La quête de la perfection véhiculée par les réseaux sociaux pourrait nuire à la santé mentale. En les boycottant ou en les utilisant, l’industrie des cosmétiques ouvre le débat.
«Tout comme nous faisons extrêmement attention à l’innocuité de nos produits de beauté, nous ne voulons pas emmener nos clients sur des plateformes toxiques», affirme Chloé Chazot, directrice de la communication en France de Lush. La marque de cosmétiques britannique a brutalement quitté ses principaux réseaux sociaux en novembre 2021 (Facebook, Instagram, TikTok et Snapchat), qui étaient suivis par plus de 10 millions d’abonnés dans le monde. Une décision radicale censée «protéger la santé mentale» de ses clients, suite à certaines récentes révélations des lanceurs d’alerte.
«Ces enquêtes, comme celle de Frances Haugen dans le Wall Street Journal, ont mis en lumière les effets néfastes de ces plateformes, notamment sur les jeunes filles.» Déjà en 2019, Lush s’était retirée des réseaux sociaux, lassée de se battre contre des algorithmes qui conditionnent ce que leurs abonnés reçoivent.
Perte d’estime de soi
À juste titre : le site d’investigation The Intercept dévoilait en 2020 un rapport accablant concernant TikTok, l’une des applications les plus prisées par la génération Z. On y découvre que les modérateurs doivent censurer les visages considérés comme « laids » ou «trop ridés», jugés «moins attrayants».
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La même année, l’étude «Un selfie à contre-courant» menée par Dove démontrait que le recours aux applis de retouche pour obéir à des canons de beauté irréalistes affaiblissait l’estime de soi des jeunes. Plus exposés que jamais aux écrans depuis la pandémie, ils se retrouvent confrontés en permanence à cette beauté filtrée, retouchée et modifiée promue par les influenceurs les plus suivis.
De quoi créer des complexes qui peuvent se transformer en obsessions : «Si on n’est pas liké, cela veut dire qu’on ne “convient” pas tel que l’on est, analyse le docteur Fanny Jacq, psychiatre à Paris. Les adolescentes ne se perçoivent qu’à travers le prisme des filtres et cela modifie complètement la perception qu’elles ont d’elles-mêmes, c’est ce qu’on appelle le « syndrome Snapchat ». Elles sont en quête d’un idéal qu’elles n’atteindront jamais et cela peut mener à une perte d’estime de soi, à de la dépression ou à des troubles alimentaires.»
Sensibilisation
Déjà, dans la continuité du mouvement «body positive», les marques de cosmétiques n’avaient plus peur d’afficher boutons, vergetures et autres cicatrices sur la peau des mannequins dans leurs publicités : «On a aussi un langage très positif dans nos descriptifs de produits. Par exemple, on ne parle pas d’imperfections», souligne Chloé Chazot.
Alexis Ruby pour Mark Cross.
Alexis Ruby.
Ashley Graham pour Michael Kors.
Ashley Graham.
D’autres s’emparent des réseaux sociaux pour éduquer leur communauté sur les problèmes de santé mentale. Sur le compte Instagram de la marque américaine Rare Beauty, fondée par Selena Gomez (qui a elle-même révélé être diagnostiquée bipolaire), les tutoriels de maquillage se mêlent à des messages de sensibilisation. «Nous partageons des recherches sur la santé mentale qui sont “sauvegardées” par nos abonnés autant, voire plus, que nos tutos make-up», affirme Elyse Cohen, vice-présidente Impact social et inclusion de Rare Beauty.
Avant même que les produits ne soient vendus, la marque avait déjà créé son propre fonds d’investissement, Rare Impact, qui soutient les services d’aide à la santé mentale (la dernière levée de fonds a dépassé les 400. 000 dollars en deux mois).
https://instagram.com/p/CYrm5tCPV1n
Dans la même lignée, la marque Maybelline New York a lancé une campagne digitale baptisée «Brave Together», en partenariat avec l’Unafam (Union nationale de familles et amis de personnes malades et/ou handicapées psychiques), encourageant les plus jeunes à consulter un psychologue et à repérer les signes de détresse mentale dans leur entourage. Comme l’espère Lush, reste encore aux grands acteurs des réseaux sociaux à prendre leurs responsabilités.
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