! Plus que jamais engagée, plus que jamais sur le terrain. Dès ce matin en allant poser les enfants à l’école, j’avais des tracts sous le bras, cette après-midi, je serai au QG de campagne avant d’aller faire un dernier collage sur les panneaux officiels avant minuit, ce soir. Donc plus que jamais en train d’agir.

Gala.fr : Comment êtes-vous devenue porte-parole du premier mouvement politique de France ?

Prisca Thévenot : Avant d’être porte-parole, je suis surtout une militante. Je pense que je resterai une militante, toujours. Je me suis retrouvée par hasard en politique. Je venais d’accoucher de mon deuxième enfant qui avait quelques semaines, le premier ayant déjà deux ans, je me suis posée des questions et puis la coïncidence voulait qu’un certain Emmanuel Macron se présente à la présidentielle de 2017. Je ne suis pas une « Marcheuse » de la première heure. Alors j’ai lu son livre, j’ai été à des cafés citoyens. On était dans les prémices des grands débats. On échangeait sur le programme avec un certain Stanislas Guerini. Et au fil des échanges, des débats d’idées… je me suis retrouvée avec des tracts, à frapper aux portes des gens, et ainsi de suite, cela s’est fait naturellement. Je me suis présentée aux législatives, aux municipales dans le XVIIe arrondissement de Paris avec Benjamin Griveaux et Agnès Buzyn, et puis il y a eu une annonce au sein du mouvement qui disait : “Nous voulons élargir notre équipe de porte-parole du mouvement”. Des militants m’ont poussée à postuler en me disant : « Ce serait quand même énorme qu’on ait quelqu’un qui ne soit pas élu, qui soit un militant avec nous, qui soit porte-parole », donc j’ai postulé et j’ai été prise.

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Gala.fr : Vous êtes porte-parole du premier parti de France alors que vous êtes timide. Comment gérez-vous cela ?

Prisca Thévenot : Je ne le gère pas (rires). Je suis timide et je l’accepte. Et un peu sensible. Je fais avec et je ne le cache pas. C’est pour ça que sur certains débats, sauf s’il y a une grosse bêtise qui est dite, je ne coupe pas à la parole. Je fais très attention, j’aime bien écouter avant de parler. Ça apporte une autre façon de faire de la politique.

Gala.fr : À quoi ressemblent vos journées de porte-parole ?

Prisca Thévenot : En général, il n’y a pas une journée type, mais une journée standard. J’ai envie de dire encore plus en campagne. On est envoyés sur les plateaux pour débattre de l’actualité ou défendre un sujet. Il est vrai que j’ai quitté mon job dans le privé et je suis beaucoup plus libre maintenant. Être porte-parole, c’est en effet être sur les médias, mais aussi sur des réunions publiques, mais aussi et surtout avec nos militants. Être porte-parole, c’est aussi aller à la rencontre des Français et moi j’aime le faire avec nos équipes locales. C’est la raison pour laquelle, depuis le mois de septembre, j’ai commencé un grand tour de France. Je vais dans les régions échanger avec les militants, à la rencontre des Français, avec des élus aussi, pour prendre le pouls, pour écouter, pour recenser pour voir ce qui n’a pas été fait, ce qui aurait pu être fait différent, mais aussi voir quels sont leurs rêves et ambitions pour les années à venir.

Gala.fr : Comment conciliez-vous votre vie professionnelle bien remplie, avec ce tour de France par exemple, avec votre vie de maman de deux enfants ?

Prisca Thévenot : Je le gère de manière très fluide et naturelle, aussi parce que j’ai un mari qui me soutient énormément. Il a aussi une vie professionnelle bien remplie, il n’est pas en politique, mais il me laisse l’opportunité de le faire. Je ne suis pas en train de le remercier, mais en tout cas je suis en train de reconnaître que c’est aussi parce que mon mari me permet de le faire que je le fais. Quand j’ai commencé à m’engager en politique, mon premier enfant avait deux ans et mon deuxième avait trois mois. Eux, ils m’ont toujours connu comme ça. C’est naturel pour eux. Je les emmène avec moi quand c’est possible et qu’il y a d’autres militants qui emmènent aussi leurs enfants. Mais tout est naturel, on vit cet engagement politique en famille. Je n’aurais pas pu vivre différemment.

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Gala.fr : Comment est-ce que vous leur expliquez ce qui est en train de se passer en ce moment avec la présidentielle, votre engagement et cette effervescence qui n’est pas habituelle ?

