- Qui êtes-vous doulas ?
- Accompagnement sur mesure et célébration de la parentalité
- Une vocation en plein essor
- Pallier un manque de suivi du corps médical
- "J’ai apprécié une présence bienveillante que je n’avais pas trouvée dans l’hôpital public"
Au Gynécée, un nouveau lieu parisien entièrement dédié à la maternité, il est possible de prendre rendez-vous avec toutes sortes de thérapeutes qui sauront sensiblement améliorer le cours d’une grossesse ou d’un post partum.
Parmi les spécialistes en place – ostéopathe, naturopathe, psychologue, diététicienne, énergéticienne – il y a la doula. « Celle qui sert » en grec. Et intrigue.
Qui êtes-vous doulas ?
« Nous accompagnons la femme ou le couple depuis le désir d’enfant jusqu’au retour à la maison, en fonction de leurs besoins ou leurs envies », explique Leslie Lucien, ex-chef de projet dans l’audiovisuel reconvertie. La doula spécialisée en hypnothérapie et chant propose ses services au Gynécée. Pendant l’accouchement, nous offrons un soutien émotionnel et pratique, mais toujours en présence d’une sage-femme », tient-elle à préciser.
« Notre mission est complémentaire de celle d’une sage-femme, qui œuvre, elle, sur le versant médical. D’ailleurs, nous ne pouvons pas accepter de travailler avec une future mère qui accoucherait sans », précise-t-elle. Un suivi médical requis par la charte des Doulas de France, dont Leslie Lucien est signataire. « Je la montre aux parents en début de rencontre pour poser le cadre de notre relation. Nous ne sommes pas des soignantes. Si la future maman a le moindre souci physiologique, nous devons l’aiguiller vers sa sage-femme, référente principale de la grossesse, avec qui nous travaillons. »
Le noyau familial s’est restreint, les proches sont loin. Les couples qui viennent à nous ont besoin d’une ‘personne ressource’ pour partager de l’information et des conseils pratiques.
Concrètement, une doula n’a pas de cabinet, elle se rend au domicile de ses clientes et reste auprès d’elles le temps nécessaire. Une présence particulièrement appréciée dans le volet post natal, a fortiori pour une première grossesse.
Avant la naissance, il s’agit d’aider le couple à se projeter : clarifier ce qu’ils ressentent, préparer l’arrivée du bébé. Une fois l’enfant au domicile, les parents ont souvent besoin d’être guidés pour répondre aux besoins du nouveau-né, le sujet de l’allaitement venant en premier.
« Nous sommes un peu comme une grande sœur, une mère, mais sans la dimension familiale, parfois vécue de manière contraignante », analyse Ameline Bosson, doula à La Rochelle et conseillère en symptothermie. « Nous nous substituons aux femmes de la famille qui œuvraient autrefois à la transmission du savoir périnatal », rappelle quant à elle Leslie Lucien. « Le noyau familial s’est restreint, les proches sont loin. Les couples qui viennent à nous ont besoin d’une ‘personne ressource’ pour partager de l’information et des conseils pratiques qu’ils pourront faire leurs. »
Accompagnement sur mesure et célébration de la parentalité
Si, au départ, les clients des doulas étaient majoritairement des couples sensibles à une approche « nature » de la grossesse, leur profil change.
« Ils ne sont plus forcément contre la péridurale, parfois ne projettent pas d’allaitement. De plus en plus de familles veulent simplement être entendues et écoutées, souhaitent parler de ce qui est difficile dans le vécu au sein du couple ou avec le bébé », remarque Leslie Lucien.
Même constat chez Ameline Bosson qui accompagne beaucoup de trentenaires. « Ils se sont largement renseignés sur la naissance, questionnent les limites de l’accompagnement médical et cherchent une expérience différente de ce qui est généralement proposé dans le circuit dit classique. Ils ont envie de plus de soutien dans cette période particulière. »
Mu par une réflexion profonde autour de la naissance, on privilégie l’expérience de la parentalité, quitte à favoriser le budget doula par rapport au budget poussette et équipement. L’accompagnement se fait à la demande, parfois dès le désir de conception. Si les honoraires sont libres – autour de 80 euros la séance à domicile – ils ne sont pas indexés au temps passé. En règle générale, l’aide se met en place au second trimestre, à raison d’une séance par mois. La plupart des doulas proposent des formules, comme dix accompagnements à domicile entre 800 et 1100 euros, déplacement compris.
Elles diversifient parfois leur activité en animant des groupes de paroles. Bien que peu rémunérateur, le métier attire toujours plus de femmes profondément féministes. Quelques hommes se forment aussi, mais très peu franchissent le cap de la pratique.
Une vocation en plein essor
D’après Hélène Rock, coprésidente de l’association Doulas de France, 200 à 300 candidates se lancent par an, un chiffre en très forte hausse ces trois dernières années.
« La profession existe depuis deux décennies au Royaume-Uni et aux Etats-Unis. En France, certaines femmes diplômées à l’étranger ont créé l’association en 2006. D’anecdotique, le métier devient omniprésent sur les réseaux sociaux dédiés à la maternité alternative. La presse s’y intéresse, le fait exister auprès du grand public », dit Hélène Rock. En Métropole, il est aujourd’hui facile de trouver une doula.
