Camilla Parker Bowles, la duchesse qui revenait de loin

Elle a rencontré le prince Charles en 1971, avant de l’épouser trente-cinq ans plus tard. Entre-temps, elle a été l’amante maudite, la méchante marâtre et la mal-aimée de la Firme. Portrait de la duchesse de Cornouailles, et d’une future reine.

Diana l’avait affublée du doux petit nom de «Rottweiler». Si les Britanniques l’ont longtemps perçue comme une voleuse de mari et la possible responsable de la dérive de Lady Di, ils sont obligés de l’admettre : Camilla Parker-Bowles est désormais la duchesse de Cornouailles. Et même plus : la future «reine consort» du Royaume-Uni. Elizabeth II l’a annoncé le jour de son Jubilé de platine (soit ses 70 ans de règne) : «Lorsque le moment sera venu, et que mon fils Charles deviendra roi, je sais que vous lui apporterez, ainsi qu’à son épouse Camilla, le même soutien que celui que vous m’avez apporté». Pour ceux qui ont suivi toute l’histoire, le revirement est immense.

Amour impossible

Un amour qui semble, au départ, aussi passager qu’impossible. La famille royale refuse cette relation, Camilla étant déjà engagée dans une relation avec un ami de la famille, Andrew Parker Bowles. (21 octobre 1979.)

Il fut un temps où l’on ne prononçait pas son prénom à la cour. On le chuchotait. Parce qu’il rendait Diana folle, et la famille royale mal à l’aise. Parce que c’est l’histoire d’une passion que tout le monde a voulu étouffer, mais dont le feu ne s’est jamais éteint. Quand le prince Charles croise la route de Camilla Shand, fille d’un major de l’armée britannique, en 1971, par l’intermédiaire d’une amie chilienne, on dit que c’est un coup de foudre naturel, mais instantanément contrarié par la cour. Elizabeth II et le prince Philip s’opposent fermement à une quelconque relation sérieuse de Charles avec cette jeune femme déjà engagée dans une relation amoureuse. Elle est en effet sur le point de se fiancer avec Andrew Parker Bowles, «deb’s delight» (un délice de débutantes, en français) de l’époque, et dont la famille est proche de la reine mère. Si Camilla n’a pas une beauté conventionnelle, tous les tabloïds anglais se rejoignent pour dire qu’elle exerçait un magnétisme irrésistible sur les hommes qu’elle croisait.

En vidéo, Diana, un destin tragique

Ménage à trois

Un temps amie (naïve) de Camilla, Diana devient vite son ennemie (jurée). Dans une interview accordée à la BBC en 1995 et qui fera scandale, Lady Di dira : «Nous étions trois dans ce mariage… C’était un peu trop.» (1980.)

Charles se voit alors proposer une solution plus raisonnable en la personne de Diana Spencer, ravissante English rose au sang bleu. «Il a réfléchi comme on le faisait jadis dans les cours royales, à savoir qu’une épouse servait avant tout à assurer la poursuite de la dynastie, et que rien n’empêchait des amours parallèles avec des maîtresses», nous disait Michel Faure, l’auteur de Charles, roi d’Angleterre, dans une interview. «Mais on ne réfléchissait plus vraiment comme ça dans les années 1980…»

Si Camilla, désormais Parker Bowles, est sensée vivre sa vie de femme de major et mère de deux enfants dans le Wiltshire, à 150 km à l’ouest de Londres, Charles s’éclipse de plus en plus souvent à Highgrove House, son manoir à la campagne, à une vingtaine de minutes en voiture de celle que tout le monde appelle alors sa maîtresse. Dans une célèbre – et scandaleuse – interview accordée à la BBC en 1995, Lady Di confie au monde entier : «Nous étions trois dans ce mariage… C’était un peu trop.» Dans les enregistrements d’Andrew Morton, l’auteur de sa biographie, elle raconte aussi avoir trouvé un bracelet, quelques jours avant son mariage en 1981, avec les initiales «G F» gravées dessus. «Gladys et Fred, c’était leurs surnoms», dit-elle. Surnoms inspirés par les personnages absurdes d’une série radio humoristique (The Goon Show) diffusée dans les années 1950.

1992 sonne la séparation officielle de Charles et Diana. 1993 ? Le «CamillaGate», ou le scandale de la conversation téléphonique entre Charles et Camilla. (Londres, 23 juin 2000.)

