- 50% d’allergiques au pollen d’ici 2050
- Un calendrier pollinique à connaître
- Le réchauffement climatique en cause
- L’allergie au pollen, une maladie urbaine
- Risque-t-on tous de devenir allergiques ?
- Comment améliorer son quotidien en tant qu’allergique ?
« Quand j’étais enfant, il n’y avait que ma mère qui était allergique au pollen dans la famille. Je pensais en être épargnée ». Marine, 24 ans, n’a découvert que très récemment être sujette au “rhume des foins”.
Il faut dire qu’en pleine pandémie, on est plus rapidement tenté d’associer ses problèmes respiratoires à l’un des nombreux variants du Covid-19, qu’à une rhinite conjonctivite.
Mais le pollen, lui, n’a que faire de la distanciation sociale. Émis par les végétaux au moment de leur reproduction, il est supposé être transporté dans l’air lors de périodes bien définies. Sauf qu’avec le réchauffement climatique, ces périodes ne cessent de se rallonger.
50% d’allergiques au pollen d’ici 2050
D’après les chiffres du Réseau National de Surveillance Ae´robiologique (RNSA), il y aurait aujourd’hui 20% d’allergiques au pollen en France. Depuis 1996 et dans la lignée des travaux de l’Institut Pasteur, l’association œuvre à mesurer les pollens dans l’air, travaille avec les médecins pour connaître les nouveaux symptômes, incite les mairies à éviter la plantation de végétations allergisantes en ville, et alimente une “Carte de vigilance des pollens » selon les départements.
“On ne va pas dans le bon sens. L’OMS annonce 50% d’allergiques d’ici 2050”, déplore Samuel Monnier, ingénieur au RNSA.
L’allergologue Marie Laure Megret Gabeaud abonde dans ce sens : “J’ai effectivement observé une augmentation des cas au cabinet”.
Toux, éternuements, yeux qui grattent ou qui pleurent … D’après l’allergologue, cette augmentation du nombre d’allergiques se traduit aussi par une plus grande diversité de la symptomatologie. Dans ses formes les plus graves, l’allergie peut aussi provoquer des crises d’asthme, de l’eczéma ou un choc anaphylactique.
Ce qui ne le rend toujours pas similaire aux signes cliniques du Covid-19, ajoute le médecin. « Déjà, il n’y a pas de fièvre, pas de fatigue, la toux n’est pas aussi douloureuse que lorsqu’on est infecté par le virus. Et surtout, les allergiques remarquent qu’ils subissent les mêmes symptômes tous les ans, au même moment de l’année ».
Un calendrier pollinique à connaître
Et pour cause, la pollinisation suit un calendrier bien défini.
Entre janvier et mai, ce sont les arbres qui sont fécondés ; entre mars à août, ce sont les graminées, qui comprennent notamment les plantes des champs comme le blé ou le seigle ; puis à cheval, entre avril et octobre, les herbacées prennent le relais.
Par chance, toutes les plantes ne sont pas allergisantes. Sont davantage concernés les végétaux anémophiles, qui utilisent le vent et non les insectes pour transporter le pollen. “Dans les arbres, il faut se méfier notamment de l’aulne ou du bouleau, et de l’ambroisie pour les herbacées”, détaille Samuel Monnier.
Le réchauffement climatique en cause
Malheureusement, la rigueur de ces périodes s’atténue. “À cause du réchauffement climatique, les saisons sont plus chaudes qu’avant. Concrètement, l’effet de serre fait pousser les plantes, et donc diffuse plus de pollen”, explique Marie Laure Megret Gabeaud.
Une étude de l’ONERC (Observatoire national sur les effets du réchauffement climatique) de 2021 le confirme, s’appuyant notamment sur les chiffres du RNSA. Ces derniers montrent que l’ascension du nombre de pollen de bouleau calculé dans l’air était presque complètement superposable à la hausse des températures entre 1989 et 2021.
Un allongement des saisons polliniques qui réduit la durée de répit des allergiques, et que la pollution vient achever. « D’une part, les particules fines fragilisent les pollens, qui éclatent et pénètrent plus facilement dans les voies respiratoires, qui sont déjà irritées par la pollution. D’autre part, la concentration des plantes en protéines allergisantes augmente, et les pollens deviennent plus agressifs », explique l’allergologue.
