Elle a repris le flambeau de C à vous en 2017, imprimé sa marque et décroché des records d’audience, du lundi au vendredi à 19 heures sur France 5. Qui se cache derrière ces fous rires et cette spontanéité ? Réponses 100 % Babeth !
C à vous est devenu le rendez-vous de ceux qui font l’actu. Avez-vous eu le sentiment que la route a été longue ?
Anne-Élisabeth Lemoine : Quelles que soient les carrières, rien n’est jamais acquis, rien n’est jamais donné. Je n’ai pas le sentiment que mon histoire à la télévision était écrite d’avance. Je suis arrivée à l’antenne par le journalisme – presse écrite, radio, etc. -, mais ça n’était pas un Graal. Il se trouve que, par un hasard très heureux, je suis entrée dans ce monde-là.
Marc-Olivier Fogiel, avec qui vous avez travaillé sur Tout le monde en parle et T’empêches tout le monde de dormir, fait-il partie des bons génies qui ont jalonné votre route ?
Bien sûr ! Je le faisais beaucoup rire, je crois qu’il aimait mon humour, ainsi qu’une certaine forme de malice. Marco m’a appris à ne pas hésiter à développer ma personnalité dans la façon de traiter l’information. Exister telle que je suis, avec mes coups de gueule ou mes enthousiasmes, sans céder à la rigueur.
Comment fait-on pour être soi-même face caméra, sans gêne, ni distance ?
Il y a une chose qui règle tous les problèmes : ça s’appelle le direct. Je n’ai jamais fait que ça ! Après tant d’années, vous ne pouvez pas être quelqu’un d’autre que ce que vous êtes. D’autant que, comme j’ai tendance à travailler jusqu’à la dernière minute, le passage entre la vie réelle et la vie de plateau est quasi immédiat, il n’y a pas de soupape pour créer un personnage.
Vous ne vous glissez pas dans la peau de l’animatrice de talk-show…
Comme je suis d’un tempérament plutôt spontané, on lit en moi comme dans un livre ouvert, je suis incapable de mentir. Par ailleurs, je n’ai jamais été parfaite : quand je m’habille le matin, il y a toujours un truc qui ne va pas. Gaffeuse depuis toute petite, j’ai appris à me sortir de toutes les situations quand il n’y a pas de méchanceté. Mon père est comme ça. Dans toutes les familles nombreuses (elle est issue d’une fratrie de sept enfants, ndlr), quand vous dites un truc qui fait marrer tout le monde lors d’un repas de famille, ce n’est pas le moment de commencer à se vexer ! Je suis la première à accepter qu’on se moque de moi.
Que vous ont transmis vos parents d’essentiel ?
La valeur du travail et l’honnêteté. Mes parents sont très légalistes. Ce qui n’empêchait pas les contestations – et j’en ai eues ! – mais dans le respect des règles. Quant au travail, ma mère m’a toujours dit : "Plus on en fait, plus on a envie d’en faire !" Elle nous a encouragés à multiplier les activités : musique, théâtre, sport, etc. L’école n’a jamais été une douleur car, comme disait ma prof de latin quand elle nous faisait apprendre les déclinaisons : "La vie, ça commence toujours par des contraintes pour acquérir beaucoup de liberté." Si j’arrive à cette forme de légèreté à l’antenne, c’est parce que, d’abord, il y a beaucoup de boulot.
Quand les entretiens se tendent comme avec Anne Nivat (journaliste et épouse de Jean-Jacques Bourdin) ou Éric Zemmour, comment gardez-vous votre sourire sans paraître déstabilisée ?
Pendant le direct, il faut être une machine de guerre : mes états d’âme, tout le monde s’en fiche. Je ne suis jamais dans la recherche du clash, mais, quand il faut relancer l’invité, j’y vais. C à vous est d’abord une émission d’accueil. On peut être dans la contestation, dans la contradiction, mais pas dans la confrontation. C’est un espace de dialogue dans lequel nos invités ont le droit ne pas apprécier nos questions et d’y répondre comme ils le souhaitent.
Cette interview paraît à l’approche de la semaine de la Journée internationale des droits des femmes du 8 mars, quel est votre sentiment sur la parité à la télévision ?
Je présente une émission qui a toujours été animée par des femmes, pensée pour une femme et qui, je pense, va le rester. Ça a donc été un avantage de me prénommer Anne-Élisabeth plutôt que Bernard ! J’ai la chance de travailler à une époque où France Télévisons et Delphine Ernotte (présidente du groupe) ont décidé de mettre des femmes à l’antenne : le timing a été hyper favorable. Ceci étant dit, à mes débuts, être une femme n’était pas forcément un avantage. Le métier n’était pas aussi féminisé qu’aujourd’hui. Comme beaucoup de mes consœurs, on m’a confié les questions de santé censées être plus "féminines". Il y avait peu de femmes grands reporters, on nous mettait rarement sur les grosses actualités. Heureusement, ça a changé. Marco, lui, s’est toujours appuyé sur sa complémentarité avec les femmes.
Quel est le meilleur antidote pour éviter d’avoir la grosse tête, selon vous ?
Les audiences tous les matins à 9 heures ! Depuis que je travaille, je sais qu’une carrière peut être longue ou très courte. C’est compliqué de se reposer sur ses lauriers. La confiance, elle se gagne tous les jours.
Que cultivez-vous dans votre jardin secret pour vous ressourcer ?
À la maison, on ne parle pas trop de boulot. Mon mari et mes fils (de 8 et 18 ans, ndlr) ne me regardent pas le soir. Quand je rentre, je suis d’abord soucieuse de ce qui s’est passé pour eux. Je m’en veux souvent car, malgré les petits textos, les petits coups de fil, je n’ai pas le temps que je voudrais pour échanger avec eux. Alors je pédale pour rentrer chez moi et décompresser. Ensuite, une fois arrivée, j’essaie de mettre le travail de côté. Et puis une nouvelle journée commence, avec des livres à lire avant de rencontrer les auteurs, des rendez-vous avec les prochains invités, sans oublier une machine à lancer, une autre à programmer… Mon jardin secret, c’est étendre mon linge ! (Elle rit.)
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