La Saint-Valentin est l’occasion pour se (re)mettre à la lecture de correspondances amoureuses de couples célèbres, voire, y trouver de l’inspiration. Secrètes, déchirantes, poétiques, ou brûlantes, ces lettres à sens unique ou ces échanges passionnés ont le point commun d’être réels. Ils n’appartiennent pas à la fiction. Nous connaissons leurs auteurs, leurs récepteurs, et imaginons volontiers leur émotion à leur rédaction ou à leur lecture… Vu la nôtre à leur découverte.
L’échange amoureux de Victor Hugo et Juliette Drouet
Un demi-siècle d’amour et de lettres d’affection. Ils avaient leur date anniversaire : la nuit du 16 au 17 février. Comme un rituel, Juliette Drouet, actrice et compagne de Victor Hugo, préparait ses plus beaux mots pour cette date, en souvenir de leur première nuit d’amour, du 16 au 17 février 1833. Une « nuit bénie », qui sera aussi celle de Marius et Cosette dans Les Misérables.
Voici ce que dit la plume amoureuse de Juliette Drouet : « Il y a aujourd’hui trente-deux ans que j’ai commencé pour la première fois la douce tradition de mes gribouillis quotidiens, espèce de fil électrique que mon âme croyait attacher à ton âme quand tu étais loin de moi. Cette tradition, je la conserve avec la même confiance superstitieuse que le premier jour et tant que mes yeux pourront distinguer le noir du blanc et mes doigts tenir une plume, tu recevras ce bonjour de mon cœur tous les matins. »
« Mon grand petit homme… » : Mille et une lettres d’amour à Victor Hugo, de Juliette Drouet, Gallimard, 840 pages
Correspondance 1833-1883, de Juliette Drouet et Victor Hugo, Fayard, 756 pages
Simone de Beauvoir et Jean-Paul Sartre, l’amour en quatre tomes
Il la surnommait « castor » en référence à sa traduction anglaise, « beaver », proche phonétiquement de Beauvoir. À son castor, et à quelques autres femmes parfois, Jean-Paul Sartre écrira quasi-quotidiennement une montagne de lettres, l’équivalent de deux tomes. Bien sûr ses « lettres au castor » recevaient leurs réponses, les « lettres à Sartre », elles-aussi publiées en deux tomes chez Gallimard. Simone de Beauvoir a accepté de les faire publier après la mort de Jean-Paul Sartre.
Une réponse de Sartre pour vous convaincre : « Mon charmant castor, Que vos lettres sont tendres. Elles remuent le coeur, je les lis une première fois à l’heure du courrier vers deux heures et puis je les relis le soir avant d’écrire. Je crois que je vous lis avec les yeux de l’amour, car je n’y trompe jamais. Votre petit salut quotidien n’est pas venu depuis quatre jours et le monde n’est plus pareil. Je me sens pour la première fois déprimé et captif, un rat dans la ratière, je sens toute mon impuissance. »
Lettres au castor et à quelques autres, tome 1 : 1926-1939, de Jean-Paul Sartre, Gallimard, 400 pages
Lettres au castor et à quelques autres, tome 2 : 1940-1963, de Jean-Paul Sartre, Gallimard, 528 pages
Lettres à Sartre, tome 1 : 1930 – 1939, de Simone de Beauvoir, Gallimard, 400 pages
Lettres à Sartre, tome 2 : 1940-1963, de Simone de Beauvoir, Gallimard, 440 pages
Albert Camus, Maria Casarès, amants jusqu’à la mort
Durant la nuit du débarquement, Albert Camus et Maria Casarès, l’actrice qu’il a choisi pour incarner Martha, pour sa pièce Le malentendu, sont devenus amants. Jusqu’à la mort accidentelle de l’écrivain, en 1960, les deux amoureux n’ont cessé de s’écrire. Leurs métiers artistiques et publics, ou leur recherche d’inspiration, les éloignaient parfois durant des semaines. Dans ces semaines-là, d’absence et de manque, ils s’écrivaient de longues déclarations, constatant, émerveillés, la puissance de leur amour.
Cette immense correspondance de 865 lettres déchirantes, lyriques, sans compter les bristols et les télégrammes, n’a été publiée qu’en 2017, aux éditions Gallimard, et à l’initiative de Catherine Camus, la fille de l’écrivain.
Voici quelques mots d’Albert Camus, émerveillé par sa maîtresse : « Je veux que tu sois heureuse. Tu n’as jamais été plus belle que ce soir où tu m’as dit que tu étais heureuse. Je t’aime de beaucoup de façons, mais surtout comme cela, avec le visage du bonheur et cet éclat de la vie qui me bouleverse toujours. »
Correspondance (1944-1959), de Albert Camus et Maria Casarès, Gallimard, 1312 pages
Les lettres poétiques de Jean Cocteau à Jean Marais
Jean Cocteau a presque 50 ans lorsqu’il fait la rencontre de l’acteur Jean Marais, lors d’une audition pour sa pièce Œdipe-Roi, en 1937. Il a 24 ans. Jusqu’à la mort de l’écrivain, il sera son amour, son confident et son plus grand ami. De leur lien fusionnel naîtra une tendre correspondance, preuve et témoin intemporel de leur amour.