Le réchauffement climatique provoque un autre phénomène tout aussi compromettant : les plantes se retrouvent à migrer vers l’altitude pour retrouver des températures nécessaires à leur survie.
“C’est le cas notamment de l’ambroisie, qu’on trouve majoritairement en région Rhône-Alpes, et qu’on commence maintenant à observer à plus de 1000 mètres d’altitude », alerte Samuel Monnier. Quelqu’un qui pensait être protégé des effets de l’ambroisie en vivant dans le Massif Central, pourrait bien voir son quotidien changer à cause des bouleversements climatiques.
L’allergie au pollen, une maladie urbaine
“Pendant le premier confinement en mars, je ne ressentais aucun symptôme. Pourtant, c’est la pire période de l’année pour moi d’habitude”, témoigne Pauline, qui se sait allergique au pollen depuis au moins cinq ans.
“C’est vrai que pendant cette période, les gens ont remarqué qu’ils souffraient moins que les autres années. Mais à la sortie en mai 2020, c’était la pollinisation des bouleaux en ville. Ça a été terrible”, se souvient Samuel Monnier.
Pour l’ingénieur, cette explosion des cas d’allergie post-confinement est symptomatique des effets délétères d’un mode de vie trop sédentaire. « On vit beaucoup plus à l’intérieur que nos aînés. Notre corps est surprotégé, ce qui le rend plus faible une fois exposé aux agressions à l’extérieur”.
Risque-t-on tous de devenir allergiques ?
A priori tous.tes victimes de la pollution et des effets du changement climatique, il serait légitime pour un.e non-allergique de se demander : combien de temps me reste-t-il à être épargné.e ?
Mais l’allergologue le martèle : si le nombre de cas va poursuivre son ascension à travers les années, nous n’arriverons jamais à un 100% d’allergiques. Il y aura bien des personnes immunisées à vie.
“L’allergie, c’est la rencontre d’un terrain avec un environnement. Oui, nous sommes tous affaiblis par notre environnement pollué, mais s’il n’y a pas terrain allergique chez une personne, alors l’allergie ne sera jamais déclenchée.”
Contrairement à ce que l’on pourrait penser, l’augmentation du nombre d’allergiques n’est pas symptomatique de nos systèmes immunitaires qui s’affaiblissent. Ces cellules suffisamment fortes pour combattre les allergènes, on les a, ou on ne les a pas.
Comment améliorer son quotidien en tant qu’allergique ?
« Vigilance », “risque”, “alerte” : de par la gravité du ton employé et l’étendue de leurs actions pour prévenir l’arrivée des pollens, la carte du RNSA n’est pas sans nous rappeler les heures les plus sombres de 2020.
« Les allergiques voient ça comme une vraie maladie. Cela peut gravement affecter leur moral. Par exemple, on en connaît qui ont même été amenés à déménager en Bretagne, à cause du surplus d’ambroisie présent dans la région lyonnaise où ils vivaient”, justifie l’ingénieur.
Mais pas de panique, à moins d’une mutation imprévue, le pollen n’est pas potentiellement mortel (sauf les cas extrêmes cités plus haut, à savoir une crise d’asthme très forte ou un choc anaphylactique non pris en charge).
Si les craintes persistent, le plus important est de se faire tester bien en amont. “Il faut faire les tests minimum 3-4 mois avant la saison pollinique qui nous effraie. Sinon, on ne pourra pas commencer le traitement de désensibilisation”, informe Marie Laure Megret Gabeaud. Les flacons de désensibilisation sont à prendre sur 3 à 5 ans, et “du mieux est remarquable dès la première année”.
Pour Samuel Monnier, il est aussi fondamental d’identifier de quel pollen on est allergique, afin de connaître les périodes et les plantes les plus à risque.
Dans tous les cas, afin de limiter leur exposition aux grains allergènes, le RNSA met à disposition toute une liste de recommandations : se rincer les cheveux le soir, fermer les fenêtres de la voiture, aérer son intérieur tôt le matin ou tard le soir, faire sécher son linge en priorité à l’intérieur … “Le port du masque peut aider, un peu”, ajoute l’ingénieur.
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