De ce que l’on sait, le prince Charles aurait pleuré la nuit précédant son mariage ; Diana a elle été décrite «comme un agneau que l’on envoyait à l’abattoir en s’avançant vers l’autel» de l’abbaye de Westminster, le Jour J. Sans réelle surprise, les dix ans qui suivent leur royale union donnent lieu à ce que les Anglais ont appelé «The war of the Waleses» (la guerre des Galles), les deux époux s’humiliant et se trompant au su de tous. À cette période, Camilla paraît être la seule à qui Charles puisse se confier, la seule aussi, à pouvoir lui parler sans filtre, à le traiter normalement, raconte la célèbre écrivaine anglaise Penny Junor dans sa biographie de la duchesse de Cornouailles.

1992 siffle la fin de la bataille, et la séparation officielle. 1993 ? Le «CamillaGate», ou le scandale autour de la diffusion d’une conversation téléphonique entre Charles et Camilla. Le fils d’Elizabeth II y confie notamment rêver «de vivre dans le pantalon» de sa bien-aimée… Le divorce des Galles est prononcé en décembre 1996, quelques mois avant la mort tragique de Lady Di, le 31 août 1997, à Paris.

Un lent apprivoisement

Le 8 avril 2005, enfin, Charles et Camilla convolent au cours d’une cérémonie sans faste au château de Windsor.

L’Angleterre est sous le choc, la famille royale éplorée. «Gladys et Fred» se font gentiment oubliés et pour preuve, on compte très peu de photos du couple avant leur mariage, le 8 avril 2005, lors d’une cérémonie sans faste au château de Windsor. La reine, qui refusait un temps que le budget royal serve à décorer la salle de bains de Camilla à Clarence House et qui n’assiste pas à l’union civile, bénit chaleureusement, dit-on, la nouvelle union. Camilla devient officiellement princesse de Galles (titre qui lui revient par mariage, mais qu’elle n’a jamais utilisé par respect envers Diana) mais s’est contentée jusqu’à aujourd’hui de celui de duchesse de Cornouailles – parmi les seconds choix. Parce qu’elle est abominée par une bonne partie des Britanniques, il est convenu à l’époque qu’elle ne sera jamais reine et n’aurait, lorsque Charles accéderait au trône, pas d’autre titre que celui de princesse consort.

Mais l’eau a coulé sous le London Bridge. Camilla est restée discrète, prenant rarement la parole en public et évoluant à l’ombre du clan, forçant la pudique admiration des Anglais, qui la voient aujourd’hui comme un soutien indéfectible de Charles et une belle-mère attentive pour Kate Middleton (nul ne sait comment elle s’entend avec Meghan). Avec les médias, elle a toujours habilement manœuvré en jouant les abordables et en étant aimables avec les photographes. Les journalistes qui l’ont approchée la décrivent d’ailleurs amicale, et surtout très drôle, qualifiant parfois son humour d’irrévérencieux avec souvent pour preuve, ce fou rire du couple lors d’un spectacle traditionnel inuit au Canada, largement relayé – et mal vu – à l’époque.

En vidéo, Camilla et Charles piquent un fou rire pendant un spectacle inuit

Long live to the queen

Le prince Charles et Camilla Parker-Bowles sur les îles Galapagos, le 17 mars 2009.

En lui accordant le titre de reine consort, Elizabeth II clôt, de toute manière, le débat une fois pour toute et poursuit le long chemin vers son acceptation publique. Même les princes William et Harry qui, selon l’historien Robert Lacey, étaient contre ce statut de reine à part entière, n’ont plus leur mot à dire. Aujourd’hui, Camilla parraine ou préside une centaine d’œuvres de bienfaisance. Un jour, à la mort de la reine, elle deviendra «Reine Camilla» pour tous les Anglais.

En attendant, elle est toujours là, souriant, quelques pas derrière ce prince dont elle est peut-être, le seul grand amour. À la suite d’un voyage en Papouasie Nouvelle-Guinée, en 2012, Charles, dit d’elle : «Elle a adoré. Et j’espère qu’ils ont tous réalisé à quel point elle était spéciale. Je pense qu’ils ont pu apprécié sa bonté et son côté terre à terre». Des mots affectueux qu’il n’a jamais eu à l’égard de… quiconque publiquement. Le jour de ses fiançailles avec Diana, en février 2021, à un journaliste de la BBC qui lui demandait s’il était amoureux, il avait fait cette cinglante réponse : «Tout dépend ce que vous entendez par amoureux».

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