La poésie d’un extrait pour vous convaincre : « Le beau dimanche approche. Même s’il pleut, ce sera un beau dimanche. Voilà le prodige de notre rêve et que les circonstances rendent si merveilleux. Je n’existe que par toi et par ces visites — je n’écoute plus la ville et son brouillard d’idées. Tout me semble clair et pur à cause de ton soleil et de ton espoir. C’est toi qui as raison. C’est ton étoile qui donne la chance et la joie. C’est le reste qui s’embrouille et trébuche dans les ténèbres. »
Lettres à Jean Marais, de Jean Cocteau, Albin Michel, 500 pages
L’amour de Lou et Apollinaire, plus fort que la guerre
Guillaume Apollinaire surnommait l’aviatrice Louise de Coligny-Châtillon « Lou ». Il était tombé amoureux de sa Lou en septembre 1914 et lui a dédié ses célèbres poèmes, édités par cette dernière, à la mort de son amant. Ils s’échangeaient aussi des lettres brûlantes, presque tous les jours, quand le poète était au front, en Champagne.
Un mot de soutien de Lou à son « Gui » au front pour vous convaincre : « Je te donne ma bouche. Prends-la dans un long baiser ! Et serre-moi fort sur ton cœur comme un pauvre petit enfant qui a beaucoup souffert… et qu’un chagrin de plus maintenant conduirait au désespoir. »
Lettres à Lou, de Guillaume Apollinaire, Gallimard, 548 pages
Lettres à Guillaume Apollinaire, de Louise de Coligny-Châtillon, dite Lou, Gallimard, 128 pages
Le correspondance passionnelle de Virginia Woolf et Vita Sackville-West
La correspondance entre l’écrivaine Virginia Woolf et la poétesse Vita Sackville-West dura quasiment vingt-ans, jusqu’à la mort de la première. Vingt ans d’échanges épistolaires à se raconter leurs voyages, leurs rencontres mondaines dont elles se moquent, ensemble.
Je t’en prie, dans tout ce fatras de la vie, continue d’être une étoile fixe et brillante
Elles se confient tout, même leurs infidélités. Elles estiment leur amour bien au-dessus de cela. Et quand elles se déclarent cet amour passionnel, elles créent des combinaisons de mots magiques.
Le style de Vita Sackville-West pour vous convaincre : « Je t’en prie, dans tout ce fatras de la vie, continue d’être une étoile fixe et brillante. Il y a si peu de choses qui se perpétuent comme des phares : la poésie, et toi, et la solitude. Tu le vois, je suis extrêmement sentimentale. T’en étais-tu doutée? »
Correspondance 1923-1941, de Vita Sackville-West et Virginia Woolf, Le livre de poche, 696 pages
La longue lettre d’amour et de pardon d’André Gorz
Cette longue lettre de 74 pages d’André Gorz est un hommage à Doreen, sa compagne depuis presque six décennies. Le journaliste et philosophe réalise non seulement n’avoir durant sa carrière jamais écrit sur l’essentiel, leur amour (« Je t’écris pour comprendre ce que j’ai vécu, ce que nous avons vécu ensemble »), mais aussi avoir dressé par bribes un portrait faux de sa femme, sinon peu flatteur.
Cette longue lettre est à la fois le bilan d’une vie à deux, à s’épauler, se sacrifier pour le travail et l’urgence d’écrire de l’Autre, ainsi qu’une bouleversante réhabilitation de l’image de sa femme qu’il avait lui-même faussée.
Quelques lignes pour palper l’émotion du récit : « Tu vas avoir quatre-vingts-deux ans. Tu as rapetissé de six centimètres, tu ne pèses que quarante-cinq kilos et tu es toujours belle, gracieuse et désirable. Cela fait cinquante-huit ans que nous vivons ensemble et je t’aime plus que jamais. »
Lettre à D., Histoire d’un amour, de André Gorz, édition Galilée, 74 pages
L’adieu à Yves de Pierre Bergé après un demi-siècle d’amour
Lettres à Yves, de Pierre Bergé, Gallimard, 112 pages
Les lettres secrètes d’un François Miterrand transi d’amour pour Anne Pingeot
Lorsqu’ils se rencontrent, Anne Pingeot a dix-neuf ans, François Mitterrand, 46. C’était en 1962. L’année de la première lettre du futur président de la République à son amante. Il lui en écrira 1217 autres, jusqu’au 22 septembre 1995, quelques mois avant sa mort. « Tu m’as toujours apporté plus. Tu as été ma chance de vie. Comment ne pas t’aimer davantage ? », questionnera-t-il, ce jour-là.
Jusqu’à cette dernière lettre, le président mystérieux s’adresse à « Anne (s)on amour », avec la même intensité, la même constance, la même certitude de ses immenses sentiments.
Anne, tu as été mon amour invariable, le grand vent de ma vie, tu l’es
Quelques lignes pour comprendre le ton de François Mitterrand : « Anne, tu as été mon amour invariable, le grand vent de ma vie, tu l’es. Il n’y a pas de mots, pas de gestes. Je commence à t’aimer plus que moi. J’ai envie de dire des choses futiles : ma délicieuse, ma musique, ma chérie pour taire les choses graves qui m’occupent, ô ma grâce et ma lumière. »
Lettres à Anne (1962-1995), de François Mitterrand, Gallimard, 1280 pages
Source: Lire L’Article Complet