Prisca Thévenot : Je leur en parle de manière naturelle, sans dramatiser, sans exagérer, sans fantasmer. Je me suis rendu compte d’un truc très cocasse : on était en train de partir en tractage et puis ils me disent : « Ah mais c’est marrant, c’est Emmanuel Macron sur la photo ». Ils n’avaient jamais vu un tract avec seulement Emmanuel Macron dessus. Et je lui explique qu’il doit être réélu, et mon fils me dit : « Pourquoi il doit être réélu ? » Dans leur tête, ils avaient intégré que le président n’avait pas de date de fin, donc je leur ai expliqué que tous les cinq ans on rejoue le jeu. Je leur ai expliqué des choses qui pour eux n’étaient pas forcément évidentes. Donc là, ils se sont pris au jeu en me demandant qui est qui sur les panneaux officiels devant leur école et ils suivent la chose de façon très intéressée.

Gala.fr : Vous dévoilez des photos de vos enfants sur vos réseaux sociaux. Est-ce que c’est une façon de communiquer ou vous le faites pour le plaisir ?

Prisca Thévenot : Avant d’être en politique, je suis une mère de famille et je suis devenue mère de famille avant de m’engager en politique. Mes réseaux étaient déjà très familiaux. Quand je suis devenue porte-parole, la question m’a été posée, le mouvement politique m’a prévenue en me disant : “Attention, fais un choix, on t’alerte parce que c’est important”. Et heureusement que je suis accompagnée. Je me suis posé la question avec mon mari, aussi avec ma mère, de savoir si je cachais ou si je fermais mon Instagram. Je me suis dit qu’il fallait assumer. Mais du coup, sur Instagram, il n’y a que des vieilles photos, pas de politique à part en story. J’ai décidé de le laisser ouvert parce que j’ai une communauté bienveillante.

Mes enfants, je ne les mets pas en avant, mais je ne les cache pas, non plus.

Gala.fr : En plus d’être une maman engagée qui leur parle de politique, quelle maman êtes-vous ?

Prisca Thévenot : Ça, il faudrait leur demander à eux (rires). Je suis une maman poule, mais assez stricte. Je vais être très à cheval sur des règles de politesse tellement élémentaires, mais qu’on perd aujourd’hui. Par exemple : on ne dit pas “Bonjour”, mais “Bonjour, madame”. On dit “Merci, madame, merci monsieur”. On tient la porte, on se lève dans le métro quand il y a quelqu’un qui est plus fragile. Je suis peut-être un peu dure sur ça parce que je ne laisse rien passer, mais pour le reste je suis la maman que j’apprends à être avec eux. Je ne suis pas la même mère qu’il y a huit ans quand j’ai eu mon premier. Je ne suis certainement pas la même maman que dans dix ans, mais autant qu’ils grandissent, moi aussi je grandis dans ma mission d’être leur maman à eux.

Gala.fr : C’est joliment dit…

Prisca Thévenot : Je me souviens de quand j’ai eu mon premier. J’ai encore de l’émotion quand j’y repense. Je me suis retrouvée le lendemain seule avec mon bébé dans la chambre d’hôpital et j’ai eu un moment de panique. Je me suis dit : « Mais mon Dieu, ce petit être, j’en suis responsable. Mais comment je vais faire, personne ne m’a expliqué ! » Et tous les jours, sans être dans l’angoisse, je suis dans cette conquête de : « Qu’est-ce que c’est que d’être une maman ? » Alors oui, ça m’arrive de dire à mes enfants : « Je vous présente mes excuses, je n’aurais pas dû dire ça comme ça ». Par moments, ça m’arrive de m’emporter, de ne pas être dans la meilleure condition possible alors je peux leur demander : « Toi, comment tu penses que j’aurais dû réagir, etc. » On apprend tous les quatre ensemble.

Gala.fr : Vous êtes une femme, vous êtes Mauricienne, vous faites de la politique, vous êtes maman. Est-ce que vous avez déjà été victime de misogynie, de discrimination ou même de racisme ?

Prisca Thévenot : Oui. Est-ce que ça m’a arrêtée ? Non. Est-ce que ça m’a révoltée ? Petite, ça me révoltait. Là, ça ne me révolte plus. Au contraire, dès que je peux, je le prends avec le sourire, je noue l’échange et, par moments, ce n’est pas forcément de la misogyne ou du racisme ou de la discrimination; Je ne dis pas que ça n’existe pas, mais aussi de temps en temps, c’est peut-être de la mauvaise compréhension. Je donne un exemple : je suis Mauricienne et, oui, mes enfants sont métisses. Donc, on se ressemble, mais mon premier était blond quand il était petit, compliqué. Il est déjà arrivé que dans la rue on me dise : « Vous direz aux parents qu’il est très joli ce petit garçon ». On me prenait pour la nounou, j’aurais pu me vexer, mais non. Je disais : « C’est mon petit garçon ». Dans cent pour cent des cas, les gens s’excusent et voilà. Ce qui aurait pu être mal perçu, était juste une mauvaise lecture. Après, j’ai eu des réflexions racistes, misogynes, pas agréables, avérées et volontaires, mais ne rendons pas l’honneur à la bêtise en la mettant à l’honneur. La parole et le dialogue sont toujours les maîtres mots, ne soyons pas fermés et repliés.