L’historique Institut de formation Doulas de France enregistre tant de demandes qu’il ne peut plus satisfaire toutes les candidatures. Si le métier n‘est pas encore reconnu par une formation certifiante, de plus en plus d’écoles ouvrent.
Il est possible de trouver quelqu’un via une simple recherche sur les groupes Facebook , mais mieux vaut consulter l’annuaire des Doulas de France. Celui-ci regroupe les professionnelles qui ont validé le cycle de formation de l’Institut éponyme. Hélène Rock met en garde : « On peut devenir doula du jour au lendemain, rien n’est réglementé. Il est évident qu’une formation complète évite des déboires aux professionnelles comme aux clientes. »
Une doula se met au service de couples de tous les milieux, de toutes les cultures, dans des situations ou des contextes socio-économiques difficiles.
Au menu d’un cursus complet : des modules sur le positionnement face au client, le savoir être, l’écoute active et… l’éthique. « Il est essentiel d’apprendre et de comprendre les lois qui encadrent la discipline. Des bases solides et une certaine maturité sont nécessaires à une activité aussi impliquée dans l’intimité des gens », argumente la coprésidente.
« Notre métier n’est pas reconnu, les professionnels de santé sont frileux à notre égard, il est donc important de pratiquer de manière scrupuleuse. Nous devons être irréprochables. » Hélène Rock déplore que certaines écoles se lancent avec des propositions à dimension spirituelle, discutables sur le plan éthique et légal.
Pallier un manque de suivi du corps médical
« Nous travaillons pour les parents. Nous sommes là pour les accompagner et non leur transmettre des crédos d’où qu’ils viennent. Nous devons aussi, en cours de formation, réfléchir à notre propre histoire, afin qu’elle n’interfère pas dans nos futurs échanges », convient Leslie Lucien.
Pour Ameline Bosson, savoir trouver la distance juste est crucial. « Nous sommes au cœur du vécu du couple, nous partageons leurs peurs, leurs doutes, leurs difficultés. Nous n’avons pas le filtre de la profession médicale pour nous protéger. Pas de bureau ou de blouse blanche qui nous sépare », confie-t-elle. Accompagner émotionnellement ce qui est traversé n’est pas toujours simple. Il faut accueillir ce qui n’a pas été entendu du corps médical, les tensions éveillées par la grossesse au sein du couple, de la famille, ou même à titre individuel.
C’est un métier d’avenir car les couples peuvent se sentir très seuls dans ces moments intenses.
« Passer le cap de la parentalité n’est pas anodin et ne se fait pas toujours dans l’allégresse », remarque Ameline Bosson. Une doula se met au service de couples de tous les milieux, de toutes les cultures, dans des situations ou des contextes socio-économiques difficiles. Sans parler des complications médicales et des angoisses qu’elles suscitent. Difficile de ne pas flirter avec la thérapie ? « Il faut rester bien centrée pour aider au mieux, apporter un maximum de calme et de sérénité pour leur permettre de traverser les moments difficiles », répond Ameline Bosson.
Afin de ne pas de se faire déborder, il faut poser son cadre en amont. Ainsi, en post partum – ces jours voire mois essentiels pour que le corps de la mère se repose -, Leslie met en place une hotline téléphonique. Cette dernière lui demande beaucoup de disponibilité, ce qui l’oblige à préserver son dimanche ou certains horaires, sauf urgences. Quoiqu’il en soit, ce métier de service à la personne requiert une vocation profondément humaniste qui demande réflexion.
« C’est un métier d’avenir car les couples peuvent se sentir très seuls dans ces moments intenses. Il deviendra peut-être une profession comme une autre », espère Hélène Rock. Les retours d’expérience sur les réseaux sont pour l’heure très positifs.
« J’ai apprécié une présence bienveillante que je n’avais pas trouvée dans l’hôpital public »
Carole 34 ans, a fait appel à Leslie pour son second enfant et a senti la différence. Dans le cadre d’un projet de naissance sans péridurale, elle s’engage avec elle dans une préparation à la naissance par hypnose.
« Il y a eu un vrai plus par rapport à ma première grossesse, qui s’était pourtant bien passée. J’ai apprécié une présence bienveillante que je n’avais pas trouvée dans l’hôpital public. Après la naissance, Leslie m’a rendu visite, a répondu à toutes les questions qui me taraudaient », témoigne au téléphone la jeune femme qui n’hésite pas à qualifier sa doula d’ange gardien.
« J’ai aussi apprécié de pouvoir parler à une tierce partie neutre sur des sujets qu’on n’a pas forcément envie d’aborder avec des amis, surtout pendant l’année 2020 où l’on a tous été loin les uns des autres. Même dans le couple, cela aide à ouvrir la parole pendant certaines séances », ajoute Carole, dont le mari a assisté à la première et à la dernière séance du cycle.
« Cela lui a permis de mettre des mots sur des peurs, des questions. Il était ouvert à la démarche dès le début car il avait bien perçu que je m’étais sentie seule face à la froideur du suivi médical, pendant la première grossesse. Il a apprécié de mieux comprendre comment il pouvait m’accompagner pendant l’accouchement. Il s’est d’ailleurs senti plus impliqué le jour J », se remémore la trentenaire qui ne regrette pas le coût de l’aventure : « On ne vit pas 36 grossesses dans une vie, il faut, si c’est possible, s’autoriser à s’offrir cet espace rassurant dans une période où l’on se sent fragile. »
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