Gala.fr : Ces remarques ne vous ont jamais empêchée d’avancer, vous avez même lancé Civil Impact. Est-ce que vous pouvez nous parler de ce projet ?

Prisca Thévenot : Quand je me suis lancée en politique j’ai eu de la chance parce qu’avec Emmanuel Macron, c’était : « Venez comme vous êtes ». On venait pour beaucoup de tout sauf du monde politique. Au fil des élections, je me suis dit qu’il fallait qu’on commence à apprendre les codes de la politique pour évoluer au mieux. Donc on a lancé avec trois autres amis une école de formation politique et non partisane. L’école est gratuite avec des cours donnés par des bénévoles où on forme à la chose politique en expliquant les rôles politiques, l’engagement politique pour la cité auprès d’associations, d’actions militantes. Et ça a fonctionné même si on ne partage pas tous les mêmes opinions politiques.

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Gala.fr : S’engager en politique quand on est une femme, ce n’est pas facile…

Prisca Thévenot : Bien sûr que non. Le monde politique est un monde d’homme. Emmanuel Macron a permis de mettre un grand coup de pied dans cette fourmilière, mais il faut continuer. La politique a été montée pour les hommes et par les hommes avec un “h” minuscule. Le combat est encore long, il faut continuer à avancer. Promouvoir la place de la femme, oui, mais il ne faut pas non plus que ce soit un combat contre les hommes. Je le redis, si je peux m’engager en politique aujourd’hui, c’est aussi parce que mon mari me soutient. Et quand vous vous engagez en politique n’oubliez pas avec qui vous le faites. Moi, je le fais pour le pays, mais avec qui vous le faites c’est aussi l’équipe autour de vous. Ils deviennent vos amis. La politique, c’est entraînant et familial.

Gala.fr : Pour revenir à Emmanuel Macron, est-ce que vous échangez souvent avec lui ?

Prisca Thévenot : Je n’ai pas de relation avec lui au quotidien, par contre il est à l’origine de mon engagement en politique. C’est lui qui m’a poussé à faire campagne. En 2017, et il y avait eu un événement à Saint Denis, il était là, il échangeait avec les habitants et là, Mounir Mahjoub, l’ancien secrétaire d’État, me dit : « Va lui poser une question ». J’y vais, je le chahute un peu : « Oui, oui vos belles promesses. Vous en ferez quoi, vraiment, demain si vous êtes élus? » Et à la fin de l’événement, je le croise, et il me dit : « Madame, merci beaucoup pour votre parole vous avez raison, quelle est la garantie que je tienne mes promesses ? Et bien la garantie, c’est que des gens comme vous continuent à s’investir à côté de moi et avec moi pour me rappeler que si je manque à mes paroles, il faut que je les tienne ». Et là, il me dit : « J’ai fait un grand appel pour que des femmes se mobilisent, soient candidates aux législatives et aux différentes échéances électorales. Et bien moi, je prends mon risque, prenez votre risque ».

Gala.fr : Selon vous, il a tenu parole ?

Prisca Thévenot : Oui, j’ai porté son bilan depuis septembre et je dis plus que oui. Alors que le contexte n’est pas idéal, il a agi. Ses premières mesures sociales, de pouvoir d’achat, de suppression de taxe d’habitation, baisse des impôts pour les ménages et entreprises, le cent pour cent santé… Et même pendant les crises qu’on a rencontrées, il continue à aller travailler. Donc oui, il a tenu parole.

Gala.fr : Si Emmanuel Macron est réélu, quelles sont vos ambitions politiques ?

Cela fait un an et demi que je suis porte-parole du mouvement, mais c’est bien de passer le relais parce qu’on a des talents incroyables. Je suis fière de faire partie de cette famille politique. Je dis famille parce qu’on a grandi ensemble. Donc oui, il serait bien d’accompagner dans cette passation de relais et, oui j’ai des ambitions. Je candidate pour avoir une investiture aux législatives.

Gala.fr : Si vous remportez les législatives en juin, vous visez d’autres postes ou élections en politique ?

Prisca Thévenot : Un pas après l’autre, c’est ce qu’on dit aux enfants quand ils apprennent à marcher (rires). Ils courent parce qu’ils ne tiennent pas l’équilibre. Nous, on sait marcher, donc pour garder cet équilibre, il est important de faire un pas après l’autre et de prendre le temps nécessaire.

Crédits photos : Niviere David/ABACAPRESS.COM

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